“Le régime de Téhéran nie le droit des citoyens à s’informer sur ce qu’il se passe dans leur pays. RSF condamne cette nouvelle vague de répression contre les droits fondamentaux notamment la liberté d’information, déclare Reza Moini, responsable du bureau Iran-Afghanistan de RSF. Le régime de Téhéran doit cesser de réduire au silence les dernières sources d’information libres et indépendantes utilisées par de nombreux Iraniens et respecter ses engagements envers les normes internationales et mettre fin à toute discrimination digitale”.
Depuis le début des manifestations en mai, l’accès à Internet est perturbé dans plusieurs villes d’Iran, selon les informations recueillies par RSF. D’abord portées par la cherté de la vie et la hausse des prix des denrées alimentaires, ces manifestations ont été relancées par l’effondrement d’un immeuble de 10 étages, le 23 mai à Abadan. Effondrement qui avait causé la mort d’au moins trente personnes.
Cette fois-ci, ce sont les évènements internationaux qui servent de prétexte pour les autorités. En cause notamment, la conférence du G7 à l’étranger et la visite de Josep Borrell, chef de la diplomatie de l’Union européenne, à Téhéran pour faire avancer les négociations concernant le dossier nucléaire iranien. Pour chaque événement politique d’ampleur, Téhéran impose sa censure grâce à la mise en place d’un réseau de distribution de contenus, lié aux infrastructures numériques du pays. La mise en place de ce réseau permet à la République islamique de contrôler le contenu auquel ont accès les internautes iraniens.
“Ce réseau permet le maillage des contenus auxquels peuvent accéder les Iraniens, commente Vincent Berthier, responsable du bureau technologies de RSF. Cette entreprise, qui est également active en Europe, joue donc de facto un rôle stratégique dans le contrôle de l’accès à l’information en Iran. Elle doit cesser immédiatement sa collaboration avec le régime en place, auxquels elle fournit des outils pour imposer sa censure”.
Lancé en 2011, le chantier de l’Internet national iranien a connu un tournant en 2017 avec la participation de la société iranienne Abr Arvan (Arvan Cloud en anglais). Cette entreprise, qui dispose par ailleurs d’une antenne à Düsseldorf, a dès lors fourni l’infrastructure permettant aux Iraniens de se connecter à Internet et au réseau national d’information dans le cadre du projet Shoma. Le réseau de distribution permettant la censure s’intègre dans ce projet.
Afin de contraindre les internautes à se replier sur ce réseau national, le gouvernement a continuellement augmenté les prix de la connexion et de la bande passante vers les sites étrangers, établissant de facto un “apartheid digital” entre les citoyens iraniens selon qu’ils aient ou non les moyens de s’offrir une connexion.
Les effets pour l’accès à l’information sont dévastateurs. Depuis la vague de manifestations début mai, environ 20 millions d’habitants du sud et du sud-ouest du pays n’ont plus accès aux sites internationaux et sites d’information locaux considérés comme des publications « contre-révolutionnaires subversives”, de la propagande contre le régime, ou encore une insulte envers le sacré”.
L’ayatollah Ali Khamenei a bien l’intention de continuer d’invoquer la volonté divine pour censurer les médias et Internet. Dans un entretien avec le chef du système judiciaire d’Iran et ses équipes le 1er juillet 2022, l’ayatollah a formulé plusieurs recommandations pour la réforme du pays, prenant toutes pour base que « Dieu est le même en 1981 et en 2022 ». L’une d’elle vise explicitement à protéger les Iraniens des « fausses rumeurs » et autres « déclarations effrayantes d’individus étranges ou inconnus » dans les médias ou sur Internet. Ces déclarations encouragent sans ambiguïté la concrétisation d’un projet de loi de verrouillage total d’Internet actuellement en cours de ratification au Parlement iranien. Un précédent projet de contrôle des réseaux sociaux, avait déjà été dénoncé par RSF en 2020.
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