Ingrid Betancourt au Colloque du Comité parlementaire pour un Iran démocratique à la salle Colbert de l’Assemblée nationale le 21 février 2019, intitulé « Iran : perspectives en 2019 », en présence de Maryam Radjavi, présidente élue de la résistance iranienne, de députés et de personnalités.
La nécessité d’une politique de fermeté par l’Union européenne vis-à-vis des menaces terroristes du régime iranien, la détérioration de la situation des droits de l’homme en Iran et la nécessité de soutenir le combat du peuple iranien pour le changement de régime, ont été les questions abordées lors de cette réunion qui a vu la participation de nombreux députés et personnalités françaises.
Voici l’intervention d’Ingrid Betancourt.
« C'est avec une grande émotion que je me retrouve à nouveau parmi vous. M. le député Chassaigne nous rappelait ces moments après ma libération où j'ai été reçue, je vois des visages qui me sont familiers, à un moment tellement extraordinaire de la libération. Et c'est pour cela que je sens cette vibration très spéciale de venir parler devant vous alors que je sais combien je vous dois, que je sais l'importance que vos mots, vos attitudes, votre engagement ont eu pour la préservation de ma vie et aussi pour la récupération de ma liberté.
C'est en ce sens que je dimensionne la capacité que vous avez de faire changer les choses pour un pays comme l'Iran.
C'est en ce sens que je dimensionne la capacité que vous avez de faire changer les choses pour un pays comme l'Iran.
Attentat
Je voulais d'abord vous remercier de cette invitation, vous dire que c'est un moment de réflexion pour moi. Nous étions avec Mme de Vaucouleurs et M. Gosselin il y a quelques mois de cela à Villepinte.
Nous venions parler de cet engagement que nous avons pour un Iran libre. Et nous avons su par la suite qu'il y avait eu un attentat pour tuer Mme Radjavi, mais nous serions tous morts au passage.
Réflexion parce que la question que nous devons nous poser est bien sûr celle du pourquoi ? Pourquoi un attentat dans les conditions dans lesquelles cela s'est fait ? Quel est le but de faire disparaître Mme Radjavi, de faire disparaître le Conseil national de la résistance iranienne, de nous faire disparaître nous tous qui soutenons la possibilité d'un Iran démocratique et libre ? Je crois que la réponse est simple, mais parfois il faut la rappeler : c'est que les mollahs veulent convaincre le monde qu'il n'y a qu'un interlocuteur viable en Iran et c’est eux. Que tout autre possibilité, que tout autre option n'existe pas et que sans eux, ce serait vouer l'Iran au chaos. Sachant combien la communauté internationale est frileuse face à la possibilité qu'un pays comme l'Iran – avec les ressources de l'Iran, avec la position stratégique de l'Iran – tombe dans une espèce de révolution sans aucun sens, elle tient à faire valoir le fait qu'il vaut mieux eux [les mollahs] dans cette dictature, dans cette horreur pour 80 millions d'Iraniens, que la possibilité d'un changement.
Désinformation
Alors élimination physique évidemment, élimination de l'espoir. Pourquoi ? Parce que c'est un régime qui est au bord du gouffre, qui se sent déstabilisé, qui doit faire face tous les jours à des émeutes, a des grèves, à des soubresauts sociaux, à des résistances de la population contre la faim, contre le chômage. Mais c'est aussi et surtout une élimination morale. Je crois que dans nos pays de liberté, de liberté d'expression, de réflexion, d'esprit critique, nous devons prendre nos cuirasses mentales, nos catégories de réflexion, pour faire face à une stratégie très pernicieuse de désinformation, de manipulation, de calomnies, de fake news, de diabolisation en vue de justement nous faire croire à nous tous, qui sommes des citoyens libres, que pour notre intérêt, il vaut mieux composer avec la dictature des mollahs.
Je dis cela parce que depuis longtemps je suis sensible à la présence de ces lobbys qui essaient de nous faire croire qu'on n'a pas le droit de parler, que si l'on parle on est en risque physique de payer les conséquences de nos paroles, que l’on va être accusés de toutes sortes de choses, parce que nous avons la possibilité de dire ce que nous pensons.
