Le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a qualifié le programme nucléaire iranien d' »extrêmement préoccupant », dans un entretien accordé au Financial Times publié mercredi. Téhéran enrichit désormais de l’uranium à des niveaux de pureté « seulement atteints par les pays disposant de l’arme nucléaire », déclare le chef de l’agence onusienne chargée de la surveillance nucléaire internationale au quotidien économique et financier.
« Un pays qui enrichit (de l’uranium) à 60%, c’est une question très sérieuse. Seuls les pays disposant de bombes atomiques atteignent ce niveau« , souligne Rafael Grossi.
« Soixante pour cent, c’est presque un niveau de qualité militaire« , observe-t-il en rappelant que l’uranium utilisé dans les centrales nucléaires n’est enrichi qu’à 2 ou 3%.
« On ne peut pas remettre le génie dans la lampe: une fois que vous savez faire ces manipulations, vous savez et la seule surveillance possible repose sur des vérifications« , résume-t-il.
« Le programme iranien a progressé, il est devenu plus perfectionné donc un retour direct à son niveau de 2015 est impossible. Ce que l’on peut faire, c’est limiter leurs activités en deçà des plafonds fixés dans l’accord de 2015. »
Ce retour au statu quo était apparemment le but des discussions entre les représentants du régime iranien et les six participants actuels au JCPOA, tandis que les représentants des États-Unis restent positionnés à proximité pour donner et recevoir des communications indirectes via leurs homologues européens.
Dès le début, les responsables du régime iranien ont clairement indiqué qu’ils s’attendaient à ce que les États-Unis suppriment toutes les sanctions économiques. Ils ont également souligné que leurs représentants à Vienne n’accepteront aucune proposition de nouvel accord, n’accepteront aucun changement dans les termes du JCPOA et ne discuteront d’aucune question autre que le programme nucléaire iranien et les sanctions associées. Les négociateurs européens ont continuellement essayé de présenter les pourparlers comme ayant progressé vers une résolution, mais il n’y a toujours aucune indication d’un changement dans la position de Téhéran, il est donc difficile de voir comment cette résolution pourrait être obtenue autrement qu’en donnant au régime ce qu’il veut.
Les derniers commentaires de Grossi semblent indiquer, à juste titre, que cela ne devrait pas être une solution pour les puissances occidentales. En outre, en attirant l’attention sur le refus préexistant du régime iranien de divulguer certains détails de son programme nucléaire, Grossi a laissé entendre que cela aurait dû être la position occidentalle avant le début des pourparlers de Vienne.
Après la mise en œuvre du JCPOA, de nouvelles questions ont commencé à émerger sur l’ampleur et les spécificités des avancées nucléaires antérieures du régime iranien. Finalement, l’AIEA a confirmé que des activités impliquant des matières nucléaires avaient eu lieu dans au moins trois endroits qui n’avaient pas été divulgués à la communauté internationale avant la signature de l’accord nucléaire. L’organisme de surveillance nucléaire de l’ONU a continué à faire pression sur le régime iranien pour obtenir des éclaircissements avant et après le retrait américain, mais n’a jamais reçu de réponse satisfaisante. Pendant ce temps, le régime n’a jamais été tenu responsable de cette tromperie par les autres parties à l’accord.
La plupart des personnes ayant une influence directe sur le JCPOA ont semblé hésitantes à contrarier Téhéran sur de telles questions, d’abord par crainte que cela n’incite le régime iranien à violer l’accord, puis par crainte que cela n’empêche le régime en Iran de violer ses engagements. Bien que la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, la Russie et la Chine soient toutes restées attachées au JCPOA après le retrait des États-Unis, le régime iranien a finalement répondu en violant une disposition après l’autre, puis en abandonnant formellement tous les aspects de l’accord au début de 2020.
Au début, il semblait que ce serait finalement ce qui a déclenché une réponse proactive des autorités européennes, qui ont lancé le processus de règlement des différends du JCPOA et préparé le terrain pour la réimposition automatique de toutes les sanctions multilatérales. Cependant, le chef de la politique étrangère de l’UE, Josep Borrell, s’est ensuite avancé pour dire que l’Europe était prête à prolonger le processus indéfiniment, laissant l’Iran libre de poursuivre ses violations sans conséquence.
Avant les récents commentaires de Grossi, pratiquement personne d’autre que les divers critiques de longue date du JCPOA n’avait souligné à quel point cette permissivité était malavisée. Mais maintenant que Grossi s’est exprimé, les défenseurs de l’accord pourraient être contraints de reconnaître leur responsabilité au sujet du programme nucléaire iranien qui a atteint de nouveaux niveaux d’avancement alors que le régime restait à l’abri des sanctions de l’UE. Comme l’a dit Grossi, «l’Iran a accumulé des connaissances, a accumulé des centrifugeuses et a accumulé du matériel.» Et les implications de cette accumulation sont probablement plus importantes que quiconque en dehors du régime ne le sait, car la tromperie de Téhéran a empêché l’AIEA d’établir les avancés nucléaires du régime avant le JCPOA.
Cela ne laisse pratiquement aucune autre option à l’Europe que d’abandonner le JCPOA, exercer de nouvelles pressions sur le régime iranien et contraindre le régime à accepter un accord alternatif beaucoup plus complet et vérifiable.
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