CSDHI – Je m’appelle Akbar Samadi, et je suis né en 1966. J’ai été arrêté sur le boulevard Keshavarz à Téhéran en août 1981, lorsque les forces de sécurité du régime sont intervenues de manière extensive pour encercler la zone.
Quelques mois plus tard, elles ont révélé mon identité par des transfuges à Evine. Puis on m’a interrogé. Au final, j’ai été condamné à 10 ans de prison. J’ai passé cette période dans les prisons de Ghezelhesar, Evine et Gohardasht.
Bien sûr, je ne suis pas le seul mineur à avoir été arrêté. Un grand nombre de mineurs ont été arrêtés. Certains d’entre eux ont même été exécutés alors qu’ils n’avaient pas 18 ans.
Pendant le massacre de 1988, ils m’ont envoyé six fois dans le couloir de la mort. Pendant cette période, j’ai été le témoin de beaucoup de choses. Dans le Comité de la mort, il y avait Nayyeri, le juge de la charia, Eshraqi, le procureur général, Ebrahim Raïssi, le procureur adjoint, et Mostafa Pourmohammadi, le représentant du ministère du renseignement.
Lorsqu’un prisonnier arrivait, ils lui demandaient son chef d’accusation. Puis sur la base de celui-ci, ils prononçaient une sentence. À ce moment-là, ils nous disaient qu’il s’agissait d’un « Comité des grâces ». Lorsque je suis entré dans la pièce, ils ont dit qu’ils étaient le Comité des grâces et qu’ils voulaient évaluer la situation des prisonniers. Ils m’ont demandé mon nom, le nom de mon père, ma date de naissance et le chef d’accusation. Lorsque je suis sorti de la pièce, il y avait un coin salon, et Reza Felani était assis à côté de moi. Il m’a demandé ce qui se passait. Je lui ai répondu que je ne savais pas ce qui se passait, mais que si je devais deviner, je dirais qu’ils allaient soit nous exécuter tous, soit nous libérer tous ; car le régime avait accepté le cessez-le-feu.
À ce moment-là, Ebrahim Raïssi m’a de nouveau convoqué. Il m’a emmené dans une pièce et a commencé à me parler. En réalité, Ebrahim Raïssi était le procureur adjoint de Téhéran. Il était là pour s’assurer que personne n’échapperait à l’exécution. Il faisait tout son possible pour ratisser aussi large que possible pour les exécutions, et si d’une manière ou d’une autre le procureur Morteza Eshraqi avait un avis différent sur quelqu’un, Raïssi le rejetait.
Lorsque je suis allé dans le couloir de la mort, j’ai rencontré des prisonniers qui étaient assis là et attendaient leur exécution. Bien sûr, nous ne savions pas que les exécutions avaient lieu, jusqu’à ce que, dans l’après-midi, un des prisonniers qui avait été entendu dans un Comité de la mort me donne les détails et me demande de transmettre la nouvelle aux autres prisonniers. J’ai donc averti les et leur ai transmis le message. Nous avons placé des guetteurs aux deux extrémités du couloir de la mort pour nous avertir si quelqu’un venait. Puis j’ai transmis le message du détenu, selon lequel les exécutions avaient commencé le 27 juillet 1988 à Evine et le 30 juillet à Gohardasht. D’abord les prisonniers de Mashhad et ceux condamnés à la prison à vie ont été emmenés pour être exécutés. Il s’agit d’un Comité de la mort, et chacun d’entre nous qui est emmené au Comité de la mort sera finalement emmené au bout du couloir. Là, ils nous donneront trois morceaux de papier, qui comprennent une lettre à la famille, une procuration et un testament. Ensuite, les gens étaient emmenés à Gohardasht Hosseynieh où ils étaient pendus.
La réaction des prisonniers… Mohammad Reza Shahid Eftekhar était assis en face de moi. Mohammad Reza était un étudiant et si je ne me trompe pas, il étudiait à l’université polytechnique. Il a dit que la révolution exigeait des sacrifices et que nous devions faire ce sacrifice. Behzad Fath Zanjani était assis à côté de Mohammad Reza. Il a dit que le poids de la révolution est porté par certaines personnes à chaque époque et que cette fois, c’était à nous de le porter.