Souvent je me suis rendu compte qu'il suffit d'une seule personne, dans des entités, que ce soient des organisations internationales, que ce soit dans les médias, que ce soit même dans les parlements, une seule personne suffit pour mettre en mouvement ce poison, ces calomnies qui vont faire germer le doute et qui en faisant germer le doute, vont nous enlever ce qui est la force de toute résistance, c'est-à-dire l'espoir, grâce à la vérité, grâce à l'absolue certitude que l'on défend ce qui doit être défendu, que l'on est dans le vrai.
Souvent je me suis rendu compte qu'il suffit d'une seule personne, dans des entités, que ce soient des organisations internationales, que ce soit dans les médias, que ce soit même dans les parlements, une seule personne suffit pour mettre en mouvement ce poison, ces calomnies qui vont faire germer le doute et qui en faisant germer le doute, vont nous enlever ce qui est la force de toute résistance, c'est-à-dire l'espoir, grâce à la vérité, grâce à l'absolue certitude que l'on défend ce qui doit être défendu, que l'on est dans le vrai.
Terrorisme
Alors il y a un constat à faire : dans le régime iranien, la diplomatie iranienne fait partie d'un système de mise en place d'actions terroristes. Ce ne sont pas des roues libres. Ce ne sont pas des individus occasionnels qui de façon individuelle se rendraient coupables de machination qui n'aurait pas de sens dans une stratégie globale. Non, il s'agit d'une politique nationale du régime des mollahs, qui est celle d'utiliser tous les moyens, dont le terrorisme, pour faire face à ce qu'ils craignent le plus, c'est-à-dire la possibilité d'un changement de régime.
Ce constat, c'est aussi le constat de la France, du Quai d'Orsay français, du gouvernement du président Macron qui a tenu à prendre position avec l'Union européenne pour sanctionner le ministère du
Ce constat, c'est aussi le constat de la France, du Quai d'Orsay français, du gouvernement du président Macron qui a tenu à prendre position avec l'Union européenne pour sanctionner le ministère du
Renseignement iranien ; euphémisme évidemment puisqu'on ne peut pas sanctionner un ministère sans immédiatement montrer du doigt les leaders de ce gouvernement, et donc de haut en bas depuis Khamenei en passant par Rohani et tout le système de cette dictature corrompue.
Constat de ce terrorisme qui n'est pas une accusation, qui est une réalité prouvée par les services de sécurité des pays européens avec des faits qui sont prouvés, on l’a mentionné ici, Mme Radjavi l'a fait, en Albanie en mars 2018, en France en juin, et nous y étions, au Danemark en septembre. Et des diplomates iraniens ont été mis en cause directement comme coupables de ces attentats qui heureusement n'ont pas eu lieu, ont été déjoués par les services de renseignements européens, notamment français, belges, allemands, et qui ont permis de montrer ce visage qui est celui véritablement d'un Iran qui fait du terrorisme, sa diplomatie.
Sa façon de se mouvoir dans le monde, c'est de nous dire à nous peuples libres, que si nous ne pactisons pas avec lui, sa diplomatie est au service de son terrorisme, terrorisme qu'on a vu en Syrie, au Yémen, que nous avons vu avec Al Qaïda, dont les membres sont hébergés en Iran encore, et par cette façon de faire qui l'unit fortement au terrorisme que nous combattons, celui de Daech, et ce terrorisme que nous avons vu ici en France avec des actes de terrorisme.
La transition
Ce terrorisme à deux volets. Un volet dur, celui de tuer. Un volet doux, celui de désinformer. Alors première désinformation : on dit il n'y a pas de possibilité de faire une transition vers une démocratie, il n'y a que nous. Évidemment c'est faux, puisque nous comptons avec le Conseil national de la résistance iranienne, qui est un parlement en exil, de 500 membres élus démocratiquement, qui de leurs voix ont élu majoritairement Mme Radjavi pour être la présidente intérimaire de cet Iran que nous espérons. Donc il n'y a pas de vide de pouvoir. Il n'y a pas de chaos.
