Amnesty International dénonce les morts en détention en Iran
Dans une étude non exhaustive, Amnesty International a indiqué 92 hommes et quatre femmes morts dans 30 prisons iraniennes, depuis janvier 2010. La raison est le refus délibéré d’accès à des soins de santé adéquats.
Ce chiffre, qui est illustratif mais non exhaustif, inclut le poète Baktash Abtin, mort en détention d’État en Iran en janvier 2022.
Dans une enquête officielle, les experts des droits humains de l’ONU, notamment le Groupe de travail sur la détention arbitraire, ont noté qu’ils étaient « gravement préoccupés. En effet, son décès a suivi une période prolongée pendant laquelle M. Abtin était dans un état de santé critique. Notamment parce qu’il avait contracté la COVID-19. Pendant cette période, il n’a pas eu accès à des soins médicaux appropriés et opportuns. »
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les personnes en prison ou dans d’autres lieux de détention sont plus vulnérables à la COVID-19 en raison de leurs conditions de vie confinées.
En Iran, ce risque est accru en raison d’une surpopulation grave et documentée. A cela, il faut ajouter l’insuffisance des produits de nettoyage et d’hygiène, ainsi que de l’absence ou du refus d’un traitement médical adéquat.
Le Centre des droits de l’homme en Iran (CDHI) appelle la communauté internationale, y compris le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits humains, le Conseil des droits humains, le rapporteur spécial pour les droits de l’homme et tous les États membres à exiger des autorités iraniennes qu’elles fournissent un traitement immédiat et complet à tous les prisonniers, y compris les prisonniers politiques qui sont depuis longtemps privés de soins médicaux.
En particulier, le CDHI exhorte la communauté internationale à exiger que les prisonniers malades soient immédiatement libérés pour recevoir des soins complets dans des établissements médicaux appropriés.
Refus de traitement et de dépistage de la COVID-19
Après avoir été testé positif à la COVID-19, les agents du régime ont brièvement transféré le cinéaste de renommée internationale Jafar Panahi, de la prison d’Evin vers un hôpital pour y être soigné. Toutefois, on l’a rapidement renvoyé à la prison le 7 août 2022. Là, on le détient au secret, selon sa femme Tahereh Saeidi.
« Lorsqu’ils ont transféré Jafar à l’hôpital Taleghani, nous pensions qu’ils allaient le mettre en quarantaine. Mais très soudainement, les autorités ont retiré le sérum de son bras. Puis, ils ont dit qu’ils le renverraient à la prison d’Evine », a déclaré Saeidi à Radio Farda le 8 août. « Depuis lors, je n’ai plus rien entendu. Cela ne ressemble pas du tout à Jafar de ne pas appeler de la prison. Ce n’est pas un bon signe. Je suis très inquiète. »
Le régime a arrêté Panahi, le 10 juillet 2022, après s’être engagé dans une campagne en ligne appelant les forces de sécurité de l’État à « déposer leurs arme » et à cesser de tirer sur les manifestants.
Panahi, arrêté avec au moins 15 autres personnes dans le cadre d’une importante répression de la dissidence, a dû commencer à purger une peine de six ans de prison à motivation politique, prononcée en 2010 sous forme « suspendue ». Cela qui signifie que les autorités iraniennes pouvaient l’exécuter à tout moment.
Les mollahs iraniens détiennent l’avocat des droits humains Amirsalar Davoudi dans le quartier 4 de la section 2 de la prison d’Evine. Il a eu de la fièvre et des courbatures pendant au moins trois jours dès le 4 août. Mais il n’a pas eu de test COVID-19 ni reçu de traitement médical.
Entre-temps, le 1er août, Esmail Gerami, membre du conseil d’administration du Conseil des retraités d’Iran, âgé de 68 ans a contracté la COVID-19 pendant sa détention à Evine.Il purgeant une peine de quatre ans de prison, Mais il n’a pas reçu de traitement approprié.
« Les agents du régime l’ont transféré à l’hôpital Taleghani pour des examens plus approfondis, mais faute de spécialiste, ils l’ont renvoyé à la prison », selon le service de presse du Conseil.
Narges Mohammadi est une défenseuse des droits humains. Dans une lettre envoyée de la prison d’Evine le 4 août, elle s’est inquiétée du « nombre élevé de prisonniers détenus dans le quartier des femmes de la prison d’Evine. Alors que ces derniers jours, le coronavirus a recommencé à se propager. »
« La première étape concernant le coronavirus est de séparer les malades des personnes en bonne santé. Il faut imposer une quarantaine. Mais en réalité, c’est impossible en raison du nombre élevé de prisonniers détenus dans un espace restreint », a-t-elle écrit.
