Des photos de l'actrice iranienne Mahnaz Afshar ont été retirées des affiches annonçant son nouveau film, en représailles pour avoir accepté d'être juge dans un concours de talents , diffusé depuis l'extérieur du pays et pour son soutien continu aux droits humains.
Peu de temps après avoir publié une courte vidéo de son apparition dans l'émission de talents, une présentatrice de télévision pro-gouvernementale a insulté Afshar, la décrivant comme une célébrité de la liste B sans goût.
Le 16 décembre, les médias ont rapporté que les censeurs avaient retiré sa photo des affiches annonçant le film Turbulence, sorti dans les cinémas du pays le 18 décembre. Afshar joue le rôle principal féminin dans le film. Selon certaines informations, cette décision était probablement liée à l'apparition d'Afshar dans l'émission de talents de la télévision par satellite.
Afshar publie régulièrement des articles sur les droits humains sur Twitter et Instagram, et elle a exprimé sa solidarité avec la militante syndicale arrêtée Esmail Bakhshi et avec les femmes qui ont été arrêtées pour avoir protesté contre la politique iranienne sur le hijab obligatoire, connue sous le nom de « Les filles de la rue Enghelab ». Elle a également a publié sur le droit des femmes d'entrer dans les stades sportifs et a appelé à une interdiction du mariage des mineurs.
L'actrice a récemment été choisie pour être juge dans une émission iranienne de talents lancée à l'extérieur du pays, aux côtés de deux chanteurs iraniens controversés, Abby et Arash, qui n’ont pas le droit de se produire en Iran.
Le franc-parler d’Afshar l’a renvoyée devant le tribunal à cause d’une double accusation, et ce n’est pas la première fois qu’elle fait face à la censure comme punition pour ses opinions et ses commentaires en ligne. Avant l'exemple le plus récent, en 2017, son portrait a été retiré d'une affiche annonçant une série appelée Golshifteh après avoir exprimé son soutien sur les réseaux sociaux aux militants faisant campagne contre la politique concernant le hijab obligatoire. Mais cela ne l’a pas intimidé pour autant et elle a déclaré publiquement qu'elle ne se fera pas dicter sa carrière par le régime iranien et qu'elle ne partage pas ses valeurs.
Une cause digne d'être censurée
Après la publication de l'affiche de Turbulence sans sa photo, l'actrice a tweeté : « Mais j'existe toujours, je respire toujours et je suis toujours là-bas ... »
Dans un autre tweet, elle a posté des photos du film en cours de tournage et a commenté : « Mais je ne me censure pas. J'espère que vous apprécierez Turbulence. Il sortira dans les cinémas iraniens mercredi. »
Le film, réalisé en 2018, a été dirigé par Fereydoun Jirani. En plus de Mahnaz Afshar, il met en scène les acteurs iraniens, Bahram Radan, Mehran Ahmadi et Nasim Adabi.
Après la censure des affiches de la série Golshifteh en 2017, Mahnaz Afshar a tweeté qu'elle était ravie que les photos aient été retirées : « En raison de mon soutien aux « filles de la rue Enghelab » et en utilisant ce hashtag, mon image a été interdite jusqu'à nouvel ordre sur tous les panneaux publicitaires de Golshifteh. Bravo à ceux qui se sentent heureux. Cela en valait la peine. »
Un jour après le tweet, elle a annoncé que l'interdiction de son image avait été levée : « Après ce tweet et votre soutien et votre gentillesse et les suivis du producteur de Golshifteh, le problème est désormais résolu. Merci pour votre soutien continu. »
Plus tôt cette année, Mahnaz Afshar s'est rendue en Europe avec sa jeune fille, et peu de temps après la nouvelle de sa participation en tant que juge à une émission télévisée sur les talents.
Mais contrairement à certaines célébrités, Afshar a déclaré qu'elle ne veut pas quitter l'Iran de façon permanente et, malgré des voyages réguliers, elle prévoit de retourner dans le pays, où elle continuait de recevoir des offres d'emploi.
Cependant, en octobre, l'actrice a déclaré dans une interview à Khabar Online qu’on lui avait interdit de travailler en Iran, mais qu'elle n'avait pas reçu de confirmation officielle. « J'ai entendu d’amis de l'industrie cinématographique que j’étais interdite de travailler en Iran. Honnêtement, je ne sais pas si c'est vrai. Je n'ai pas été avisée. »
Une insulte aux femmes ou de fausses informations ?
Peu de temps après avoir quitté le pays en avril 2019, Afshar a été informée que deux accusations avaient été portées contre elle. Celles-ci ont été formulées à la suite de ses commentaires au sujet d'un ecclésiastique qui avait encouragé les femmes à contracter des « mariages temporaires » avec des membres de la milice irakienne Hashd al-Shaabi, qui, selon les autorités, étaient arrivés au Khouzistan pour aider les régions dévastées par les inondations. Selon les habitants du Khouzistan, cependant, la milice a fait taire les citoyens et les a empêchés de rendre public leurs plaintes sur la manière dont les autorités géraient la crise.
