samedi 11 avril 2020

RSF : Récit de la répression contre la liberté de l'information en Iran depuis le 1er janvier 2020


RSF iranReporters sans frontières - RSF condamne l’arrestation le 2 avril 2020, d’Amir Chamanii, journaliste et défenseur des droits des ouvriers.
Selon ses proches, il a été convoqué par la cyberpolice iranienne (FTA) de Tabriz dans le nord ouest du pays au lendemain de la publication de plusieurs tweets sur la situation sanitaire dans les prisons iraniennes et la révolte des prisonniers dans plusieurs établissements pénitentiaires dont celui de Tabriz. Le journaliste a été placé en détention sans que le motif de son arrestation ne lui soit signifié ainsi qu’à sa famille. Alors qu’une décision de prolonger sa détention a été prise le 5 avril, le journaliste a été au même moment transféré au centre détention du renseignement des gardiens de la révolution.

Des journalistes libérés, d’autres en grand danger
Suite à un décret du chef du pouvoir judiciaire en date du 26 février 2020, et à l’occasion du nouvel an iranien, des milliers de prisonniers ont été libéré ou ont bénéficié d’une libération conditionnelle. Parmi eux, plusieurs journalistes et journalistes-citoyens dont les collaborateurs du site d’information Majzooban Nor, Reza Entesari, Sina Entesari, MohammadReza Darvishi, Amir Nouri, Saleholldin Moradi et Massoude Kazemi. Quatre autres journalistes de ce site demeurent derrière les barreaux. Quant à la journaliste Hengameh Shahidi, elle a pu bénéficier d’une permission médicale et est actuellement en liberté conditionnelle.
Avec la propagation du covid -19 en Iran, la situation des prisonniers est devenue critique. Plusieurs journalistes malades et privé de soins, dont le lauréat du prix RSF 2017 dans la catégorie journaliste-citoyen, Soheil Arabi, qui a entamé une grève de la faim depuis le 4 avril pour protester contre ses conditions de détention, ou la journaliste et militante des droits humains Narges Mohammadi sont en danger de mort. La mère de Narges dans une troisième lettre au chef du système judiciaire a confirmé « non seulement la santé de ma fille s’est encore dégradée, mais en plus nous sommes sous la pression [des forces des sécurité] pour garder le silence. »
07.04.2020 - Les journaux interdits d’impression
Le Siège national de gestion du Covid-19, qui est l’organe gouvernemental de lutte contre le coronavirus, et le département de la presse du ministère de l’Orientation et de la culture, ont annoncé dans un communiqué que « les journaux papiers ne seront plus imprimés jusqu’à nouvel ordre ». Officiellement, cette décision a été prise pour respecter la distanciation sociale décidée par les autorités, car « la diffusion des journaux et des magazines imprimés nécessite le rassemblement d’individus, de journalistes, d’imprimeurs et de distributeurs, or ces mouvements peuvent potentiellement favoriser la propagation du virus ».
La décision des autorités va prolonger la période traditionnelle de non distribution de la presse pendant la fête du nouvel an (de 20mars au 2 avril) en Iran. Le communiqué officiel conseille par ailleurs aux journaux de « recourir à leur capacité de diffusion sur internet et les réseaux sociaux pour renforcer l’information et la pédagogie contre le coronavirus”.
Cette décision a provoqué de nombreuses protestations parmi les journalistes, collaborateurs de médias et directeurs des journaux. Le député de la ville de Téhéran au parlement et le directeur de quotidien Etemad, Elias Hazrati, a notamment évoqué dans une lettre ouverte au président de la République, « les crises économiques qui ont frappé les journaux ces dernières années et mis au chômage de nombreux journalistes et collaborateurs», et a demandé de « mettre en place des protocoles techniques et sanitaires pour permettre aux journaux de continuer de publier. » Elias Hazrati a lui même été contraint de licencier plusieurs journalistes de l’Etamd online la semaine dernière.
18.03.2020 - l’avocate Nasrin Sotoudeh en grève de la faim dans sa prison
Nasrin Sotoudeh, avocate de plusieurs journalistes et lauréate en 2012 du Prix Sakharov "pour la liberté de l'esprit », a entamé une grève de la faim le 16 mars pour protester contre sa situation et celle des prisonniers politiques dans la prison d’Evin. Elle explique sa décision dans une déclaration « en cette période de crise et d’épidémie de coronavirus, la libération des prisonniers d'opinion, notamment des femmes détenues dans des dortoirs collectifs dans la prison d'Evin, est une nécessité nationale. (…) Du fait que toutes mes demandes de libération des prisonniers sont restées sans réponse, je n'ai pas d'autre choix que la grève de la faim. »
Emprisonnée depuis le 13 juin 2018, Nasrin Sotoudeh a été condamnée par le tribunal de la révolution de Téhéran à 33 ans de prison, dont une peine de sûreté de 12 ans, pour « incitation à la débauche », et à 148 coups de fouet. RSF déjà a exprimé sa grande inquiétude pour la vie des journalistes iraniens emprisonnés, qui sont en grand danger depuis que le coronavirus s'est propagé dans les prisons.
17.03.2020 – Deux journalistes condamnés à trois ans de prison chacun
