mardi 4 octobre 2016

Nous continuerons de demander justice pour les milliers de héros exécutés en Iran - témoignage

 «Je suis une ancienne détenue politique et membre de la Résistance iranienne. J’aurais dû, moi aussi, être une photo parmi les photos de cette exposition sur les exécutés de l’été 1988 sur l’ordre de Khomeiny en Iran », expliquait Massoumeh Raouf à Aubervilliers dans une exposition consacrée au massacre de 1988 en Iran.
Voici son témoignage : 
 « Permettez-moi de commencer en saluant la mémoire de plus de 30.000 Moudjahidines du peuple d’Iran et résistants qui sont restés fidèles jusqu’au bout de leur vie courte mais riche, aux valeurs humaines et à la cause de la résistance iranienne, c'est-à-dire l’instauration de la liberté et de la démocratie en Iran.
Je suis une ancienne détenue politique et membre de la Résistance iranienne. J’aurais dû, moi aussi, être une photo parmi les photos de cette exposition sur les exécutés de l’été 1988 sur l’ordre de Khomeiny en Iran.
 J’ai été arrêtée en septembre 1981 et condamnée à vingt ans de prison dans un simulacre de procès de 10 minutes. La photo du juge religieux qui m’a condamnée est affichée ici dans cette exposition. Mais au bout de huit mois j’ai réussi à m’échapper.
En détention, les pasdaran nous menaçaient : « s’il y a un soulèvement on vous règlera votre compte en premier ». Le directeur de la prison de Racht, dans le nord de l’Iran, nous lançait : « Abandonnez l’idée que vous sortirez de la prison comme des héros. C’est votre cadavre qui sortira d’ici. » Si à l’époque, j’écoutais ce criminel sans le croire, j’ai bien vu par la suite que le régime a commis les crimes les plus incroyables, comme l’exécution de plus de 30.000 prisonniers politiques en quelques moi. Mon frère cadet Ahmad Raouf Bachari-Doust est une victime de ce massacre.
Après 28 ans, c’est une plaie ouverte qui saigne encore. Après 28 ans, nous n’avons pas pu faire notre deuil car les bourreaux n’ont ni remis la dépouille de mon frère à ma famille, ni informé où il était enterré. Après 28 ans, la justice n’est pas été rendue et les criminels sont encore au pouvoir en Iran.

Ahmad n’avait que 16 ans quand il a été arrêté dans un raid des pasdaran sur notre maison, pour avoir manifesté et participé à des meetings des Moudjahidine du peuple d’Iran. Vers la fin de 1982, après plusieurs séries d’interrogatoires et de torture, il a été condamné à 5 ans de prison et enfermé à la prison de Racht puis à celle d’Evine à Téhéran et enfin à celle de Gohardacht dans la ville de Karadj.
En mars 1988, pour la première fois, j’ai reçu une lettre d’Ahmad. Il avait été libéré après presque 6 ans de prison et cherchait à quitter le pays pour rejoindre la résistance. Il avait écrit : « si je voulais te raconter tout ce que j’ai vécu durant ces années, je pourrais écrire des volumes, laissons donc le récit de ce voyage forcé et des douleurs endurées pour un autre moment.»
Quelques mois plus tard, il a quitté la ville de Racht pour rejoindre la cité d’Achraf de la résistance iranienne. Mais sans le savoir, il est tombé dans un piège des services de renseignement du régime. A mi-chemin, il a de nouveau été arrêté et emmené sous la torture.
Moi, j’attendais son arrivée. Des jours d’attente qui n’en finissaient pas. Quand j’ai lu les nouvelles sur le massacre, j’ai décidé d’appeler mon père. Il m’a déclaré avec surprise : « mais il n’est pas avec toi ? Il nous a dit adieu pour aller te voir. Mais s’il n’est pas avec toi, alors où est-il ? »
Après mon appel, mon père est allé de prison en prison à la recherche d’Ahmad. Mais il n’a rien trouvé, ni nom, ni trace, ni tombe. Ahmad a été pendu sur ordre de Khomeiny comme 30.000 autres prisonniers politiques exécutés dans ce massacre de l’été 1988.
En 1991, des agents des services de renseignement ont dit à mon père qu’ils l’avaient exécuté dans la prison d’Oroumieh, dans le nord-ouest de l’Iran, mais ils n’ont pas révélé où ils l’avaient enterré.
Des dizaines de milliers de familles sont dans notre situation. Mais aujourd’hui comme l’a dit la présidente élue de la Résistance iranienne, Maryam Radjavi : «le peuple iranien ne renoncera jamais à sa demande de poursuite de chacun des dirigeants du régime impliqué dans ce massacre ».
Oui, nous continuerons à défendre la mémoire et les valeurs pour lesquelles Ahmad et ces milliers de héros ont donné leur vie.

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