CNRI Femmes – Le massacre de plus de 30.000 prisonniers politiques en Iran en 1988 a été décrit comme le plus grand crime contre l’humanité après la Seconde Guerre mondiale. [1]
33 ans après ce génocide, le régime iranien refuse toujours de reconnaître les exécutions ou de fournir des informations sur le nombre de prisonniers tués.
Sur la base de témoignages des survivants, on sait que le massacre avait été préparé pour commencer au moins un an auparavant. L’ordre du massacre est venu directement de Khomeiny sous la forme d’un décret religieux, une fatwa, appelant à l’exécution de tous ceux et toutes celles qui refuseraient de renoncer à leur soutien aux Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI), l’opposition démocratique à la dictature religieuse. [2]
Un organe dit « commission d’amnistie », mais mieux connu parmi les prisonniers comme la commission de la mort, posait une simple question à tous les prisonniers : « maintenez-vous votre soutien à l’OMPI ? » Ceux et celles qui répondaient oui étaient exécutés, même s’ils avaient purgé la peine à laquelle ils avaient été condamnés. [3]
Aucune des victimes n’avait eu de nouvelles activités en détention et beaucoup étaient à peine âgés de 15 ou 16 ans lors de leur arrestation.
Les exécutions ont commencé dans la dernière semaine de juillet, avec un pic du 28 juillet au 14 août, et ont continué jusqu’à l’automne et dans certains endroits jusqu’à l’année suivante.
La grande majorité des victimes étaient des membres et sympathisants de l’OMPI, mais l’ordre a été étendu à d’autres groupes par la suite.
Les prisonniers ont été pendus par groupes. Les corps étaient ensuite transportés hors des prisons dans des bennes et enterrés dans des fosses communes. Il n’y a eu aucune pitié, ni pour les adolescentes, ni même pour les femmes enceintes.
La hâte avec laquelle Khomeiny a tenu à exterminer les prisonniers politiques était si immonde, que plusieurs de ses plus proches confidents ont été pris par le doute.
Violées avant d’être pendues
Hossein Ali Montazeri, le successeur désigné de Khomeiny et deuxième plus haute autorité du pays à l’époque, avait lancé un appel à la clémence et à un ralentissement dans le rythme des exécutions. [4]
Dans un livre de mémoires publiés en décembre 2000, Montazeri souligne la brutalité des tortures pratiquées en particulier contre les jeunes filles et les femmes avant leur mise à mort, lors du massacre de 1988.
Dans une lettre célèbre à Khomeiny qui lui a valu sa destitution, Montazeri écrit : « Si vous insistez sur votre décision, donnez au moins l’ordre (à la Commission de mort constituée de trois juges) de fonder ses décisions sur un vote unanime et non pas à la majorité des voix. Les femmes devraient également faire exception, en particulier les femmes avec des enfants. Et enfin, l’exécution de plusieurs milliers de personnes en quelques jours va se retourner contre nous. » De cette lettre, nous pouvons comprendre le rôle et l’impact des femmes dans les prisons à cette époque. Elles faisaient preuve de fermeté et de résilience. Elles résistaient tout en sachant qu’elles seraient horriblement violées avant d’être pendues. Mais elles ont dit NON aux bourreaux.
80% des femmes d’une section exécutées
On rapporte que 80 % des femmes de l’OMPI détenues de la section 3 de la prison d’Evine à Téhéran ont été massacrée en septembre 1988. Il y avait notamment Monireh Radjavi, mère de deux petites filles, et qui a été exécutée uniquement parce qu’elle était la sœur du dirigeant de la Résistance iranienne Massoud Radjavi. Il y avait aussi Achraf Ahmadi, une prisonnière politique du temps du chah, mère de quatre enfants. Parmi les victimes figuraient également un large éventail de personnes de diverses professions, ainsi que des candidates de l’OMPI aux élections législatives comme Fatemeh Zareï à Chiraz et Zohreh Ainol-Yagheen à Ispahan. La Dr. Hamideh Sayahi et la Dr Chourangiz Karimian, avec sa sœur, la joueuse de l’équipe nationale de volleyball Forouzan Abdi figurent aussi au nombre des victimes du massacre de 1988.
