lundi 17 mai 2021

Les conséquences de l’élection iranienne pourraient être plus importantes que son résultat prédéterminé


 L’inscription des candidats à l’élection présidentielle truquée en Iran a pris fin cette semaine. Quels que soient les candidats et le vote, le résultat sera en réalité le produit d’un système conçu pour refléter la volonté du Guide Suprême des mollahs.

Le Conseil des gardiens, composé de 12 membres, examinera les candidats et seuls ceux qui sont loyaux envers le Guide Suprême seront approuvés.

Le Guide Suprême est habilité à nommer directement six mollahs, qui constituent la moitié du Conseil des gardiens. Les six autres membres, des juristes religieux sont nommés par le chef du pouvoir judiciaire, qui est lui-même nommé par le Guide Suprême. Ainsi, le Conseil est effectivement conçu pour refléter entièrement les préférences du Guide Suprême, à la fois directement et indirectement.

Tout cela contribue à souligner les garanties que le régime applique et affine dans le cadre de son effort constant pour maintenir la continuité ininterrompue de sa politique jusqu’au-boutiste.

En effet, cette loyauté idéologique est explicitement identifiée comme des critères d’approbation des candidats à de hautes fonctions par le Conseil des gardiens. Ces critères s’appliquent avec la même force aux candidats de la faction « réformiste », et ils démontrent à quel point ce qualificatif est erronée.

L’élection et son résultat dans le régime théocratique tendent à refléter l’équilibre interne du pouvoir au sein du régime et les qualificatifs de « réformateurs » ou de « partisans de la ligne radicale » n’ont aucune signification en réalité.

Au cours des huit dernières années, le président du régime, Hassan Rohani, a été le porte-drapeau des « réformistes », et son administration n’a entraîné aucun changement significatif dans la conduite des autorités iraniennes, que ce soit dans le pays ou à l’étranger. En fait, le taux moyen d’exécutions pendant le mandat de Rohani était plus élevé que la moyenne pendant les huit années de présidence de son prédécesseur « radical », Mahmoud Ahmadinejad. Le mandat de Rohani a également coïncidé avec certaines des pires répressions de la dissidence en quatre décennies du régime des mollahs, notamment en novembre 2019 où les autorités ont ouvert le feu sur la foule de manifestants dans tout le pays, faisant 1 500 morts.

Le scrutin du mois prochain pourrait ne pas offrir de place à l’une des personnes que Rohani préférerait pour lui succéder, mais cela fait peu de différence dans la vie du peuple iranien. Cela devrait également faire peu de différence pour les politiques occidentales de traitement du régime des mollahs. Bien que les partisans avoués de la ligne radicale comme Ebrahim Raïssi aient tendance à être plus ouvertement antagonistes envers les adversaires étrangers du régime, leurs différends avec les « réformistes » ne sont qu’une question de tactique. Les objectifs et les politiques sous-jacents sont invariablement les mêmes.

Cela a été plus ou moins prouvé récemment par une interview du ministre iranien des Affaires étrangères, Javad Zarif, qui a fait l’objet d’une fuite dans les médias officiels iraniens. Lorsque cette interview a attiré l’attention en Occident, les rapports l’ont décrite comme révélant de graves différends entre les deux factions, et comme présentant les critiques sévères de Zarif à l’égard de personnalités vénérées de la ligne radicale, comme Qassem Soleimani, le commandant de la force terroriste Qods, qui a été tué dans une attaque de drone américaine au début de l’année dernière. Mais en réalité, Zarif reconnaît dans ses propos que des personnalités comme Soleimani ont toujours été les véritables décideurs en matière de politique étrangère iranienne et que des dirigeants civils comme lui ont toujours soutenu ce rôle.

Dans des déclarations antérieures, M. Zarif a spécifiquement affirmé qu’il rencontrait Soleimani toutes les semaines et que les deux hommes ont toujours constaté qu’ils n’avaient aucun désaccord sérieux sur la politique étrangère ou l’idéologie qui la sous-tend. C’est exactement ce que l’on pourrait attendre d’un système dans lequel chaque candidat à un poste élevé est soumis à une vérification de sa loyauté envers le Guide Suprême et le système théocratique qui établit son autorité ultime sur toutes les questions, tant en Iran que dans le monde entier.

En effet, le peuple iranien ne reconnaît que trop bien ce large alignement idéologique, et c’est pourquoi le Guide Suprême du régime, Khamenei, et d’autres hauts responsables iraniens ont profité de la période précédant les élections du mois prochain pour mettre en garde contre le danger que représente un éventuel boycott du processus électoral.

Tout au long de son histoire, le régime des mollahs a mis en avant les éléments proto-démocratiques de ce processus afin de faire valoir sa propre légitimité. Mais de plus en plus souvent, les citoyens iraniens ont rejeté ce récit en faveur d’appels à un système véritablement démocratique, construit par des dirigeants qui n’ont aucun lien avec le système existant. Cet objectif a été rendu explicite par les « Unités de résistance » associées à l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI), qui ont organisé des manifestations et posté des messages ces dernières semaines pour inciter la population à ne pas participer à l’élection présidentielle afin de « voter pour le changement de régime ».

Un effort de boycott similaire a connu un succès retentissant lors des élections législatives de février 2020. Même selon les statistiques invariablement exagérées du régime, la participation à cette élection a été la plus faible de l’histoire du régime des mollahs. Aujourd’hui, les médias officiels préviennent que le taux de participation à l’élection présidentielle pourrait être encore plus bas. Et certains vont plus loin en reconnaissant qu’un boycott réussi pourrait ouvrir la voie à de nouveaux soulèvements antigouvernementaux comme celui de novembre 2019, qui a vu des Iraniens de tous horizons condamner aussi bien la ligne radicale que les factions réformistes, et désigner le changement de régime comme la seule véritable solution aux problèmes du pays.

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