Que s’est-il passé ? L’audience était consacrée à l’audition d’Ali-Akbar Bandali, prisonnier politique et un des rares survivants des exécutions de masse de l’été 1988. Plaignant et témoin dans l’affaire Noury, M. Bandali a qualifié Khomeiny, le fondateur de la dictature religieuse en Iran, de « trompeur » et de « diable rusé ». Chaque qualificatif a provoqué de vives réactions de Noury, fervent admirateur de Khomeiny, si fervent qu’il en a appliqué les ordres du massacre des prisonniers politiques de 1988. L’audience a d’abord été suspendue quelques minutes, puis complètement reportée.
Tout au long de ce procès historique, de nombreux partisans de l’OMPI se tiennent rassemblés devant le tribunal à Stockholm, déployant bannières et pancartes réclamant le procès des dirigeants iraniens pour ce crime contre l’humanité. Partout autour d’eux des photos des victimes de ce massacre qui a emporté 30.000 jeunes prisonniers politiques, femmes et hommes.
M. Ali-Akbar Bandali, arrêté en 1981 pour son soutien à l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK), est resté treize longues années en détention. Il faisait son service militaire lorsqu’il a été appréhendé. Il a connu les sinistres prisons de Gohardacht, Ghezel-Hesar et d’Evine.
Un procès minute
Dans cette 17e audience du procès d’Hamid Noury, le témoin a expliqué d’une voix ferme avoir été jugé dans un procès « de cinq minutes » présidé par le juge Younessi. Il a raconté avoir été détenu à la prison de Gohardacht en été 1988 où il a été plusieurs fois transféré d’un quartier à l’autre. Bandali a précisé qu’au moment des exécutions, il se trouvait dans le « quartier 2 » et qu’il y avait vu le processus des mises à mort.
En réponse à une question du procureur, il a assuré pouvoir reconnaître d’autres prisonniers tels que Nasrollah Marandi, Mahmoud Royaei, et d’autres encore.
Le procureur lui demandé d’apporter son témoignage. Il a expliqué qu’avec le classement des prisonniers avant 1988 et des informations qui lui était parvenues, il avait entendu Hamid Abbasi (Noury) dire que « les exécutions avaient été préplanifiées » et n’avaient rien à voir avec l’opération militaire lancée par l’Armée de libération nationale iranienne baptisée « Lumière éternelle ».
« Ils sont venus dans la soirée du 28 juillet pour compter les prisonniers, et le jour suivant, ils ont enlevé la télévision de notre section, a raconté Bandali. C’était une situation étrange. J’étais assis avec Reza Zand au fond de la salle. Reza m’a dit que vu les conditions, il sentait qu’ils allaient tuer tout le monde. Alors, il m’a confié que nous ferions mieux de chanter un hymne avant de mourir. Il s’est mis à chanter un hymne, puis les gardiens sont venus et l’ont appelé avec huit autres détenus et l’ont emmené. »
Un camion chargé de corps
Dans une autre partie de son témoignage, il a ajouté : « Une nuit, un camion s’est arrêté devant la cuisine sous un lampadaire. Un garde se tenait sur le toit du camion, et nous pouvions voir les corps des prisonniers exécutés qui s’entassaient dans le camion (…) Le silence était si lourd que nous pouvions entendre battre le cœur de chacun. C’était extrêmement pénible. J’explosais de malaise. La nuit, quand je voulais dormir, je murmurais « Maudit soit Khomeiny » jusqu’à ce que je m’endorme. »
Faisant référence à la fin des exécutions des membres de l’OMPI le 16 août et au début de celles des marxistes le 26 septembre 1988, il a dit qu’à cette époque, lorsqu’il était dans la salle de la commission de la mort, il a été témoin que le téléphone a sonné et que les membres de la commission ont ensuite quitté la salle.
Dans cette 17e audience du procès d’Hamid Noury, la procureure a demandé à Bandali comment il avait appris que Noury était détenu en Suède. « Mon neveu m’a appelé, at-t-il répondu, pour me dire qu’un homme nommé Hamid Noury avait été arrêté en Suède pour avoir travaillé dans des prisons en 1988, a-t-il répondu. Je lui ai dit que nous n’avions personne du nom de Hamid Noury en prison, nous avions un Hamid Abbasi. J’ai alors appelé un ami et lui ai demandé ce qui se passait. Il m’a répondu que Noury était Hamid Abbasi. Plus tard, quand j’ai vu la photo de son passeport, je l’ai reconnu. Il était un peu gros sur la photo, mais sur la photo de son passeport, il était le même que celui que je connaissais. »
Au moins 4000 exécutions à son actif
Le procès de Hamid Noury à Stockholm a débuté le 10 août 2021. La procureure Kristina Lindhof Carlson a déclaré que Noury était impliqué dans l’exécution d’au moins 4 000 prisonniers politiques, selon des preuves crédibles.
Noury a été arrêté le 9 novembre 2019 à l’aéroport Arlanda sous mandat d’arrêt lancé par la justice suédoise pour complicité dans une « tuerie de masse ».
L’acte d’accusation a été établi par le bureau du procureur général suédois chargé des crimes internationaux et du crime organisé, plus précisément par Kristina Lindhof Carlson.
Selon Amnesty International et les Nations unies, l’actuel président iranien, Ebrahim Raïssi, a également fait partie d’une commission de la mort. Les familles des victimes du génocide de 1988 demandent qu’il soit poursuivi en justice. Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International, estime que Raïssi devrait être jugé pour ce massacre, plutôt que d’être installé à la présidence. De son côté, Raïssi s’est déclaré fier de cette boucherie.
Dans cette affaire, on compte une quarantaine de plaignants et 60 témoins détenus dans la prison de Gohardacht pendant l’été 1988.
Dix-sept audiences du procès Noury ont eu lieu jusqu’à présent, et il devrait durer jusqu’en avril 2022. Il est le premier responsable iranien à être jugé par un tribunal étranger pour complicité dans le massacre des prisonniers politiques de 1988.
En vertu de la législation suédoise, s’il est reconnu coupable, il est passible de la prison à vie.
Selon des documents non officiels, plus de 30 000 prisonniers politiques, dans leur immense majorité des membres et partisans de l’Organisation Moudjahidine du peuple d’Iran, ont été massacrés dans ce crime contre l’humanité.
Les survivants et les familles des victimes espèrent que ce procès sera le point de départ d’une enquête internationale sur les massacres des années 1980, en particulier celui de l’été 1988, et la punition de leurs auteurs.
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