samedi 11 mai 2019

Le ministre iranien de l’éducation imaginent des « complots » derrière des vidéos d’écoliers qui dansent


ministre éducation vidéos élèves danse iran Le ministre iranien de l’éducation a demandé à la police de retrouver la « source » de ce qu’il a décrit comme des « vidéostroublantes » d’écoliers dansant joyeusement sur une chanson pop du chanteur iranien basé aux États-Unis, Sasy Mankan.

Les vidéos font partie d’un « défi de la danse » mis en ligne auquel participent des enfants de différentes écoles du pays qui chantent la chanson « Gentlemen » de Mankan.
Le ministère a été encouragé à prendre des mesures, par les autorités conservatrices, y compris un parlementaire qui a exigé que le personnel des écoles où se déroulaient les danses soit licencié, et un membre de l'Assemblée des experts qui a exhorté les tribunaux et le parlement à prendre des mesures pour empêcher la circulation sur internet d'autres vidéos.
Les autorités poursuivent actuellement plusieurs élèves et certains enseignants qui ont été vus en train de danser dans les vidéos, mais on ne sait pas exactement de quoi ils seront accusés.
« L'ennemi tente de créer, de différentes manières, de l'anxiété parmi la population, notamment en diffusant ces vidéos troublantes que nous avons vues sur le cyberespace », a déclaré le ministre de l'éducation, Mohammad Bathaei, le 7 mai 2019.
« Je suis certain qu'il y a un complot politique derrière la publication de ces clips sournois dans les écoles », a-t-il ajouté.
Bathaei a ajouté qu'une équipe de trois « experts » avait été nommée pour trouver la source des clips.
Dans le code pénal islamique iranien, la danse n’est pas illégale, mais une personne peut être poursuivie pour toute forme de danse si les autorités la considèrent comme « indécente » ou « immorale ».
Les religieux et les responsables conservateurs prononcent des condamnations et exigent des poursuites lorsque des femmes et des filles dansent en public.
Après que des jeunes filles aient dansé sur une scène en mars 2018 lors d’un événement à l’occasion de la Journée de la femme à Téhéran, le procureur général ultra-conservateur du pays a exigé que les organisateurs de l’événement soient punis.
Les autorités officielles ont obligé Maedeh Hojabri, une adolescente, à présenter ses excuses à la télévision publique après avoir « avoué » avoir dansé dans des vidéos, faites chez elle, qu'elle a ensuite postées sur sa page Instagram personnelle.
Quatre jeunes de Téhéran ont été condamnés à la peine de flagellation et à une peine de prison avec sursis en septembre 2014 pour avoir dansé dans une vidéo virale sur la chanson « Happy » de Pharrell Williams.
Depuis la révolution islamique de 1979 en Iran, les droits de choisir ce qu’il faut manger, ce qu’il faut porter et ce dont il faut jouir figurent parmi les droits de l’homme les plus fondamentaux qui ont été restreints par les autorités.
Plusieurs médias iraniens officiels ont publié des reportages et des commentaires sur les vidéos de danse récentes, avec les condamnations des autorités.
Certains analystes ont émis l’hypothèse que les vidéos étaient le résultat du Programme de développement durable de l’UNESCO 2030, des directives non contraignantes que le Guide suprême Ali Khamenei avait interdit de mettre en œuvre en Iran en 2017.
Les conservateurs imaginent des « complots d’Infiltration » derrière les vidéos de danse
De nombreux Iraniens ont condamné la réponse du ministre de l’éducation aux vidéos, mais ce dernier a répliqué en affirmant qu’elles faisaient partie d’un complot visant à saper la République islamique. « Ruse ou infiltration ?! », a-t-il tweeté.
Abbas Ka’bi, membre de l’Assemblée des Experts, a déclaré que les vidéos faisaient partie d’un « plan prédéfini pour affaiblir le moral du peuple iranien ».
Le 6 mai, il a déclaré à l'agence Fars, affiliée aux pasdarans, que des clips vidéo tels que celui de Sasy Mankan « font partie de la guerre culturelle de l'ennemi » contre l'Iran, exigeant des mesures de la part des autorités, notamment « des poursuites à l'encontre des responsables de l'école et de toute autre autorité qui a manqué à ses devoirs ».
Le premier vice-président du Parlement, Ali Motahari, a également appelé à la destitution des directeurs de l’école lors d’un discours prononcé lors d’une séance publique du Parlement.
Le 8 mai, 51 unités universitaires de la force paramilitaire volontaire Basij ont envoyé une lettre ouverte au ministre de l'Éducation pour exprimer leur indignation au sujet des vidéos.
« Qu'est-ce qui est arrivé à notre pays qui a inspiré certains élèves à lancer un défi de danse avec une chanson indécente et dénuée de sens, remplie d'idées inquiétantes de DJ clandestins ? », a indiqué le communiqué.
Mais certains commentateurs ont reculé. Le 8 mai, l'écrivain Soudabeh Sadri a demandé pourquoi les autorités se concentrent sur la « répression du bonheur », tandis que l'Iran est confronté à des problèmes beaucoup plus graves.
« Gentleman » n’est pas juste une chanson. C’est une sirène qui annonce la défaite des responsables des affaires culturelles et artistiques de l’Iran au cours des dernières décennies », a-t-on écrit dans un éditorial publié par le journal réformiste Asr Iran.
« En ces temps déprimants où nous entendons constamment parler de la hausse des prix des marchandises, est-il vraiment prioritaire d'empêcher les étudiants de s'amuser ?», a-t-on ajouté. « Ne peuvent-ils pas être joyeux pendant quelques minutes seulement avec une chanson d'un chanteur iranien à Los Angeles ? »
Sasy Mankan, dont le vrai nom est Sasan Heydari, est basé en Californie et a une forte popularité en Iran depuis la fin des années 2000.
En 2009, alors qu'il vivait encore en Iran et qu'il était actif sur la scène musicale underground, il a soutenu le candidat réformiste à la présidence, Mehdi Karroubi, en résidence surveillée extrajudiciaire depuis février 2011.
Plusieurs utilisateurs iraniens se sont rendus sur Twitter pour condamner la réaction des autorités au sujet des vidéos de danse.
« Le jour où nos religieux manifesteront autant de colère contre la corruption et le vol de fonds publics qu’envers la danse et la joie de quelques élèves à l'école, cela signifera qu’il y aura de l'espoir que le pays puisse se remettre sur pied », a tweeté le journaliste Seraj Mirdamadi.
Peyman Moghaddam a souligné la « folie » de rechercher la source du défi « Sasy Mankan ».
« C’est exactement la tragédie que nous vivons en Iran depuis ces 40 dernières années », a-t-il tweeté. « Ils veulent mobiliser tout le pays pour savoir quelle école a lancé le défi du chant Sasy Mankan ! Mais en même temps, ils accusent les autres de l’inflation, de la corruption, de l’anarchie et de l’incompétence. Que Dieu guérisse votre folie, même si elle est douteuse ».
Source : Le Centre pour les droits de l’homme en Iran

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