Les journalistes-citoyens Zoreh Sarve et Sina Monirzadeh ont été condamnés le 11 mars, la 26e chambre du tribunal de la révolution de Téhéran, à une peine de trois ans de prison chacun, et à lire l’interprétation d’une sourate du Coran. Ils devront ensuite collaborer activement avec les milices iraniennes pendant quatre mois. Reporters sans frontières (RSF) proteste fermement contre ces condamnations.
Arrêtés le 23 décembre pendant le mouvement de protestation populaire, les deux journalistes ont été accusés «d’insulte envers le fondateur du régime», de « propagande contre le régime » et de « réunions et de complot contre la sécurité nationale ».
Tous deux étaient très actifs sur les réseaux sociaux. Ils utilisaient des pseudos pour rester anonymes, mais ont été identifiés par la cyberpolice iranienne.
Sina Monirzadeh est détenu à la prison d’Evin, et Zoreh Sarve à la prison pour femmes de Gharchak.
11.02.2020 – Lourde condamnation d’un journaliste
Reporters sans frontières (RSF) condamne fermement la condamnation à huit ans de prison ferme du journaliste, écrivain, et membre de l’Association des journalistes indépendants de Téhéran, Khosro Sadeghi Borjeni. Le journaliste a été accusé en juillet 2018 par la 28e chambre du tribunal de la révolution « d’insulte envers le fondateur du régime», de « propagande contre le régime » et de « réunions et complot contre la sécurité nationale ». Ces accusations portent essentiellement sur ses articles critiques sur la vie des ouvriers et la politique économique de la République islamique. L’avocat du journaliste, qui a été informé du verdict le 2 février 2020, a 20 jours pour faire appel.
10.02.2020 - Libération de deux journalistes-citoyennes
Reporters sans frontières (RSF) a appris la libération le 9 février 2020 de Sepideh Moradi et Shima Entesari, journalistes-citoyennes pour le site d’information indépendant Majzooban Nor, après avoir purgé une peine de deux ans de prison. Arrêtées en février 2018 , elles avaient été condamnées à une peine de cinq ans de réclusion, qui avait été réduite en appel à deux ans de prison.
27.012020 – un journaliste convoqué pour avoir dénoncé la corruption sur Twitter
Reporters sans frontières (RSF) condamne la convocation par le parquet de Téhéran le 26 janvier du journaliste indépendant Pejman Mousavi, accusé de publication de fausses informations.
Pejman Mousavi a dévoilé sur Twitter un système de corruption dans l’attribution de quotas de papier-journal par le ministère de la culture et de l’orientation islamique à des propriétaires de journaux . En s’appuyant sur des documents officiels, il a révélé que plusieurs patrons de presse corrompus avaient reçu des quotas de papier qu’ils n’avaient pas utilisé pour imprimer leurs journaux. Ils auraient en fait revendu ces lots de papier au marché noir, dégageant ainsi d’importants profits illicites. La majorité des bénéficiaires des quotas de papier sont des organes de presse proches du pouvoir.
A l’issue de son interrogatoire, Pejman Mousavi a été laissé en liberté provisoire, jusqu’à la prochaine audience.
17.01.2020 - Arrestation de Hussein Karoubi et durcissement de la résidence surveillée de son père, Medhi Karoubi
Reporters sans frontières (RSF) condamne l’arrestation le 14 janvier de Hussein Karoubi, ancien directeur exécutif du journal Etemad Meli, (suspendu depuis 2009), qui s’était rendu à la prison d’Evin, au lendemain de la visite à son domicile d’agents du ministère des Renseignement, venu l'arrêter pour qu’il purge une peine de six mois de prison ferme, prononcée en mars 2017 par la 28e chambre du tribunal de la révolution.
Cette arrestation fait suite à la publication d’une lettre rédigée le 11 janvier par son père, Mehdi Karoubi, et adressée au président de la République, Hassan Rohani. Propriétaire du journal suspendu Etemad Melli, ancien président du Parlement et ancien candidat à la présidence de la République, Mehdi Karoubi, âgé de 79 ans, est placé en résidence surveillée depuis neuf ans. Dans sa lettre ouverte, il revient sur la déclaration des gardiens de la révolution islamique, qui ont reconnu avoir abattu par erreur un avion ukrainien le 8 janvier dernier, et tué les 176 personnes à son bord. S‘adressant à l’ayatollah Ali Khamenei, Mehdi Karoubi déclare notamment : « en tant que le commandant suprême des forces armées, vous êtes directement responsable de ce désastre. (….) Vous ne remplissez pas les critères ni les conditions définis par la constitution pour être guide suprême. »
Suite à la publication de cette lettre, les conditions de résidence surveillées de Mehdi Karoubi ont été durcies, avec notamment l’interdiction de visites familiales.
Mehdi Karoubi a été illégalement placé en résidence surveillée le 24 février 2011, en même temps que Mir Hossein Mousavi, ancien Premier ministre et propriétaire du journal suspendu Kalameh Sabaz, et son épouse, l’écrivain Zahra Rahnavard. Les deux hommes, qui ont en commun d’avoir tous les deux été des candidats à la présidentielle, sont aujourd’hui privés de tous leurs droits.

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