Un document exceptionnel
Un enregistrement exceptionnel publié début aout 2016 par le fils de Montazeri sur le site officiel de son père, apporte des preuves accablantes contre le régime des mollahs et révèle aussi d’affreux détails sur le massacre des femmes. Il s’agit de l’enregistrement d’une rencontre de 40 minutes entre l’ayatollah Montazeri et les membres de la Commission de la mort, peu après le début du massacre. On entend parler de l’exécution d’une jeune fille de 15 ans emprisonnée depuis à peine deux jours dans le but de briser son frère résistant ; mais comme elle n’a rien dit contre son frère exécuté, on l’a elle aussi exécutée. La bande fait également référence à l’exécution d’une femme enceinte à Ispahan. L’image globale du massacre de 1988 reste floue parce à cause de son ampleur, et qu’il a englobé toutes les prisons du pays. Dans certains cas, il n’y a pas eu de survivant. Le régime des mollahs a fait de toutes les informations sur massacre un délit, pensant éviter les fuites. Ce qui est connu a donc été reconstitué à partir d’un nombre limité d’informations rapportées par les rares survivants, les rares familles convoquées pour récupérer les corps de leurs proches, [5]
ainsi que des aveux ici et là d’anciennes autorités du régime. L’autre aspect de ce crime contre l’humanité démontre la fermeté d’une génération qui n’a pas cédé sous la menace de la mort et qui a défendu son identité intrinsèquement liée à la liberté de la nation. Cette génération a ainsi scellé le droit au libre-choix et à la liberté d’opinion.
Appel à un tribunal international
La Résistance iranienne renouvelle son appel à traduire devant une cour de justice internationale tous les auteurs et responsables du massacre de 1988 en Iran pour crime contre l’humanité. Ces criminels sont toujours au pouvoir et occupent des postes importants. Parmi eux, Ali Khamenei (alors président sous Khomeini), Hassan Rouhani (alors assistant du commandant en chef par intérim des forces armées), et les membres de la commission de la mort, Mostafa Pour-Mohammadi (ancien ministre de l’Intérieur et ministre de la Justice sous Hassan Rouhani), Hossein-Ali Nayyeri (chef de la Cour suprême de discipline des juges sous Rouhani), Morteza Eshraqi (alors procureur), et Ebrahim Raisi (membre de l’Assemblée des experts, ancien chef de la fondation Astan Qods-e Razavi, ancien chef du pouvoir judiciaire, et futur président du régime clérical).
[1] Un ancien vice-ministre du Renseignement a enregistré un clip vidéo en 2008, dans lequel il révèle que le régime des mollahs a massacré quelque 33.700 prisonniers politiques et les a enterrés dans des fosses communes. Selon Reza Malek, il y a entre 170-190 fosses communes à travers le pays.
[2] « Celui qui à tout stade continue d’appartenir à l’OMPI doit être exécuté », fatwa de Khomeiny.
[3] Khomeiny a nommé les trois membres de la soi-disant « commission d’amnistie », qui a tenu des procès sommaires et interrogé les prisonniers afin de déterminer leur sort. Les questions portaient sur l’allégeance des prisonniers à l’OMPI. Si les prisonniers n’étaient pas prêts à collaborer pleinement avec le régime contre l’OMPI, c’étaient considéré comme un signe de sympathie vis-à-vis de l’organisation et la sentence était l’exécution immédiate.
[4] Montazeri a été destitué et placé en résidence surveillée jusqu’à sa mort en 2009, pour ses protestations contre le massacre.
[5] Un rapport de Chiraz indiquait : « Quand les rumeurs du massacre ont couru dans l’opinion, nous sommes allés à la prison. Les bourreaux nous ont dit:« Qu’est-ce que vous attendez, qu’on vous distribue des bonbons et des petits gâteaux ? On a tué 860 personnes en une seule journée ! Maintenant, si vous vous organisez un enterrement, on vous rasera la maison au bulldozer. »
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