Les Observateurs - Déjà célèbre en Iran, Voria Ghafouri, le défenseur de l'Esteghlal Téhéran Football Club, est devenu un véritable héros après avoir critiqué sur Instagram la crise économique que traverse son pays, ayant conduit à une flambée des prix des denrées alimentaires.
Fait rare, des supporters ont ensuite exprimé leur soutien au joueur lors d’un match le 20 février, alors que sport et politique se mêlent rarement en Iran.
Le 14 février, le footballeur a critiqué avec virulence le ministre des Affaires étrangères iranien, Mohammad Javad Zarif, sur son compte Instagram : "Monsieur Zarif, vous qui dites que vous êtes fier d’être sous pression à cause de la Palestine, du Liban, du Yémen et de la Syrie, sachez que ce n’est pas vous qui êtes sous pression, ce sont les gens normaux qui sont sous pression."
Faisant allusion à la crise économique traversée par l’Iran et aux sanctions imposées par les États-Unis, le ministre avait déclaré deux jours plus tôt : "Aujourd’hui, nous sommes tous sous pression." Il avait également dit que les Iraniens étaient "fiers de défendre le peuple palestinien".
Cette crise économique est causée en partie par les sanctions américaines. Selon le Centre national de statistiques iranien, les prix des denrées alimentaires dans les épiceries ont augmenté de 20 à 250 % selon les produits en 12 mois.
La déclaration de Voria Ghafouri n’a pas plu aux autorités. Le 18 février, le guide suprême iranien Ali Khamenei a critiqué "les sportifs qui profitent de la sécurité du pays", notamment pour s’entraîner, en les appelant à "ne pas oublier comment cette sécurité était garantie". Par ailleurs, le footballeur a également été convoqué par le ministre des Sports.
"Vous dites ce que les gens disent"
En revanche, la déclaration de Voria Ghafouri a plu aux supporters de football. Le 20 février, le public présent dans le stade Azadi, à Téhéran, a ainsi commencé à chanter pour manifester son souitien au sportif, lors d’un match entre le l'Esteghlal Téhéran Football Club (actuellement à la cinquième place au sein de la ligue professionnelle iranienne) et le Pars FC.
En revanche, la déclaration de Voria Ghafouri a plu aux supporters de football. Le 20 février, le public présent dans le stade Azadi, à Téhéran, a ainsi commencé à chanter pour manifester son souitien au sportif, lors d’un match entre le l'Esteghlal Téhéran Football Club (actuellement à la cinquième place au sein de la ligue professionnelle iranienne) et le Pars FC.
Shahin (pseudonyme), un supporter de l'Esteghlal Téhéran Football Club, était présent lors de ce match :
Ce chant était prévu : nous nous étions organisés entre supporters sur les réseaux sociaux, comme Telegram, pour exprimer notre soutien à Voria Ghafouri à la 21e minute du match, car il porte le numéro 21.
Ce chant était prévu : nous nous étions organisés entre supporters sur les réseaux sociaux, comme Telegram, pour exprimer notre soutien à Voria Ghafouri à la 21e minute du match, car il porte le numéro 21.
À ce moment-là, nous avons donc commencé à chanter des slogans, tels que "Voria, Voria, on te soutient" ou encore "Bravo Voria, tu es la voix du peuple". Ça a duré trois ou quatre minutes.
Habituellement, les fans de football en Iran ne sont pas impliqués sur le plan politique. Même en 2009, lors du Mouvement vert, les stades de football étaient généralement calmes.
Mais cette fois, les supporters ont décidé de soutenir Voria Ghafouri, car sa déclaration n’était pas directement politique : il a simplement parlé de la crise économique qui affecte de nombreux Iraniens. Or, beaucoup de fans de football ne sont pas riches et n’appartiennent même pas à la classe moyenne. Voria Ghafouri a donc parlé au nom de tous. De plus, ils l’ont soutenu car ils avaient peur que la fédération de football l’exclue, puisqu’il a été convoqué par le ministre des Sports. L’objectif était donc de montrer que nous étions derrière lui.
Avec les réseaux sociaux, les supporters sont de plus en plus intéressés par ce qu’il se passe au niveau politique, économique et social : je pense qu’une évolution s’est produite au cours des dernières années.
Le lendemain du match, Voria Ghafouri a indiqué dans les médias qu’il avait eu une "conversation amicale" avec le ministre des Sports. Il a également déclaré que sa publication sur Instagram n’était pas motivée par des raisons politiques : "Je voulais juste donner de l’écho à un sujet dont les gens parlaient déjà, le coût de la vie. Nous devrions avoir honte lorsque nous voyons des gens faire la queue pour avoir de la viande. En tant que journalistes, c’est aussi votre rôle de diffuser ces images. Ce que j’ai dit correspond simplement à la réalité. Je ne vais pas arrêter d’en parler."
D’autres footballeurs ont depuis affiché leur soutien à Voria Ghafouri, à l’image de Alireza Jahanbakhsh, qui joue en équipe nationale et au sein du club Brighton & Hove Albion. Sur Instagram, il a ainsi déclaré : "Les vraies personnes n’ont jamais peur de dire la vérité." (voir publication ci-dessous, en haut à gauche)
Le 21 février, des personnes qui assistaient à un match de volleyball de seconde division à Marivan (ouest) ont également scandé le nom de Voria Ghafouri en guise de soutien (voir vidéo ci-dessous).
Au cours des quatre derniers mois, le prix de la viande a plus que doublé, selon la télévision d’État iranienne, en raison de l’inflation. En février, le prix de l’agneau et du bœuf a ainsi atteint 105 000 tomans le kilo (soit 7,50 euros), alors que le salaire minimum mensuel est de 1,3 million toman environ (soit 93 euros).
Afin de limiter l’augmentation des prix, le gouvernement iranien importe et vend désormais de la viande dans des magasins à des prix subventionnés : le kilo de bœuf et d’agneau coûte 29 000 tomans (soit 2 euros), et le kilo de poulet 11 500 tomans (soir 0,80 centimes d’euros).
Récemment, des milliers d’Iraniens se sont rendus dans les magasins vendant cette viande à prix subventionnés, faisant la queue durant des heures pour l'acheter.
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