Comme la lettre de ma condamnation à l’exécution était restée dans la pièce où Raïssi m’avait appelé, je suis resté dans le couloir de la mort jusqu’à la fin de la nuit. Vers 23 heures, Hamid Abbasi, qui est actuellement jugé sous le nom de Hamid Noury, a lu les noms de 14 personnes. Mon nom n’en faisait pas partie, ni parmi les personnes présentes, ni parmi celles qui avaient été exécutées. Il a relu les noms une seconde fois. Il est allé chercher la liste des noms des personnes exécutées, mais il n’a toujours pas trouvé mon nom. Alors il a dit : « Pour l’instant, tu vas avec eux. »
Puis il a lu à haute voix le nom de Morteza Yazdi. Morteza se trouvait dans la cellule 15 du quartier 3. Il avait été exécuté par erreur. En effet, Hamid Noury avait mal lu son nom et ils l’avaient emmené pour l’exécuter. Il a été pendu à la place de Seyyed Morteza Yazdi. Seyyed Morteza Yazdi a finalement été exécuté lors de ce massacre.
Malgré les arrestations qui ont eu lieu en 1981 et le fait que tous les prisonniers avaient déjà purgé leur peine, de nombreuses personnes du même âge que moi ont été exécutées, comme par exemple Assadollah Sattar Nejad, qui purgeait une peine de 15 ans de prison. Il a été exécuté à Gohardasht, avec Mohsen Abdol-Hossein Rouzbehani qui purgeait une peine de 10 ans de prison. Il a également été exécuté à Gohardasht, ou Heydar Sadeqi Tirabadi.
Les jours suivants, lorsque nous avons transmis la nouvelle des exécutions, beaucoup de personnes n’y croyaient pas, car nous avions tous été condamnés à des peines de prison et nous en étions à sept ans. Il était alors difficile de croire que le régime procédait aux exécutions aussi facilement. C’est pourquoi les réactions étaient différentes. Certains disaient que les gens étaient transférés dans d’autres prisons. À ce moment-là, lorsque certaines personnes ont appris la nouvelle à différents endroits, lorsque cette incrédulité s’est transformée en certitude, certains ont fait une crise cardiaque. La prison était vide, et il n’y avait plus personne. Nous n’étions que quelques-uns à avoir survécu et à la fin, ils nous ont transférés dans un autre service.
Là, on a revu ce qui s’était passé et on a énuméré les noms des personnes qui avaient été exécutées. En réalité, toute personne qui n’était plus parmi nous était considérée comme ayant été exécutée. Le 6 août 1988, j’étais dans la cellule 2 du quartier 2. Nous utilisions le morse pour communiquer les noms des personnes exécutées. Nous recevions les noms de chaque cellule. Dans la cellule en dessous de nous se trouvait Mojtaba Akhgar. Le nombre de noms était si important qu’au bout d’un moment, ceux qui communiquaient les noms par le morse était remplacé par d’autres car cela les épuisait.
Ceux qui dirigeaient la prison, les pasdarans et les gardiens faisaient tout leur possible pour augmenter, par tous les moyens, le nombre d’exécutions. Pour cette raison, ils gardaient tout le monde dans l’ignorance et faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour provoquer les prisonniers afin qu’ils s’énervent et réagissent. Ainsi, leur attitude pouvait justifier leur exécution.
Nasserian venait chaque nuit chercher les noms et les accusations. Il dressait une liste. Il donnait la liste à Hamid Abbasi. Le lendemain matin, Abbasi donnait les noms aux pasdarans et ils emmenaient les prisonniers dans le couloir de la mort.
Dans le couloir de la mort, nous avions les yeux bandés et nous nous asseyions sur le sol à un mètre de distance. Ils lisaient les noms de 10 à 15 prisonniers à chaque fois, toutes les 15 à 20 minutes, et les prisonniers étaient emmenés. Il est arrivé à plusieurs reprises que tous les membres du Comité de la mort, qu’ils aient ou non prononcé la sentence, se rendent dans la chambre d’exécution, surveillent et exécutent les sentences. J’ai moi-même été témoin de ce va-et-vient à plusieurs reprises, au moins lorsque Nayyeri, Raïssi, Eshraqi, Shoushtari et Pourmohammadi se rendaient à Hosseynieh pour exécuter les sentences.