« Les militants et les organisations de défense des droits humains ont le devoir de ne pas rester silencieux face à la violation des droits fondamentaux des prisonniers. Ils doivent défendre les droits légaux des prisonniers politiques et d’opinion à être en bonne santé. Ils doivent contraindre le régime au pouvoir à respecter les droits humains », a-t-elle ajouté.
Le militant politique Mohammad Ali (Pirooz) Mansouri continue de se voir refuser une permission de sortie. Pourtant il a été victime d’une crise cardiaque à la prison de Rajaï Chahr, connue pour ses conditions de vie inhumaines, en septembre 2021. Depuis, son état de santé suscite de graves inquiétudes.
La permission de sortie est un congé temporaire généralement accordé aux prisonniers en Iran pour diverses raisons familiales, de vacances ou médicales. Les autorités carcérales le refusent régulièrement aux prisonniers politiques comme une forme de punition supplémentaire.
« Malgré les conseils des médecins traitants, du directeur de la santé de la prison et du Dr Hossein Ardabili, un chirurgien a interdit le maintien en prison de mon père après son opération de l’année dernière. Malgré cela, le système judiciaire et le ministère du renseignement l’empêchent de bénéficier d’un congé médical ». C’est ce qu’a déclaré la fille de Mansouri, Iran Mansouri, dans une lettre ouverte publiée fin juin 2022.
Entre-temps, la prisonnière politique Fatemeh Mosanna, privée de soins médicaux pour divers problèmes graves, notamment des colites et des migraines, a présenté des symptômes de la COVID-19 à Evine, le 2 août.
On a également signalé des foyers de la COVID-19 dans la prison de Saheli à Qom, dans le centre de l’Iran. Plus précisément, dans le quartier des femmes de la prison centrale d’Oroumieh, dans l’ouest du pays, et dans la prison Lankan de Rasht, dans le nord.
Les détenues de ces établissements n’ont pas accès aux mesures d’aide sociale et des services médicaux adéquats.
Refus illégal de traitement
L’Organisation des prisons d’État de l’Iran et le chef du pouvoir judiciaire, responsables de la sécurité de tous les prisonniers, doivent selon la législation nationale et internationale, fournir un traitement médical approprié aux détenu(e)s.
Pourtant, sous la direction du chef du pouvoir judiciaire, Gholam-Hossein Ejei, les prisonniers politiques y compris les personnes âgées, continuent de rececoir des traitements sévères. Ils se voient souvent refuser des soins médicaux. Rappelons que Gholam-Hossein Ejei, comme son prédécesseur, l’actuel président Ebrahim Raïssi, est l’un des principaux responsables des violations des droits humains.
Le régime agite la menace d’un refus de soins médicaux, comme un outil d’intimidation contre les prisonniers qui défient les autorités ou portent plainte.
Cette pratique viole la Constitution iranienne. En effet, l’article 29 déclare que les soins et traitements médicaux sont des « droits universels ». D’ailleurs, les articles 101 à 120 du règlement de l’Organisation des prisons d’État détaillent les droits des prisonniers en matière de santé et de soins médicaux.
En particulier, l’article 116 du règlement exige que les directeurs de prison recommandent la grâce des prisonniers souffrant de problèmes médicaux graves.
L’article 502 du code de procédure pénale stipule également que la peine d’un détenu peut être suspendue si l’incarcération risque d’aggraver sa maladie.
L’article 295 du code pénal islamique stipule quant à lui que les autorités peuvent être tenues pénalement responsables en cas de négligence. Effectivement, « Si une personne abandonne une tâche ou un devoir particulier assigné par la loi… et qu’en conséquence un crime est commis, ce crime lui sera attribué comme un acte intentionnel ou semi-intentionnel ou une erreur totale, selon le cas. »
Pourtant, les prisonniers continuent de se voir refuser tout traitement. De leur côté, les avocats des droits humains ont tenté de poursuivre le gouvernement iranien pour sa gestion grossièrement négligente de la pandémie. Sans surprise, les autorités iraniennes les ont condamnés à la prison pour cette action.
Source : Centre pour les droits humains en Iran/ CSDHI
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