mercredi 30 novembre 2016

Les massacres de 1988 en Iran sont des crimes défiant l’imagination ( ex-vice-présidente du CPI)

 « Devant l’exemple iranien, les plaies restent vives sur le cœur, dans nos cœurs, parce qu’il n’y a même pas de début, de tentatives de poursuites de ces auteurs », a déclaré Fatoumata Dembélé Diarra, ancienne vice-présidente de la Cour pénale internationale dans une conférence organisée en fin de semaine à la maison de la Mutualité à Paris sur le thème “Appel à la justice : Mettre fin à l’impunité des auteurs de crimes contre l’humanité en Iran et en Syrie.
La conférence comprenait aussi une exposition d’images de certaines des victimes du terrible massacre de 1988 en Iran, qui a coûté la vie à 30 000 prisonniers politiques, et sur le massacre des innocents en Syrie.

Dans son intervention, la grande juge malienne et défenseur des droits de l’homme a déclaré :
« Mon expérience de juge internationale : Quand les croates ont décidé de faire la purification ethnique d’une partie de la Bosnie, ils envoyaient des miliciens dans les familles. Mon cœur a été brisé par l’expérience d’une famille, où un vieil homme malade du cancer de la gorge habitait avec son fils, et l’épouse de ce dernier. Quand les miliciens ont forcé la porte, ils ont dit que cette femme était trop belle pour qu’on se contente d’expulser cette famille. Ils ont menotté le vieil homme, ils ont menotté le mari de la femme. Huit miliciens ont violé la femme, sous les yeux de son beau-père et de son mari.
Et une autre expérience, quand les miliciens de l’Armée du Seigneur de Joseph Kony (qui opère entre l'Ouganda et le Soudan du Sud) ont enlevé une jeune femme après avoir tué son mari, la jeune femme avait son bébé sur son dos. Ils voulaient emporter cette femme et la donner en mariage à l’un de leurs combattants. Arrivée devant un cours d’eau, la dame a dit : « comment pourrais-je traverser ce cours d’eau avec mon bébé ? » Un milicien a dit « Ah Madame, ce n’est pas grave, je vous aide avec le bébé. » Ils ont pris le bébé et l’ont jeté au fleuve, et ils sont partis avec la femme.

Un autre exemple, en République Démocratique du Congo, quand les ethnies opposées attaquaient d’autres ethnies, ils demandaient aux habitants de sortir de leurs maisons pour qu’on les massacre. Ceux qui s’enfermaient à clés et refusaient d’ouvrir la porte, ont leur jetait le feu, on les brulait avec leur famille. Tous ces exemples avaient laissé des plaies sur mon cœur. Mais ces plaies ont été pansées, même si les cicatrices demeurent, par le fait que tous ces coupables ont été poursuivis et condamnés.
Mais aujourd’hui, devant l’exemple iranien, les plaies restent vives sur le cœur, dans nos cœurs, parce qu’il n’y a même pas de début, de tentatives de poursuites de ces auteurs. Ceci dit, MM. Geoffrey Robertson, Tahar Boumedra ont vraiment fait la moitié de mon travail dans leurs exposés. Parce que les crimes, les exactions multiples et les atrocités perpétrées en Iran notamment les massacres de 1988 sont considérés dans le préambule du statut de la CPI comme des crimes défiant l’imagination, et heurtant profondément la conscience humaine, comme menaçant la paix et la sécurité du monde, donc touchant l’ensemble de la communauté internationale, par leur gravité.

Ces crimes donc ne peuvent rester impunis, et leur répression doit être assurée ou au niveau national ou par la communauté internationale. Puisqu’il est évident au niveau national iranien rien ne sera fait pour punir ces criminels, donc c’est la communauté internationale qui est interpelée, aussi bien les états, les ONG et que l’organisation internationale qui est l’ONU.

J’ai évoqué cette déclaration du préambule de la CPI parce qu’ils ont une valeur universelle. Sinon j’ai conscience que la CPI, au nom du sacré principe de la non rétroactivité, ne pourra pas juger ces crimes-là. Mais la communauté internationale a pris des initiatives avant et après la création de la CPI pour juger des crimes contre l’humanité. Je n’irai pas jusqu’au procès de Nuremberg, mais on peut commencer l’exemple de l’ex-Yougoslavie, l’exemple du tribunal pour le Rwanda, les Khmers Rouges, Hissène Habré, etc.
Donc nous sommes en face d’une situation où des crimes contre l’humanité ont été perpétrés et qu’ils doivent être punis.
Ceci dit, je vais dire ici, s’agissant de faits avérés, suivis d’aveux de certains auteurs bien connus comme le ministre de la justice, il s’agit d’un devoir historique à accomplir. Robertson a cité une personne qui a déclaré que les massacres d’Iran impunis seront une honte éternelle pour l’Iran. Moi je dis que c’est une honte éternelle pour l’ensemble de la communauté internationale. Donc, je me dis, alors quel est l’Etat qui pour être conséquent avec les grands principes de démocratie, de justice et de respect de l’homme dont il se réclame, se chargera de porter cette recommandation devant les Nations Unies et cela dans les meilleurs délais ?
Je conclus avec l’espoir de trouver une réponse à cette question en rendant hommage aux ONG, au Comité des femmes de la Résistance iranienne engagé dans la recherche de solutions à cette impunité après les massacres de 30000 citoyens iraniens innocents. Je vous remercie.

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