Il y a une structure démocratique mise en place pour permettre aux Iraniens d'avoir des élections libres qui leur permettront de construire une démocratie selon les bases d'un programme que Mme Radjavi depuis des années répète sans se lasser, qui est celle d'une démocratie séculaire, où les droits de l'homme seront respectés. Un Iran de paix qui cherchera la paix et non pas avec des ambitions d'armes nucléaires, qui sera un partenaire de paix dans la région, et on en a besoin, et qui sera aussi et surtout pour nous les femmes un Iran respectueux des droits des êtres humains, avec une égalité entre les hommes et les femmes, que nous voyons tous les jours à travers l'organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran dont les femmes ont un rôle central, pas simplement des discours, nous le voyons dans la façon dont cette organisation travaille.
Gouvernement américain
On nous dit par ailleurs, et cela fait partie de cette désinformation mise en place par le gouvernement iranien : ce Conseil national de la résistance iranienne est en fait une organisation sous la houlette de M. Trump. Alors c'est très intéressant parce que lorsque je me suis intéressée à cette résistance il y a bien des années, le régime iranien avait une autre version des faits. On nous le présentait comme une organisation terroriste communiste. Évidemment ça me faisait quelque chose, puisque je venais de passer 7 années dans les mains d'une organisation terroriste communiste. Donc rien de tel pour me mettre à distance de Mme Radjavi.
Sauf que l'expérience est là, et lorsque nous faisons de la politique nous le savons, une des armes préférées de nos contradicteurs c'est souvent la diffamation. On prend l'habitude en faisant de la politique de ne jamais prendre les choses comme on nous les présente. On va toujours vérifier. Je suis très heureuse d'avoir vérifié puisque cela fait des années que je compte avec l'amitié de Maryam que j'admire profondément.
Je pense qu’il faut recadrer toute cette désinformation avec ce qui se passe aujourd'hui. Il est vrai que le président Trump est un allié de cette cause, heureusement, je trouve que c'est une des choses qu’il fait bien. Mais il faut aussi dire que cette cause, et c’est rare en ce moment aux États-Unis, est une cause qui compte avec le consensus de toutes les forces américaines. Quand on voit le spectre politique américain, que ce soit Mme Nancy Pelosi ( Présidentes de la chambre des représentants des Etats-Unis- démocrate) jusqu'à Rudy Giuliani qui travaille avec M. Trump, en passant par M. Kennedy,
M. Torricelli et d'autres démocrates en vue qui ont été parlementaires aux États-Unis, que l'on aille aussi à John Bolton qui travaille avec le gouvernement Trump, ils sont tous d'accord sur le fait que, c'est un consensus dans une pluralité politique, il y a aujourd'hui une alternative à la dictature des ayatollahs et cette alternative à un nom, elle s'appelle Mme Radjavi.
Je voudrais mettre simplement cette pluralité en perspective, pluralité que vous avez ici au CPID (Comité parlementaire pour un Iran démocratique), qui est la même pluralité qu'aux États-Unis. En France, toutes les forces sont aussi présentes dans ce Comité parlementaire pour un Iran démocratique, et c'est aussi une preuve que cette désinformation n'a pas de base, n'a pas de prise.
Maryam Radjavi
Qui est Mme Radjavi ? C'est d'abord une femme qui s'est battu très jeune contre le régime du chah d'Iran. Elle a commencé sa lutte pour la démocratie il y a très longtemps, très jeune. C'est aussi une femme qui a perdu nombre des membres de sa famille, qui est devenue le visage visible de cette résistance aux ayatollahs, une façon que je trouve assez exceptionnelle, et je comprends l'énervement et la vexation que peut subir le régime très misogyne des mollahs, de penser que ce sera une femme qui fera la transition de leur régime misogynie, dictatorial, cruel et terroriste vers une transition démocratique, pluraliste en Iran.
