Human Rights Watch - Après la révolution de 1979, la constitution iranienne prévoit des libertés limitées pour les minorités religieuses et ne reconnaît pas la communauté bahaïe, qui compte plus de 300 000 membres dans le pays.
Au lieu de cela, pendant quatre décennies, la République islamique a régulièrement harcelé, poursuivi et emprisonné les bahaïs uniquement pour avoir pratiqué leur religion. Entre autres choses, le gouvernement restreint sévèrement le droit des bahaïs à l’éducation, notamment en interdisant à ses étudiants de s’inscrire dans les universités et en les expulsant si leur identité est découverte.
Cependant, plusieurs décisions de justice récentes, ayant abouti à l’acquittement de bahaïs sur de vagues accusations de sécurité nationale, ont conduit certains à se demander si ce flagrant comportement discriminatoire pourrait enfin s’atténuer.
Le 9 janvier, des défenseurs des droits humains ont publié le verdict rendu par une cour d'appel de la province d'Alborz, qui avait acquitté un citoyen bahaï condamné à sept mois de prison ferme pour « propagande contre l'État ». Le juge a déclaré que « tout prosélytisme en faveur de la foi bahaïe ne peut pas être considérée comme une propagande contre l'État et, fondamentalement, la loi ne criminalise pas la croyance en la foi bahaïe pour justifier la poursuite et la punition d’individus sur lesquels pèse une telle accusation ».
Quelques jours plus tard, le 13 janvier, le site Internet de HRANA a annoncé qu'une cour d'appel de la province du Kurdistan avait acquitté une femme bahaïe condamnée à un an de prison pour des chefs d'accusation similaires. Un jour plus tard, HRANA a publié les résultats d'un autre cas d'acquittement dans la ville de Chiraz, dans la province de Fars. Cette année, un tribunal de première instance avait acquitté treize bahaïs arrêtés pour avoir fermé leurs magasins, lors d’un jour férié bahaï, l’année précédente. Ils avaient été accusés de « propagande contre l'État ».
C’est peut-être la première fois qu’un tribunal iranien déclare que le prosélytisme en faveur de la foi bahaïe n’est pas un délit. Et plus généralement, les verdicts d’acquittement comme ceux-ci ne sont certainement pas courants dans le cas de citoyens bahaïs. Selon les représentants de Bahaï International, en date du 13 novembre 2018, au moins soixante-dix-neuf citoyens bahaïs étaient en prison. En fait, les autorités ont multiplié les perquisitions et les arrestations de bahaïs à travers le pays en août et septembre 2018.
Bien que les affaires judiciaires récentes soient des mesures encourageantes pour corriger le préjudice durable que subissent les bahaïs en Iran, il y a très peu de choses qui suggèrent un réel changement d’approche de la part du pouvoir judiciaire iranien. Cependant, ces décisions suggèrent un changement de société moins visible dans lequel les acteurs politiques dénoncent la persécution des bahaïs.
Au lendemain des élections présidentielles de 2009, les autorités iraniennes ont condamné des centaines de militants du Mouvement Vert à des peines de prison. Les sept dirigeants iraniens de la communauté bahaïe ont été incarcérés dans les prisons d’Evine et de Rajaï Chahr. Avance rapide jusqu'en 2016 : Fariba Kamal Abadi, l'une des dirigeantes bahaïes détenue, a obtenu une permission de sortie temporaire. Faezeh Hashemi Rafsanjani, ancienne membre du Parlement et fille du défunt président Akbar Hashemi Rafsanjani, qui avait rencontré Abadi alors qu'elle se trouvait également dans la prison d'Evine en 2012, lui a rendu visite à son domicile. Ce rare acte de solidarité avec les dirigeants bahaïs a suscité de vives critiques, notamment de la part de son père.
En septembre 2018, des groupes bahaïs ont signalé qu’au moins cinquante étudiants bahaïs se sont vus refuser la possibilité de s’inscrire dans les universités en raison de leur religion. L’origine d’une longue discrimination aussi flagrante remonte à un règlement de 1991 du Haut Conseil de la révolution culturelle, organisme chargé de définir les politiques en matière d’éducation, qui charge les autorités d’expulser les étudiants bahaïs des établissements d’enseignement supérieur. Mahmoud Sadeghi, député de Téhéran, a déclaré : « C'est une violation du droit à l'éducation et une violation de la Constitution iranienne », a déclaré Mahmoud Sadeghi.
De même, après l'arrestation de douze bahaïs à Chiraz par les autorités fin août 2018, Mehdi Hajati, membre du conseil municipal de la ville, a tweeté : « Ces dix derniers jours, j'ai fait de mon mieux pour obtenir la libération de deux amis bahaïs mais cela n’a pas marché. Face à l'ennemi étranger, notre génération a le devoir de faire de son mieux pour réformer les processus judiciaires et les autres problèmes qui menacent la justice sociale ». Les autorités judiciaires ont arrêté Hajati pendant dix jours et l'ont depuis suspendu de son siège au conseil municipal pour sa déclaration de soutien.
Les tentatives des iraniens intransigeants pour punir sévèrement les politiciens qui soutiennent les bahaïs semblent toutefois ne pas être parvenues à stopper les nouveaux appuis en faveur des droits des bahaïs. Et maintenant, ce soutien provient d'une des sources les plus improbables : le système judiciaire iranien, normalement la pierre angulaire de la répression plutôt que le champion du changement.
La récente vague des décisions judiciaires en faveur des bahaïs faisant l’objet d’accusations manifestement injustes est un motif d’optimisme prudent quant au fait que les opinions de la société et des institutions sur le traitement discriminatoire des bahaïs commencent à changer. Un tel changement se fait attendre depuis longtemps et les Iraniens à l'esprit réformiste devraient intensifier leurs appels en vue de mettre fin à cette discrimination honteuse et aux abus qui durent depuis longtemps contre toute une communauté, uniquement à cause de leur foi.
Source : Humain Rights Watch
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