samedi 18 mai 2019

Iran : Tensions croissantes entre les activistes et les institutions sexistes iraniennes


manifestations étudiants iranCSDHI - Lundi, le Centre pour les droits de l'homme en Iran a annoncé la condamnation d'une prisonnière politique du nom de Hengameh Shahidi, accusée de « propagande contre l'État », « d'insultes envers les autorités » et de « diffusion de mensonges », sur la base de publications sur les médias sociaux dans lesquelles elle a critiqué le chef du pouvoir judiciaire iranien.

Shahidi a été initialement arrêtée en juin dernier et elle est en isolement cellulaire depuis. Elle a été condamnée à plus de 12 ans de prison le 10 décembre et une cour d'appel l'a ensuite condamnée à purger sept ans et demi de sa peine, conformément à une disposition du code pénal iranien qui limite les peines de facto à la plus longue durée parmi les jugements simultanés. Toutefois, le pouvoir judiciaire iranien est notoirement connu pour les sanctions arbitraires et la violation de ses propres dispositions, et il est connu que les prisonniers politiques voient leur peine prolongée par l'ajout de nouvelles charges après avoir déjà commencé à purger une peine légale.
Il reste à voir si de telles pressions supplémentaires seront appliquées dans le cas de Mme Shahidi, mais le rapport du CDHI soulève effectivement cette possibilité en notant que le nombre de femmes, prisonnières politiques, est en augmentation. Le directeur exécutif de l'organisation, Hadi Ghaemi, a expliqué ce phénomène en ces termes : « Les forces iraniennes sont menacées par les femmes iraniennes qui appellent à des réformes pacifiques dans le pays ». Il a identifié Shahidi comme la dernière cible de la répression contre ces femmes, mais d'autres informations signalent un harcèlement simultané des prisonnières politiques existantes, ainsi que la possibilité de peines sévères pouvant être infligées aux personnes récemment arrêtées.
À titre d'exemple, Iran Human Rights a publié mercredi un rapport mettant en lumière certains des derniers développements dans l'affaire Narges Mohammadi, une militante iranienne des droits de l'homme bien connue et opposante à la peine de mort, qui purge actuellement une peine de 16 ans d'emprisonnement pour ses activités pacifiques. Depuis le début de sa peine en mai 2015, Mohammadi a été privée de soins médicaux et souffre d'affections aggravées par les conditions de sa détention.
Mardi, la prisonnière politique aurait été transférée dans un hôpital pour y subir ce que l'IHR a qualifié de « chirurgie retardée depuis longtemps ». Mais il reste à savoir si elle aura le temps de se rétablir complètement, car les cas d'autres prisonniers politiques malades et blessés sont connus pour avoir été transférés prématurément, ayant entraîné des complications supplémentaires, après coup. L’article du CDHI réitère les appels passés à la libération de Mohammadi pour des raisons médicales, notant qu'elle a besoin d'un traitement de longue durée en dehors des établissements pénitentiaires.
Concernant Hengameh Shahidi, le CDHI identifie spécifiquement Mohammadi comme l'une des cinq prisonnières politiques au moins purgeant actuellement de « lourdes peines ». Il mentionne également Nasrin Sotoudeh, la célèbre avocate des droits humains qui a récemment été condamnée à 33 années de prison en plus d’une peine préexistante de cinq ans, en grande partie en réaction aux efforts qu’elle a déployés pour défendre des militantes politiques ayant participé au mouvement connu sous le nom de « Girls of Revolution Street » (les filles de la rue de la révolution), comprenant des manifestantes qui retiraient publiquement leur voile islamique en violation de la loi.
L’affaire Sotoudeh et sa punition particulièrement sévère soulignent le fait que la répression contre les militantes politiques fait partie d’un phénomène plus vaste de répression des droits des femmes en général. Les manifestations de la « Revolution Street » représentent un conflit entre les autorités gouvernementales et les Iraniens ordinaires, qui semble toujours se renforcer, alors que les anciens tentent de réaffirmer les normes sociales strictes pendant que les jeunes exercent des pressions en sens inverse.
