jeudi 29 juin 2017

Iran : En l'absence de procédure régulière, les administrateurs emprisonnés du réseau Telegram entament une grève de la faim

 CHRI - L'administrateur du réseau Telegram Nima Keshvari a été placé en détention, mi-mars 2017, par les services des renseignements des Pasdarans.
Six administrateurs du réseau d'application de messagerie Telegram qui ont été arrêtés à la veille de l'élection présidentielle d'Iran en mai 2017 ont commencé unen grève de la faim dans la prison d'Evine pour protester contre leur détention prolongée sans contact avec un avocat.

Une source informée a déclaré au Centre pour les droits de l'homme en Iran (CHRI) qu'aucune accusation n'a été prononcée contre les détenus - lesquels ont soutenu la récente tentative de réélection du président Rouhani - plus de trois mois après leur arrestation par les Pasdarans, en mars 2017.
« Les avocats se sont présentés pour les défendre, mais le bureau du procureur et le juge ne leur ont pas permis de rencontrer les prisonniers suite à une recommandation des pasdarans », a déclaré la source à CHRI.
« La représentation juridique devient officielle une fois que le client a signé un document déléguant son avocat (e) », a ajouté la source. « Ceci n'est toujours pas arrivé ».
Ali Ahmadnia, Mojtaba Bagheri, Sobhan Jafari-Tash, Javad Jamshidi, Nima Keshvari et Saeed Naghdi ont commencé une grève de la faim, le 19 juin 2017, dans le quartier 2-A de la prison de Evine, contrôlé par les Pasdarans.
Leur affaire est jugée devant la cour révolutionnaire de Téhéran, présidée par le juge Abolqasem Salavati.
L'avocat Ali Mojtahedzadeh a déclaré à l'agence de presse iranienne du Travail (ILNA) le 21 juin qu'il a assisté Keshvari et Bagheri sur les demandes de leurs familles, mais que ses demandes de les rencontrer en prison ont été refusées.
« Les accusations mentionnées dans leur affaire sont liées à leurs activités de soutien du gouvernement [Rohani] », a ajouté Mojtahedzadeh. « Vous ne pouvez pas accuser des gens d'agir contre la sécurité nationale lorsqu'ils coopèrent avec le gouvernement ».
L'administration centriste du président Hassan Rohani, qui entretient des liens étroits avec des factions réformistes, a été publiquement critiquée par les Pasdarans pour son refus de censurer certaines fonctions de Telegram.
Rohani a également résisté à la pression des radicaux d’interdire Telegram avant les élections législatives de mars 2016 et les élections présidentielle et municipales de mai 2017.
Selon Telegram, quelques 40 millions de personnes utilisent l'application, principalement sur leurs téléphones mobiles, en Iran.
Entre le 14 et le 16 mars 2017, les agents des renseignements des Pasdarans ont rassemblé huit administrateurs de 12 canaux de télégrammes qui se sont rangés du côté des factions réformistes qui ont soutenu la candidature de Rohani pour un second mandat, le 19 mai.
Deux ont été libérés peu après, mais six restent en détention et ont été forcés de céder le contrôle de leurs canaux Telegram aux Pasdarans, qui ont supprimé tout le contenu.
Près de deux semaines après leur arrestation, le 26 mars, Rohani a répondu aux appels des députés réformistes pour une explication en demandant au ministère de l'Intérieur d'enquêter sur les « arrestations suspectes d'un certain nombre de militants de médias sociaux à la veille de l’élection ».
Jusqu'à présent, le ministère n’a rendu aucune conclusion publique et les autorités judiciaires n'ont pas fait d’autres remarques si ce n’est celle d'annoncer que les administrateurs ont été arrêtés dans le cadre de prétendus « problèmes de sécurité » et « actes indécents ».
« En ce qui concerne ce cas particulier, il y a des questions qui concernent le ministre des renseignements lui-même (Mahmoud Alavi) et, par conséquent, il ne peut pas faire de commentaires sur cette affaire ni préparer un rapport à ce sujet », a déclaré le porte-parole du pouvoir judiciaire Gholamhossein Mohseni Ejei, le 12 avril.
« Je ne connais aucun crime que les administrateurs pourraient avoir commis pour lequel je partage une responsabilité », a répondu Alavi quelques heures plus tard. « On dirait qu'ils ont peut-être été arrêtés à cause de moi ».
Alavi, a été nommé à la tête du ministère des renseignements par Rohani.
Le CHRI a obtenu une photo d'Instagram montrant que le ministre pose avec certains administrateurs emprisonnés. Le compte Instagram a depuis été fermé.
Frustrés par le manque de procédure régulière dans les affaires de leurs proches, les familles de certains détenus ont déposé une plainte le 6 juin avec le Comité de l'article 90 du Parlement chargé d'enquêter sur les doléances publiques.
Selon l'article 90 : « Celui qui dépose une plainte concernant le travail de l'assemblée [Parlement] ou le pouvoir exécutif, ou le pouvoir judiciaire peut transmettre sa plainte par écrit à l'assemblée. L'assemblée doit enquêter sur sa plainte et donner une réponse satisfaisante. Dans les cas où la plainte concerne le pouvoir exécutif ou le pouvoir judiciaire, l'assemblée doit exiger une enquête appropriée sur la question et une explication adéquate de ceux-ci et annoncer les résultats dans un délai raisonnable. Dans le cas où le sujet de la plainte est d'intérêt public, la réponse doit être rendue publique ».
Selon la source du CHRI, le comité n'a pas publié le résultat de son enquête.
Trente députés ont écrit une lettre à Alavi, le 30 mai, pour lui demander d'expliquer pourquoi les administrateurs avaient été placés en détention prolongée sans avocat et ce, en violation de la Constitution.
« Un certain nombre d’administrateurs du réseau de Telegram, pro-gouvernement de Rohani, qui ont été arrêtés à la veille de l'élection présidentielle restent dans un vide juridique de plus de deux mois dans le cadre de leur détention », a déclaré la lettre.
« D'après les informations que nous avons reçues, ces personnes n'ont pas été inculpées dans le délai légal prévu par l'article 32 de la Constitution et on leur a refusé un avocat en violation de l'article 35 ».
Le 6 juin, Alavi a répondu aux questions des députés lors d'une séance privée du Parlement, mais les délibérations n'ont pas été rendues publiques.

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