Par Behzad Naziri
Au début de l’année, de larges manifestations ont embrasé plus de 140 villes en Iran ; certaines sont issues de grèves qui se poursuivent.
Les analystes ont étudié l’histoire de 40 ans du régime pour identifier les raisons derrière de tels évènements sans précédent. Deux différents points de vue ont fait surface : le premier est la transformation rapide de ces manifestations générales en manifestations politiques.
Par exemple, les habitants de Machhad ont scandé « non à la cherté de la vie » le premier jour, puis « mort à Khamenei » le deuxième, avec une radicalisation net des slogans. Par exemple, les habitants de Kazerun (à l’ouest de Chiraz) qui ont manifesté contre la division administrative de la ville, ont fini par entonner « prenez garde au jour où nous serons armés ! » Un autre exemple est celui des agriculteurs d’Ispahan qui ont manifesté contre le manque d’eau (notamment l’assèchement de la rivière Zayanderud) ainsi que la destruction de l’agriculture dans les villages alentour à cause de cette pénurie. Comme les autres, ces manifestations comportaient des slogans comme « mort au dictateur ».
Comment distinguer les manifestations économiques de celles politiques ?
Il ne fait aucun doute que plusieurs facteurs sont des contributeurs majeurs pour ces deux types de manifestations. Les injustices économiques, le haut taux de chômage chez les jeunes, l’incapacité de la théocratie à répondre aux besoins fondamentaux des couches les plus pauvres de la société, la richesse astronomique engrangée par l’oligarchie des mollahs et des Gardiens de la révolution, la corruption administrative, la discrimination ethnique, la violence quotidienne contre les femmes etc. Tous ces problèmes sont, comme le disent les Iraniens, des couteaux dans leurs os. En d’autres termes, les Iraniens sont arrivés au point où ils ne peuvent plus supporter ce régime et ce régime ne peut plus gouverner.
Même si ces facteurs sont tous valides, ils ne suffisent pas à expliquer l’intensité et la pérennité des manifestations. Il faut comprendre ses racines, c’est-à-dire quand la dictature religieuse a commencé en 1979.
Dans notre examen de son histoire, nous pouvons voir une société oppressée dont le potentiel explosif a été étouffé sous un contrôle systématique des forces des renseignements et de sécurité du régime pendant des années. Mais étant donné la situation socio-économique particulière actuellement, ces forces ont perdu tout leur pouvoir et ne sont pas capables de contrôler le pays.
Voici un des rapports d’Amnesty International :
« Les défenseurs des droits humains veulent la vérité, la justice et la réparation pour des milliers de prisonniers qui ont été sommairement exécutés ou qui ont disparu dans les années 80. Ces défenseurs doivent faire face à un nouveau niveau de vengeance de la part des autorités. » (Amnesty International, le 2 août 2017)
Cet appel ne concerne pas seulement les familles des victimes ou les défenseurs des droits humains, il concerne aussi une grande partie de la population, dont la nouvelle génération du pays :
« Les défenseurs des droits humains visés pour chercher la vérité et la justice, dont les jeunes défenseurs des droits humains nés après la révolution de 1979 qui utilisent les réseaux sociaux et d’autres plateformes en ligne pour discuter des atrocités du passé, ont assisté un rassemblement commémoratif à Khavaran. » (Amnesty International, le 2 août 2017)
« Khavaran » se situe au sud-est de Téhéran et est connue pour ses 120 à 190 tombes collectives. Cet endroit marque l’enterrement collectif des victimes du massacre de 1988, dont les corps ont été déposés et enterré là en toute hâte à l’époque.
« La nouvelle répression fait suite à des appels réitérés pour effectuer une enquête concernant les meurtres de plusieurs milliers de prisonniers politiques lors d’une vague d’exécutions extrajudiciaires dans le pays pendant l’été 1988. » (Amnesty International, le 2 août 2017)
Cela fait un peu plus de trois mois que nous avons fait notre analyse, qui a été effectuée pendant l’été 2017 jusqu’en hiver 2018, mais avec un aperçu plus précis, il s’agit d’une analyse de 30 ans d’histoire qui est la source des manifestations actuelles. Pendant tellement d’années, le régime a essayé de cacher de nombreuses choses, dont l’enterrement collectif des victimes du massacre de 1988 à Beheshte Reza (au sud de Machhad), la liste des moudjahidines du peuple d’Iran exécutés dans les années 80 à Kazerun, la pendaison des prisonniers politiques à Ispahan en 1988, etc.
La colère et les rébellions dont nous sommes témoins à travers le pays deviennent de plus en plus importantes et irréversibles chaque jour. Elles symbolisent le sacrifice et le sang de nombreux hommes et femmes qui, il y a 30 ans, ont promis la liberté aux Iraniens oppressés par la tyrannie et le régime sanguinaire des mollahs.
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