Un document d’Amnesty International de 1988 rappelle l’attention portée aux efforts de l’organisation des droits de l’homme pour mettre un terme aux exécutions de prisonniers politiques en Iran.
Mardi, le compte Twitter en farsi d’Amnesty International a publié un document datant de 1988 qui rappelait les efforts de l’organisation des droits de l’homme pour mettre fin au massacre des prisonniers politiques. Le tweet a prouvé deux faits souvent contestés concernant le massacre : que la communauté internationale avait été avertie à temps pour que les législateurs et les diplomates puissent agir, et que les meurtres se sont déroulés en connaissance de cause et avec le consentement de tous les responsables iraniens, et pas seulement d’une faction particulièrement radicale.
Ces faits ont été à nouveau mis en évidence samedi lorsque le Conseil national de la Résistance iranienne organisa une conférence en ligne pour discuter du massacre vieux de 32 ans et renouveler son appel en faveur d’une enquête menée par les Nations unies. La conférence a fait partie d’une campagne de plusieurs années visant à obtenir la justice en faveur des victimes et leurs familles. Bien que les progrès soient lents, le CNRI a exprimé son optimisme quant à la perspective de voir le massacre être introduit comme un sujet de débat lors de la prochaine session de l’Assemblée générale des Nations unies.
Cet optimisme est alimenté en grande partie par le fait que le Département d’État américain a jugé bon, le mois dernier, de publier une déclaration publique sur les « violations continues des droits humains » commises par le système judiciaire des mollahs. Dans cette déclaration, le porte-parole du département, Morgan Ortagus, a spécifiquement cité la création des « commissions de la mort » en juillet 1988 comme un exemple historique du penchant du régime pour la violence politique. Une telle reconnaissance de haut niveau du massacre est potentiellement un premier pas vers la réparation du silence honteux de l’Occident alors que le massacre était encore en cours.
La déclaration « Action urgente » d’Amnesty International de 1988 a été publiée après que les familles de nombreux prisonniers politiques aient contacté l’organisation pour dire que les visites avaient été interrompues alors que les signes de représailles s’intensifiaient. Amnesty a conclu à juste titre que cela indiquait un projet de procéder secrètement à des exécutions de masse et à des disparitions forcées, et elle a contacté plusieurs hauts responsables pour protester contre la situation et exiger qu’ils s’efforcent de mettre immédiatement fin à toutes les exécutions à motivation politique.
Bien entendu, aucun de ces responsables n’a répondu par autre chose que des démentis peu convaincants. En fait, il semble qu’aucun responsable de premier plan au sein du régime n’ait soulevé de questions sur le massacre de 1988, à une remarquable exception près. À l’époque, Ali Hossein Montazeri, avait été désigné comme le successeur de Ruhollah Khomeiny en tant que Guide Suprême. Mais après avoir affronté les principaux responsables du massacre et l’avoir condamné comme « le pire crime de la République islamique », il a été évincé du pouvoir et a passé les dernières années de sa vie en résidence surveillée.
Pendant ce temps, les hommes auxquels Montazeri a communiqué ses objections ont été richement récompensés pour leur engagement dans la violence politique. Ils ont ensuite guidé le régime vers une plus grande normalisation de cette violence pour les trois décennies suivantes. Aujourd’hui, les principaux participants au massacre de 1988 sont pleinement responsables de l’application de la loi iranienne, en tant que responsables du système judiciaire et du ministère de la Justice. De ces positions, ils ont explicitement défendu l’héritage du massacre, qui visait à détruire la principale opposition démocratique, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI).
Les derniers appels en faveur d’une enquête internationale sur le massacre sont rendus plus urgents par la récente répression de la dissidence à Téhéran. En novembre dernier, tout le pays a été secoué par un soulèvement anti-gouvernemental, le deuxième en deux ans. En réponse à la résurgence des slogans tels que « A bas le dictateur » et des appels à un changement complet de gouvernement, les autorités ont ordonné au Corps des gardiens de la révolution islamique (pasdaran) d’ouvrir le feu sur les foules de manifestants et d’arrêter tous les militants sur lesquels ils pouvaient mettre la main. Environ 1 500 personnes ont été tuées en quelques jours, et plusieurs détenus ont depuis été condamnés à mort.
Le nombre de civils tués et les exécutions imminentes font craindre que les auteurs du massacre de 1988, toujours au pouvoir, n’envisagent un nouvel effort pour détruire la Résistance organisée. Ce ne serait pas une réaction très surprenante au regard de la situation actuelle, qui a placé le régime dans sa position la plus vulnérable depuis la fin de la guerre Iran-Irak, au moment du massacre, alors que les responsables recherchaient désespérément une démonstration de force intérieure.
En fait, le Guide Suprême du régime, Ali Khamenei, a personnellement reconnu que les récentes protestations ont été menées par l’OMPI, le même groupe que son prédécesseur avait essayé en vain de détruire par une campagne d’exécutions massives. Au total, l’OMPI a perdu environ 100 000 membres dans son combat pour la démocratie. Environ un quart de ce nombre a été exécuté sur plusieurs mois au cours de la seule année 1988. Mais l’organisation a rapidement rebondi, et a régulièrement augmenté son soutien tant à l’intérieur de l’Iran que dans l’ensemble de la communauté internationale, en tant que principal groupe constitutif de la coalition du CNRI.
Le soutien international dont jouit le CNRI se reflète dans la diversité de la participation à ses rassemblements annuels pour le changement de régime, qui se tiennent généralement près de Paris. De nombreux dignitaires politiques qui se sont exprimés avant ces événements ont également pesé de tout leur poids pour attirer l’attention de la communauté internationale sur le massacre de 1988, pour que les principales puissances mondiales condamnent officiellement ses auteurs et pour que des poursuites soient engagées contre ces derniers devant la Cour pénale internationale.
Mais jusqu’à présent, ces efforts n’ont pas réussi à trouver un débouché aussi influent que l’Assemblée générale des Nations unies. Les militants de l’opposition iranienne étant confrontés à une intensification de la répression et à la menace très réelle d’un nouveau massacre, il est plus que jamais important que les événements du massacre de 1988 soient exposés à une échelle véritablement mondiale. Tous ceux qui ont déjà exprimé leur soutien à la démocratie et aux droits humains en Iran devraient maintenant demander à leur propre gouvernement d’exiger une enquête indépendante sur le « pire crime de la République islamique », et de faire ainsi comprendre que les mollahs ne peuvent pas s’attendre à s’en tirer éternellement avec de tels crimes.
Si la communauté internationale ne parvient pas à faire passer ce message clairement et sans équivoque, elle risque de répéter les erreurs de 1988, lorsqu’Amnesty International et l’OMPI ont mis en garde contre un crime contre l’humanité en cours, mais que ceux qui avaient le pouvoir d’intervenir ont décidé au contraire de ne rien faire.
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