jeudi 23 avril 2020

Iran : Une militante des droits humains est menacée de mort


narges mohammadi iranCSDHI - La militante des droits humains, Narges Mohammadi, actuellement détenue à la prison de Zanjan, a été menacée de mort par une autre détenue.
L'avocat de Narges Mohammadi, Mahmoud Behzadi Rad, a déclaré à IranWire : « L'une des co-détenues de Narges, qui a été condamnée à mort, a menacé de tuer Narges à plusieurs reprises. Dans sa dernière menace datant d’il y a quelques jours, la détenue a dit que si elle tuait quelqu'un, sa condamnation à mort serait reportée car cela signifierait l'ouverture d'un nouveau dossier. »

Behzadi Rad a déclaré que toutes les récentes demandes légales présentées sur le cas de Mohammadi - y compris la libération conditionnelle, un congé temporaire et le transfert à la prison d'Evine - ont été rejetées, dans le cadre d'un processus qu'il a qualifié d' « illégal » et d' « arbitraire. » Les décisions prises par les autorités judiciaires et pénitentiaires n'étaient pas fondées sur le droit iranien.
L'avocate affirme que la vie de Mohammadi est en danger parce qu'elle est détenue dans un quartier aux côtés de dangereuses criminelles après avoir été transférée illégalement, le 25 décembre 2019, de la prison d'Evine à la prison de Zanjan, où les prisonnières ne sont pas séparées en fonction des crimes qu'elles ont commis. Malgré le fait qu'elle soit une prisonnière politique, elle est détenue, depuis son transfert, dans un quartier avec des criminelles dangereuses.
Mahmoud Behzadi Rad a déclaré qu'il avait pu parler au téléphone avec Mme Mohammadi, qui purge une peine de 16 ans de prison, au sujet de son calvaire. « Narges a dit qu'il y a quelques nuits, la femme s’est approchée du lit de Narges et a menacé de la tuer. Quatorze prisonnières présentes dans la chambre qui ont été témoins de l'incident ont écrit une lettre au bureau du procureur de Zanjan le lendemain matin pour demander de l'aide pour elle. Quelques jours plus tard, la détenue a été convoquée au bureau du procureur, mais à son retour, la femme a hurlé sur Narges et a, à nouveau, menacé de la tuer. »
IranWire a demandé à Behzadi Rad pourquoi les autorités n'avaient pas renvoyé Mohammadi à la prison d'Evine. « J'ai écrit de nombreuses lettres au procureur de Zanjan et à M. Najafi, le procureur adjoint de Téhéran, et j'ai expliqué que ma cliente a été menacée de mort et que sa vie est en danger et que son état de santé n'est pas très bon. Je les ai avertis et leur ai dit qu'ils devraient empêcher le meurtre d'une autre prisonnière d'opinion, mais je n'ai pas reçu de réponse. Malheureusement, le procureur de Zanjan ne m'accepte pas comme avocat de Narges et ne nous autorise même pas à la rencontrer. »
Soulignant que le transfert de sa cliente de la prison d'Evine à la prison de Zanjan était « illégal et basé sur une décision personnelle », Mahmoud Behzadi Rad a déclaré : « Mme Mohammadi ne résidait pas à Zanjan, et son crime n'a pas été commis dans cette ville. Sa famille ne vit pas non plus à Zanjan. On ne sait pas pourquoi elle a été transférée dans cette ville. Elle a souffert d'une embolie pulmonaire dans cette même prison il y a quelques années et elle a été emmenée à l'hôpital. Selon quelle logique et quelle loi a-t-elle été transférée à nouveau dans cette prison ?
Il a ajouté que Mme Mohammadi et sa famille ont écrit à plusieurs reprises à la justice pour demander de l'aide depuis que des menaces de mort ont été proférées contre elle.
La presse a publié une lettre de la mère de Mohammadi, Ozra Bazargan, adressée au chef du pouvoir judiciaire en mars 2020. Elle a écrit que sa fille avait été « sexuellement et physiquement menacée » par une autre prisonnière. Dans sa lettre, Mme Bazargan a souligné que le pouvoir judiciaire est responsable de tout ce qui arrive à sa fille, mais deux mois après l'avoir écrite, les autorités judiciaires n'ont pris aucune mesure - et maintenant Mohammadi a reçu de nouvelles menaces de mort.
Questions sans réponse
Bien que certains prisonniers (hommes et femmes) détenus pour des motifs non violents, y compris des prisonniers et prisonnières politiques, aient été libérés pour endiguer la propagation du coronavirus dans les prisons, Mme Mohammadi n'a pas bénéficié d'une permission de sortie. Les conditions de condition dans la prison de Zanjan sont, comme dans beaucoup d'autres prisons, jugées insalubres. « Nous avons écrit à plusieurs reprises aux autorités judiciaires pour demander une permission de sortie pendant la pandémie de coronavirus, et nous avons demandé que cette permission soit accordée conformément à la loi islamique ; mais cela n'a pas été accepté », a déclaré Behzadi Rad.