Dans le couloir de la mort, Nasserian disait aux pasdarans : « Allez les appeler, nous voulons commencer. » Tous les gardiens de la clinique de la prison, de la cuisine, des services et de la sécurité ont été dépêchés. Ils voulaient les forcer à mettre en œuvre les exécutions afin que plus tard aucun de ces gardes ne puisse exposer ce crime. Comme je l’ai dit, l’ampleur du crime était si grande qu’il ne restait plus personne en prison.
L’un des aspects de ce massacre, indépendamment du fait qu’il se déroulait à l’intérieur des prisons, était l’ignorance des familles à l’extérieur. Les familles furent tenues dans l’ignorance de la situation à l’intérieur de la prison pendant longtemps, car les visites étaient suspendues. Plus tard, de nombreux pères et mères ayant appris l’exécution de leurs enfants, n’ont pas survécu à la nouvelle ou ont fait des crises cardiaques. Gholam Reza Mashhadi Ebrahim était enfant unique. Il a été exécuté alors qu’il souffrait d’une maladie cardiaque. Hossein Afkhan avait perdu toute raison. Il a d’ailleurs été exécuté parce qu’ils voulaient se débarrasser des preuves de crimes et de tortures sur son corps. Ali Haqverdi, pendant son emprisonnement, a été maintenu debout pendant environ sept jours d’affilée. Il a été torturé dans cet état. Il a également subi une commotion cérébrale. Et après cela, il souffrait de complications à la tête. À un moment donné, j’ai été chargé de prendre soin d’Ali Haqverdi. Mais même Ali Haqverdi, qui était gravement malade, a été exécuté pendant le massacre.
Ou encore, Hamid Reza Ardestani. Ses pieds ont été battus avec des câbles si brutalement pendant les interrogatoires qu’ils se sont infectés. Ses petits orteils ont fini par être sectionnés.
Afin d’effacer toute preuve et toute trace de torture, toutes ces personnes ont été exécutées.
À ce jour, les familles ne savent même pas où leurs enfants ont été enterrés. Et c’est un crime qui se poursuit. Ce qui signifie qu’il ne se limite pas à 1988. De nombreuses mères ont passé des années à chercher les dépouilles de leurs proches dans le cimetière de Khavaran et dans divers lieux de sépulture. Non seulement elles n’ont fait aucun progrès, mais elles ont également été harcelées, soumises à des pressions et à des tortures, et même emprisonnées par les régimes de Khomeini et de Khamenei.
Pour nous qui avons survécu au massacre, la vie après l’exécution de nos amis a été vraiment difficile. Nous avions passé des années avec eux. Dans une vie de famille normale, nous devons étudier, travailler et faire d’autres activités, et peut-être passer quelques heures du reste des 24 heures à la maison avec des amis ou de la famille ou des sœurs et des frères etc. Mais nous, nous passions chaque heure de la journée les uns avec les autres dans des conditions diverses. Nous étions les uns à côté des autres dans les bons et les mauvais moments. Nous ne pouvions donc pas les oublier. Il était difficile de vivre sans eux. De plus, ces personnes ne voulaient rien pour elles-mêmes. Leur seul désir était la liberté et la prospérité. Je suis moi-même né dans un quartier relativement modeste du sud de Téhéran. Ce qui m’a poussé à rejoindre et à soutenir le MEK/OMPI, c’est la recherche d’une vie meilleure pour moi, mes amis, ma famille et les autres. Nous ne voulions rien d’autre. Nous voulions que les gens vivent en paix. Mais malgré le fait que toutes ces personnes soient restées en prison pendant sept ans, non seulement elles n’ont pas atteint leur objectif, mais elles ont également sacrifié leur vie. Il ne nous restait donc plus qu’à suivre leurs traces et à poursuivre leur chemin.
Et maintenant, en un mot, cette identité et cet idéal sont la recherche de la liberté et de la prospérité pour le peuple. Et bien sûr, ce n’est rien qui peut être donné ou échangé avec quoi que ce soit d’autre dans un accord avec d’autres. Et si quelqu’un veut exploiter cette situation pour des raisons égoïstes, il ne réussira pas. Personne ne peut exploiter le mouvement « Appel à la justice » pour obtenir un statut plus élevé pour lui-même.
Source : CNRI
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