Lors d’une lettre publiée le 16 octobre, la prisonnière Maryam Akbari-Monfared porte plainte pour les exécutions de son frère et sa sœur au cours du massacre de 1988
Accusés de soutenir l'Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI), trois de ses frères et une sœur ont été exécutés dans les années 80. Elle n’a pu obtenir que leurs sacs personnels. Un autre frère et une de ses sœurs ont été exécutés lors du massacre des prisonniers politiques en 1988.
Aujourd’hui, depuis sa cellule de prison, Maryam Akbari-Monfared fait déposer une plainte officielle demandant au parquet de Téhéran une enquête au sujet de l’exécution de son frère et de sa sœur alors qu’ils purgeaient leurs peines de prison en été 1988.
Elle a également demandé aux familles des autres victimes des exécutions des années 80, de réclamer officiellement «la publication des actes d'accusation des condamnés à mort au cours de cette période». Elle demande à ces familles de continuer à exiger « la poursuite des auteurs des exécutions durant les années 80 et des responsables du massacre des prisonniers politiques en 1988 », ainsi que « la divulgation des identités des victimes enterrées dans des fosses communes et au cimetière de Khavaran [au sud de Téhéran]».
Maryam Akbari-Monfared fut arrêtée lors des protestations d’Achoura [marquant le martyre de l’Imam Hussein] en décembre 2009, lors de l’insurrection contre le pouvoir. Le 31 mai 2010, le juge Salavati l’a condamné à 15 ans de prison sur l’accusation de moharebeh [en guerre contre Dieu] pour appartenance à l’OMPI. Le juge Salavati lui a signifié dans une phrase simple : « Tu paie pour tes frères et sœurs», dont quatre ont été exécutés pour avoir été des sympathisants des Moudjahidine du peuple.
En septième année de sa détention, elle a décidé de porter plainte contre les auteurs des exécutions commises en 1988. Depuis sa cellule, elle a écrit : « de nombreuses victimes exécutées en 1988, dont ma sœur et mon frère, avaient été condamnés à l’emprisonnement dans des procès expéditifs de quelques minutes sans une procédure judiciaire appropriée. Leur crime était d’avoir diffusé ou lire des journaux de l’OMPI ou participer à ses manifestations ».
Abdolreza Akbari-Monfared, le cadet de la famille fut arrêté en 1980 à l’âge de 17 an : « Son chef d’accusation était d’avoir diffusé le journal Modjahed. Il a passé trois années entières en isolement dans les prisons de Gohar-Dasht et Radjaï-Shahr. Bien que condamné à trois années de prison, il a pourtant été maintenu en détention jusqu’en été 1988, quand il sera exécuté.
Un autre des frères de Maryam, Gholam-Reza Akbari-Monfared, arrêté en 1983, fut exécuté en 1985.
Un autre des frères de Maryam, Gholam-Reza Akbari-Monfared, arrêté en 1983, fut exécuté en 1985.
Alireza Akbari-Monfared, un autre frère, fut arrêté le 8 septembre 1981 avant d’être exécuté le 18, 10 jours plus tard : « Son arrestation, son procès et l’exécution de la sentence de mort, le tout n’a duré qu’une dizaine de jours. Lors de la cérémonie de deuil, 7 jours après sa mise à mort, les agents du régime ont pris d’assaut notre maison, arrêtant un nombre des personnes présentes dont ma mère et Roghieh Akbari-Monfared, ma sœur ».
La mère de la famille sera libérée après 5 mois de détention, mais sa sœur sera maintenue en prison avant d’être condamnée à une peine d’emprisonnement de huit ans. Cette peine « de prison » la conduira à l’été 1988 et la potence ».
Ailleurs dans sa lettre, Maryam évoque le sort de son père qui n’a pas pu rendre visite à ses enfants au Camp Achraf jusqu’à ses derniers jours : « Mon père, écrit-elle, dévasté de douleur par le sort de ses enfants emprisonnés et exécutés, et perdant tout espoir de revoir ses autres enfants au Camp Achraf, car s’y rendre était considéré comme un crime, s’est éteint en 2005 ».
Outre Maryam elle-même, Reza Akbari-Monfared, un autre de ses frères, aujourd’hui âgé de 63 ans, purge une peine de prison de 17 ans à la Prison de Radjaï-Chahr. Maryam évoque également les pressions physiques et psychologiques qu’ont dû subir les familles et survivants des victimes des exécutions de masse des années 1980 : «Nos enfants subissent aujourd’hui les effets dévastateurs de ce que nous et nos familles avons subi durant toutes ces années noires. Leurs vies en ont été marquées à jamais.
Certaines familles se sont désintégrées en raison de tant de douleur et de tourment. Certains de leurs membres souffrent des maladies physiques et psychologiques, d’autres ont dû s’exiler (...) L’arrestation de nos bien-aimés avait l’allure non d’une procédure judiciaire appropriée mais l’enlèvement pur et simple. Nous n’avions aucune information quant à la date de leur procès ni de leur lieu de détention ».
Selon le récit de Maryam, les testaments ou les derniers mots écrits par les suppliciés n’ont jamais été remis à leurs familles : «Ils ont même refusé de remettre les corps à leurs familles, refusant même de révéler leur lieu d’enterrement. Les autorités ne nous ont même pas autorisés à organiser des cérémonies de deuil de nos bien-aimés. Elles nous ont constamment menacé et ont même fermé un cimetière sans pierres tombales où un grand nombre de victimes ont été enterrées. Un jour, les agents nous ont barré l’entrée du cimetière Khavaran. Un autre, ils ont aplani les tombes, cassant les pierres tombales de fortune que certaines familles y avaient installées ».
C’est comme si la douleur de Maryam et celle de beaucoup d’autres survivants de victimes des années 80 ont été revivifiées après la diffusion récente de la bande sonore de la conversation de l’ayatollah Montazeri avec les membres de la « commission de la mort » en août 1988.
En évoquant comme preuve cet enregistrement où on peut entendre des échanges houleux entre le successeur désigné de Khomeiny, le numéro 2 du régime, et Mostafa Pour-Mohammadi, Hossein-Ali Nayeri, Morteza Echraghi et Seyed-Ebrahim Raïssi, Maryam Akbari-Monfared souligne l’illégalité de l’exécution des prisonniers politiques, dont son frère et sœur, en 1988, les qualifiant contraires aux lois en vigueur.
Selon le nouveau Code de procédure pénale du régime, considérant le cumul de peines endurées par Maryam, elle devrait être libérée, mais sa requête d’un nouveau procès permis par le nouveau code, traîne depuis des mois dans les bureaux de la Cour suprême. En attendant, les autorités ne lui ont même pas accordé une permission de sortie provisoire pour être aux côtés de sa fille pour son opération chirurgicale.
C’est avec ces mots qu’elle termine sa lettre : «Le sort qui me sera réservé après la diffusion de cette lettre, je l’ignore. Mais encore une fois, en toute connaissance de cause et consciente des conséquences de ma démarche, j’exige que toute la lumière soit faite sur le pourquoi et comment du massacre des prisonniers politiques en 1988, et tout particulièrement l’exécution de mon propre frère et sœur. »
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