Afshar a contesté le religieux présumé, qui a utilisé le pseudo Mustafa Hejazi et a tweeté : « J'exhorte toutes les sœurs célibataires à se joindre à un sigheh (mariage temporaire ou arrangement concubin) avec les frères Hashd al-Shaabi. Même avec un mariage d'une journée avec autant de frères irakiens que possible, Dieu les récompensera dans l'au-delà. »
Mahnaz Afshar s'est déchaînée sur Twitter, condamnant la suggestion et le fait que les gens étaient restés silencieux face à une telle insulte : « Hélas, quand j'ai décrit la bravoure des frères du Khouzistan, ils m'ont hurlé dessus et qualifié de raciste, mais maintenant ils gardent le silence face de telles insultes. »
Le même jour, un religieux nommé Mustafa Qasemi a été tué près d'un séminaire à Hamadan.
Il s’en est suivi d'une campagne de diffamation contre elle par les médias liés aux Gardiens de la Révolution (les pasdarans). Elle a été accusée d'incitation au meurtre via son tweet. Finalement, un étudiant du séminaire a déposé une plainte contre l'actrice au ministère de la culture et des médias.
L'Agence de presse de la République islamique (IRNA) a rapporté à l'époque que l'étudiant au séminaire de Mazandaran, Ghaffar Daryabari, avait déposé une plainte contre Afshar. Daryabari a affirmé que quelqu'un avait utilisé sa photo pour créer un faux compte Twitter avec le nom de Mustafa Hejazi et avait ensuite invité les femmes à contracter des mariages temporaires avec des soldats de Hashd al-Shaabi.
« Je n'ai rien à dire à celui qui utilise mon image ; c'est une personne ignorante », a tweeté Daryabari. « Mais je m'adresse aux célébrités qui publient sans faire de recherches. »
L'avocat de l'actrice, Abdul Samad Khorramshahi, a confirmé dans une interview accordée à Khabar Online, le 3 mai, que le ministère de la culture et des médias avait déposé une plainte contre Afshar pour deux chefs d'accusation : « trouble à l’opinion publique » et « publication de mensonges. »
« Ma cliente est à l'étranger et elle m'a dit qu'elle respectait les lois et les règlements et ne pensait pas qu'elle serait accusée de quoi que ce soit ou qu'il y aurait des problèmes », a déclaré Abdul Samad Khorramshahi. « Elle a dit que dès son retour en Iran, elle s’expliquera devant l'autorité judiciaire compétente, dès qu'elle le pourra. »
Attaques sur Twitter et retombées familiales
Les commentaires de l'actrice sur Twitter sur les questions sociales et politiques ont attiré une vague d'attaques, mais Afshar a continué, notamment en commentant les tweets de son ancien beau-père, Mohammad Ali Ramin, qui avait été conseiller médiatique du président Mahmoud Ahmadinejad lors de son deuxième mandat. Ramin avait récemment exprimé son opposition à la présence des femmes dans les stades, postant sur Twitter : « Vous auriez dû dire à la FIFA que les femmes ne sont pas interdites d'entrer dans le stade, mais que l'entrée des dames dans un stade d’hommes est interdite ! »
Afshar a répondu sur Twitter : « Vous devriez simplement ignorer certains mots, sinon vous allez vous prendre un mur. »
Mahnaz Afshar a épousé Yasin Ramin, le fils de Mohammad Ali Ramin, en juin 2014, suscitant les critiques de nombreux Iraniens. Quelques temps plus tard, les médias ont rapporté que la Société du Croissant-Rouge iranien avait donné deux millions d'euros à une société appelée Roshd pour importer du matériel médical d'Allemagne, mais que le matériel n'était jamais arrivé dans le pays.
La société était affiliée à Ramin, qui a été arrêté et emprisonné pendant sept mois parce qu’il n’a pas pu fournir les 29 milliards de tomans [2,17 millions d’euros] que le Croissant Rouge lui avait versés. Bien qu'il ait ensuite été libéré, le dossier contre Ramin reste ouvert et aucune décision n'a été rendue.
Afshar a écrit sur Twitter en octobre 2019 qu'elle et Ramin avaient divorcé. « Chaque personne, forte ou faible, a une existence. Mais quand vous décidez d'être une mère célibataire, vous devez avoir deux existences. Vous devez être fort pour vous et votre enfant. »
Afshar s'est de nouveau rendue en Europe avec sa fille au cours de l'été et n'est pas encore retournée dans le pays, malgré le fait qu’elle en avait l'intention. Que ce soit en Iran ou à l'étranger, elle reste l'une des actrices les plus célèbres d'Iran et elle est admirée par beaucoup pour ses opinions politiques franches et pour l'attention qu'elle porte aux événements qui façonnent son pays d'origine. Les douze derniers mois ont sans aucun doute été tumultueux pour elle, et le dernier acte de censure qu’elle a subi confirme qu’elle est non seulement importante pour le public, mais aussi pour les autorités iraniennes. Il reste à voir si elle retournera dans le pays et, le cas échéant, quelles mesures juridiques seront prises contre elle.
Source : Iran Wire
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