mardi 21 septembre 2021

Face-à-face, trente-trois ans après, mais du bon côté du tribunal

 CSDHI – Il aura fallu trente ans pour qu’ils se retrouvent, face-à-face, mais cette fois c’est le bourreau qui est traduit en justice.

A des milliers de kilomètres de Téhéran et sa banlieue, le procès fleuve – prévu pour deux ans – qui vient de s’ouvrir à Stockholm, retrace 40 années de l’histoire contemporaine de l’Iran. Deux fronts comparaissent. Pour la première fois, la dictature religieuse vient de connaitre une brèche dans son impunité totale depuis sa prise de pouvoir. Elle est sur le banc des accusés.

Dans cette démocratie scandinave, chacun est à sa juste place. Hamid Noury, bourreau bien connu des détenus politiques de la prison de Gohardacht à Karadj, ville tentaculaire voisine de la capitale iranienne, comparait pieds et poings liés.

A la barre des témoins, du bon côté, ceux-là même qu’il a torturés, maltraités, persécuté. Des rescapés non seulement des geôles des mollahs mais aussi d’un massacre commis durant l’été 1988 dans toutes les prisons d’Iran. Un crime contre l’humanité. 30.000 âmes volées, 30.000 jeunesses fauchées. Filles et garçons, qui n’ont eu le temps de devenir hommes et femmes que pour monter à la potence, par dizaines. Si nombreux. Il fallait faire vite, il fallait exterminer. C’était l’ordre écrit de la main de Khomeiny.

Hamid Noury s’affairait entre la sélection, le couloir de la mort, la salle des pendaisons. Le mépris aux lèvres, l’humiliation au bout des doigts, traitant ces femmes et ces hommes d’honneur comme du bétail mené à l’abattoir.

Un témoin raconte : des groupes de 30 cadavres dans des sacs en plastique, balancés dans des camions frigo, partant pour les fosses communes. Nul ne saura où ont été enterré ces milliers de victimes. Aucune famille n’a pu faire son deuil.

Témoigner

Longtemps ces rescapés se sont demandé pourquoi ils étaient restés vivants. Jugeant presque comme une faute d’avoir survécu. Pourquoi ne pas être parti avec tous les autres ? Et aujourd’hui, la réponse surgit, claire, pressante, comme les mots si longtemps retenus au fond de la mémoire : pour témoigner !

La justice indépendante de Suède se penche sur un cas. Les Iraniens y voient la brèche où peut s’engouffrer toute la vérité sur ces 40 années de dictature religieuse cruelle. 40 longues années d’impunité au nom de la sacrosainte complaisance occidentale sur l’autel du commerce, du pétrole et désormais du nucléaire.

Dans ce procès, le bourreau qui a tant tué, tant fait souffrir, se plaint de ne pas avoir reçu de soins médicaux. La privation de soins est une torture officielle en Iran pour faire mourir les détenus à petit feu. Il se plaint que la manifestation des Iraniens devant le tribunal réclamant sa condamnation et celles des dirigeant du régime, est une « torture ». Laisser les prisonniers dans un couloir des heures durant à entendre les hurlements de leurs compagnons déchiquetés par le fouet, est toujours de mise en Iran.

Il a un avocat. Les victimes du massacre ont été jugées en 2 mn, sur leur unique conviction, leur fidélité à l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK), l’opposition démocratique aux mollahs.

Sans avocat. Arrêtés dans une manifestation ou pour distribution de tracts ou vente de journaux, déjà condamnés à de lourdes peines, ils sont repassés devant la commission de la mort. A Téhéran, l’actuel président des mollahs, Ebrahim Raïssi a fait partie de la principale commission de la mort. Ces milliers de morts lui ont servi de marche pied pour atteindre le pouvoir. Plus il a tué et plus il a gravi d’échelons.

Fidélité à la liberté

A cette époque, Noury et consorts ont été interloqués par la fidélité de ces résistants à leur idéal de liberté, des résistants qui n’ont pas hésité à défendre leur adhésion à la défense de la démocratie. Ils n’ont même pas laissé au bourreau le temps de pousser leur tabouret, en sautant eux-mêmes dans le vide, la corde au cou, après avoir crié « Vive Radjavi ! A bas Khomeiny ! » Maître de leur destin et de leur choix jusqu’au bout.

Tant et si bien qu’un témoin favorable à Hamid Noury s’interrogent « pourquoi faire dépendre sa vie d’un nom ? ». Lui, il est vrai est un collabo, il a choisi de se soumettre tout de suite à la bête immonde. Mais des milliers d’autres ont choisi de rester fidèles à leurs principes et à la liberté, à n’importe quel prix, symbolisée dans le leader de la résistance iranienne, Massoud Radjavi.

Le procès de Stockholm va repeindre le tableau de 40 années de lutte pour cette liberté chérie. Espérons que les couleurs seront assez vives pour ouvrir les yeux des gouvernements européens, assez lumineuses pour leur faire choisir de se tenir du bon côté de l’histoire, celle d’un peuple qui mérite sa liberté.

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