Culte de la personnalité, entendons-nous dire aussi contre Mme Radjavi. Vous savez lorsque je suis revenu de captivité, j'ai été aidée psychologiquement par des personnes parce que ce n'était pas facile de revenir après tant d'années dans un monde qui avait changé, avec des pressions. Les choses étaient différentes par rapport au monde que j'avais connu, et je me souviens - c'est quelque chose que je voudrais partager avec vous - le professionnel qui m'aidait à un moment donné m'explique qu’en général les critiques qui sont faites, que ce soient des critiques personnelles ou institutionnelles révèlent bien plus de celui qui émet les critiques que de celui qui est critiqué.
Parce qu'il y a un processus psychologique qui est celui de vouloir cacher ce que l'on est en accusant l'autre de ce qu'on n'a pas envie de révéler de soi-même. Pour moi c'est une catégorie de réflexion qui m'aide beaucoup à comprendre ce genre de pressions idéologiques. Parler d'un culte de la personnalité lorsqu'on connaît Mme Radjavi, ça fait rire. Par contre parler du culte de la personnalité des mollahs, c'est quelque chose de tellement évident, on n'a pas véritablement besoin de l'expliquer.
Ce qui a changé
Ce qui a changé
Beaucoup de choses ont changé depuis des années. Aujourd'hui, l'OMPI est un mouvement reconnu qui a été enlevé des listes d'organisations terroristes des pays européens, des États-Unis, et qui avait été inclus dans cette liste terroriste comme échange et tractations de gouvernements passés pour obtenir de l'Iran des bénéfices économique. Heureusement que dans nos pays il y a la justice. Heureusement qu'à travers la justice, on peut faire face à ce genre de manipulation.
Les choses ont changé. Aujourd'hui nous savons que nous pouvons faire face à ce genre de désinformation puisque que l'OMPI est véritablement reconnue comme un mouvement démocratique et un mouvement respectable.
Les choses ont changé. Aujourd'hui des terroristes, ce sont les diplomates iraniens, ce ne sont plus les membres du Conseil national de la résistance.
Les choses ont changé. Aujourd'hui la presse parle de ce qui se passe en Iran. Il y a cinq ans, avec le même nombre d'exécutions, les mêmes exactions du gouvernement iranien, tout été passé sous silence. Aujourd'hui, nous l'avons vu, les syndicats aussi se mobilisent. Nous avons eu le 11 février de cette année, pour la commémoration des 40 ans du régime iranien, une lettre de personnalités françaises, des personnes de grande renommée, je pense à Cohn-Bendit parce que je l'aime beaucoup, mais il y en avait d'autres, qui s'insurgeaient contre le fait que ce gouvernement continue d'imposer sa dictature, sa tyrannie au peuple iranien.
Appel
Et donc mon appel aujourd'hui à vous tous, élus français, voix du peuple de France, en sachant ce que vous avez été pour moi, la façon dont vous m'avez protégée, dont vous vous êtes engagés pour moi, et l'effet que cela a eu sur ma vie et sur ma liberté, je vous appelle à être la voix du peuple iranien. À être cette voix qui questionne, qui pose les bonnes questions. Je me félicite par exemple, que dans un communiqué que j'ai lu, Michèle de Vaucouleurs, vous avez regretté le fait qu'un groupe de parlementaires soit allé en Iran et n'ait pas posé des questions sur par exemple l'attentat de Villepinte, alors que ça s'était fait quelques jours auparavant. Qu'il n'y ait pas eu de mise en cause des exécutions sommaires en Iran, des incarcérations de travailleurs, de journalistes, de femmes en Iran.
Je vous demande donc à vous qui parlez au nom des Français, de prendre la voix du peuple français pour poser les bonnes questions, celles de dire : jusqu'à quand allons-nous continuer de croire que notre seul interlocuteur légitime est la tyrannie des mollahs ? Nous avons aujourd'hui la possibilité de compter sur cette femme extraordinaire, mon amie, Mme Radjavi, qui est là pour faire cette transition. Posons les bonnes questions.
Je pense que c'est en révélant la vérité que nous pourrons nous, d’ici, de France, aider le peuple iranien à retrouver sa liberté. »
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