Les étudiants au premier plan
La persistance de ce conflit était évidente, lundi 13 mai 2019, lorsque des étudiants de l'Université de Téhéran ont organisé des manifestations publiques contre les efforts du régime des mollahs pour intensifier l'application des lois obligatoires sur le hijab sur le campus. Al Monitor a rapporté que les étudiants avaient décrit ces efforts comme étant plus restrictifs que jamais et cela a impliqué le déploiement de « patrouilles de moralité » sur le campus dans le but d’attaquer, harceler et éventuellement ordonner l'arrestation de femmes jugées comme étant mal voilées.
La politique plus stricte concernant le code vestimentaire islamique et son application seraient accompagnées d’un nouvel ensemble de directives du ministère des sciences du régime concernant la surveillance de l’activité des médias sociaux parmi les étudiants universitaires. Ces directives prescrivent des mesures disciplinaires à l’encontre des personnes reconnues coupables de violation des restrictions, ce qui élargit la stratégie du régime visant à limiter la communication dans les médias sociaux au sein de la population générale.
Le corps étudiant de l’Université de Téhéran a réagi aux nouvelles lois en organisant une manifestation, lundi 13 mai, ce qui a entraîné des affrontements entre militants et partisans du régime. Selon Al Monitor, les étudiants auraient été attaqués après avoir lu une déclaration. Les instigateurs seraient des membres du Basij, une milice civile organisée par les pasdarans.
Iran Human Rights Monitor a rapporté le jour de la manifestation que les autorités du régime avaient déployé les membres du Basij sur le campus universitaire, dans le cadre de la même stratégie qui impliquait les forces de la police morale. Les informations indiquaient que les étudiants avaient commencé à observer une plus grande présence de la milice, plusieurs semaines avant les manifestations, souvent accompagnées d'agents en civil du ministère du renseignement.
Le Centre iranien des droits de l'homme a également rendu compte de la manifestation étudiante et de la répression qui en a suivi. Les remarques des étudiants ont mis en lumière l’importance de faire preuve de fermeté face à de tels affrontements, qui représentent des efforts pour limiter les droits déjà très limités de l’ensemble de la population. Ils ont déclaré : « Il ne faut pas oublier que le peu de liberté dont disposent les étudiants dans cette université en matière de tenue vestimentaire ne tient pas à la gentillesse des autorités et des administrateurs, mais à la résistance sans faille et à la persévérance des étudiants pour obtenir leurs droits inaliénables ».
La dernière opération de répression découlerait d'une décision du Comité pour l'islamisation des universités. Mais dans un sens plus large, on peut dire que cela découle de la réponse du régime à la participation de longue date des étudiants à des manifestations anti-gouvernementales, y compris le soulèvement massif qui a commencé en décembre 2017 et s'est poursuivi pendant une grande partie de janvier 2018. Le CDHI a signalé que plus de 150 étudiants ont été arrêtés en lien avec ce mouvement et qu'au moins 22 d'entre eux ont été « condamnés à de lourdes peines de prison » pour des raisons liées à la sécurité nationale en raison de leur participation pacifique.
Le soulèvement à l’échelle nationale a notamment coïncidé avec le début des manifestations contre la « Rue de la Révolution » et les affrontements survenus à l’Université de Téhéran ont mis en évidence le lien de la population étudiante avec les deux. Alors que l’opposition à une application plus stricte des lois obligatoires sur le hijab a été l’impulsion claire de la manifestation des étudiants, le CDHI a signalé qu’ils ont également chanté des slogans avec des messages plus larges. Parmi ceux-ci figuraient des refrains qui étaient devenus familiers en janvier de l'année dernière, comme celui qui identifiait les deux factions de la politique iranienne dominante afin de les informer que le « jeu est terminé ».
Source : INU

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