« En août 2019, alors que Mme Mohammadi était encore à la prison d'Evin », j'ai écrit une lettre au procureur de Téhéran concernant sa libération conditionnelle », a déclaré l'avocat, notant que selon les autorités judiciaires, sa cliente devait être libérée en septembre de l'année dernière. « Quelque temps plus tard, le directeur de la prison m'a dit qu'elle serait en congé début septembre, un congé de longue durée et qu’elle pourrait ne pas avoir à retourner en prison. Mais malheureusement, cela ne s'est pas produit. »
Behzadi Rad a ajouté : « Selon l'article 58 du code de procédure pénale, tout prisonnier ayant purgé un tiers de sa peine peut demander sa libération en vertu de cette loi, mais malheureusement, malgré notre demande, cela n'a pas été mis en œuvre pour Mme Mohammadi. Lorsque le congé conditionnel est inscrit dans la loi et que Narges a purgé un tiers de sa peine, pourquoi n'y aurait-elle pas droit ? Pourquoi, lorsqu'elle est malade, ne lui a-t-on pas accordé de congé ? Et pourquoi a-t-elle été renvoyée à la prison de Zanjan, où elle est tombée malade, il y a quelques années, et où il a été prouvé que les installations médicales ne sont pas assez bonnes pour la soigner ? Toutes ces questions restent sans réponse. »
Mme Mohammadi, la co-fondatrice et vice-présidente du Centre des défenseurs des droits de l'homme en Iran, purge une peine de 16 ans de prison pour « collusion contre la sécurité nationale » et « propagande contre le régime. » Son appel a été accueilli par la section 54 de la cour d'appel. Elle souffre de paralysie musculaire, un état qui n'a fait qu'empirer en raison des conditions de détention et des pressions qu’elle subit. Son état s'est encore détérioré après son transfert d'Evine à la prison de Zanjan.
Mohammadi a été brièvement libérée de prison après avoir été emmenée à l'hôpital en juillet 2012 et après qu'il ait été décidé qu'elle était « exempte de peine pour cause de maladie » et qu'elle ait payé une caution de 600 millions de tomans [36 900 €].
Mais un an plus tard, elle a dû faire face à de sévères critiques de la part des partisans de la ligne dure et des médias affiliés au régime après sa rencontre avec la responsable de la politique étrangère européenne Catherine Ashton en mars 2014. Elle a été convoquée à plusieurs reprises pour être interrogée par le ministère du renseignement, et le 6 mai 2015, des agents de sécurité ont fait une descente au domicile de Mohammadi et l'ont arrêtée devant ses deux enfants, puis emmenée à la prison d'Evine.
Les autorités ont déclaré qu'elle avait été arrêtée et emprisonnée à la prison d'Evin pour y purger une peine antérieure, mais elles ont ensuite ouvert un autre dossier contre elle. Elle a été accusée de nouveaux chefs d'accusation, « conspiration et collusion contre la sécurité nationale. » Une nouvelle peine de prison a été ajoutée à sa précédente peine de six ans, qui avait été prononcée en 2012 pour « propagande contre le régime » et en raison de son travail avec le Centre pour les défenseurs des droits humains.
Elle a ensuite été condamnée à un total de 16 ans de prison par un tribunal révolutionnaire, et une cour d'appel a confirmé la sentence. Selon le code pénal islamique, au moins 10 ans de cette peine sont exécutoires.
Après confirmation de son verdict par la cour d'appel en octobre 2016, Narges Mohammadi, qui avait déjà été en prison, a écrit une lettre pour sa libération, déclarant qu'elle devrait supporter l'emprisonnement « mais que, jamais elle a considéré cela comme légal, humain ou moral. »
« Je suis une femme de 44 ans qui a été condamnée à 22 ans de prison par la République islamique d'Iran au cours des cinq dernières années, et je sais que ce n'est pas la fin de l'histoire », a-t-elle écrit. « Je suis sûre que ceux qui ont exécuté ces peines dans les tribunaux, ceux qui ont pris le stylo dans leurs mains et noirci la page blanche et ma fière nation savent tous que je n'ai pas commis un péché qui mérite des peines aussi lourdes. » Elle a également déclaré qu'elle soutenait toutes ses actions et qu'elle s'engageait à protéger les droits de l'homme. « Je ne le regrette pas », a-t-elle déclaré.
Trois ans après avoir écrit cette lettre, son harcèlement se poursuit. La prédiction de Narges Mohammadi était correcte : sa peine de prison n'est pas terminée.
Source : IranWire

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