RSF, le 18 mars 2019 - Reporters sans frontières (RSF) dénonce la nomination, le 7 mars 2019, d’Ebrahim Raïssi, dignitaire religieux, accusé de crimes contre l’Humanité, à la tête du pouvoir judiciaire iranien.
Cette nomination est une offense aux familles des victimes et alimente dramatiquement le cycle d’impunité en Iran.
La nomination d’Ebrahim Raïssi à la tête de la justice pour cinq ans par le Guide suprême Ali Khamenei est un nouveau camouflet pour l’indépendance de la justice iranienne. Ce dignitaire religieux, proche d’Ali Khamenei, a été procureur du pays et est aujourd’hui procureur spécial du tribunal du clergé, chargé de juger les délits des religieux. Il était également membre de la terrible commission, désignée par l’ayatollah Rouhollah Khomeiny en 1988, qui a condamné à mort des milliers de prisonniers qui refusaient de renoncer à leurs convictions.
Ce sont pour ces exécutions sommaires que plusieurs organisations et instances internationales relatifs aux droits humains et certains rapporteurs des Nations unies ont considéré qu’Ebrahim Raïssi est responsable de « crimes contre l’humanité ». L’ayatollah Hossein Ali Montazeri, ancien dauphin de Khomeiny, et théoricien de la révolution islamique, a explicitement fait part de sa désapprobation concernant ces exécutions et les a qualifiés de “crimes les plus horribles qui ont été commis sous la République islamique”. Il a également interpellé les membres de la commission : “c’est vous, Messieurs, qui l’avez commis et vos noms seront enregistrés en tant que criminels dans l’Histoire.”
Or, l’un de ces « criminels » est désormais le chef du pouvoir judiciaire iranien. Un système judiciaire dans lequel la plupart des juges sont accusés de corruption et d’autres crimes graves. Ebrahim Raïssi rejoint ainsi les pires bourreaux du régime, impliqués dans les exécutions massives de prisonniers politiques en 1988, parmi lesquels les actuels présidents de la 15e et de la 28e chambre des tribunaux de la révolution de Téhéran : Aboughasem Salevati et Mohammad Moghiseh, et les anciens interrogateurs et tortionnaires des prisons d’Evin et de Hamadan. Deux prisons dans lesquelles se sont déroulées des exécutions extrajudiciaires de milliers de prisonniers politiques pendant l’été 1988. Ces deux magistrats depuis juin 2009 ont condamné une centaine de journalistes et de journalistes-citoyens à de lourdes peines de prisons.
Alors que dans son dernier rapport Javaid Rehman, le Rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits de l’Homme en Iran, dressait un constat particulièrement alarmant sur la politique et les pratiques du régime concernant la liberté de la presse et les droits humains, le 8 mars, le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, a révélé dans son rapport sur la situation des droits de l’Homme en Iran qu’une délégation du Haut Commissariat des droits de l’homme s’était rendue en Iran en 2018, sur invitation de l’Iran.
« L’Iran manœuvre pour étouffer les critiques en n’autorisant pas le rapporteur spécial de l’ONU à venir enquêter sur place, déclare Reza Moini, responsable du bureau Iran de RSF. Le rapporteur spécial doit pouvoir se rendre en Iran avec la Haute commissaire des droits de l’Homme, Michelle Bachelet, afin d’observer la situation catastrophique des droits humains, dont la liberté de la presse, dans un pays qui est l’une des cinq plus grandes prisons du monde pour les journalistes. »
Lors d’une conférence de presse, organisée à Paris, le 7 février, RSF a divulgué l’ampleur du mensonge d’Etat orchestré depuis 40 ans par le régime iranien à propos des persécutions judiciaires. Le jour de la nomination d’Ebrahim Raïssi à tête de la justice iranienne, les condamnations de plusieurs membres de rédaction du site d’information Majzooban Nor ont été confirmées notamment Mohammad Sharifi Moghadam, et un responsable du comité de rédaction, Kasra Nouri, ont pour leur part écopé de 12 ans de prison et Sina Entesari, journaliste-citoyen, a été condamnée à sept ans de prison ferme.
Nasrin Sotoudeh, l’avocate de plusieurs journalistes et journalistes-citoyens emprisonnées, et lauréate en 2012 du Prix Sakharov "pour la liberté de l'esprit" a été condamnée pour sept chefs d’accusation à 33 ans de prison dont une peine de sûreté d’au moins 12 ans pour “incitation à la débauche” et 148 coups de fouet par la 28e chambre du tribunal de la révolution de Téhéran.
L’Iran se situe à la 164e position sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2018 de Reporters sans frontières.
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