mercredi 12 juin 2024

Lettre ouverte des avocats à l’ONUDC : Conditionner la coopération à un moratoire immédiat sur les exécutions liées à la drogue

 Dans une lettre ouverte, quatre avocats et experts juridiques iraniens ont appelé l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à subordonner toute coopération avec la République islamique dans le cadre de la guerre contre la drogue à un moratoire immédiat sur les exécutions liées à la drogue. Les avocats Hossein Raeesi, Tannaz Kolahchian, Mohammad Moghimi, et l’expert en droit international, Nayereh Ansari, affirment qu’une telle action peut réduire le nombre d’exécutions de plus de la moitié, et qu’elle constituera le fondement de l’abolition complète de la peine de mort et de la garantie du droit à la vie en Iran.

Texte intégral de la lettre ouverte

A : Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC)

Objet : Appel à subordonner toute coopération avec la République islamique dans le cadre de la lutte contre la drogue à un moratoire immédiat sur les exécutions liées à la drogue.

L’Iran est l’une des principales voies de transit de la drogue vers l’Europe et l’ONUDC coopère depuis des années avec la République islamique pour limiter l’entrée de la drogue en Europe par les frontières iraniennes. Cette coopération comprend une aide financière, de l’équipement et une formation policière. Et ce, bien que la République islamique utilise la peine de mort comme principale méthode de lutte contre la criminalité liée à la drogue dans ses politiques, sans se soucier des causes profondes de la criminalité et des moyens efficaces de prévenir le trafic de drogue. Aujourd’hui, l’abolition de la peine de mort est reconnue comme l’une des valeurs des Nations unies en matière de droits de l’homme. Pourtant, la République islamique ignore depuis des années les lois internationales en matière de droits de l’homme et a exécuté de nombreuses personnes pour des délits liés à la drogue. Dans le même temps, la coopération avec l’ONUDC n’a pas permis de réduire le nombre de ces crimes, mais a plutôt entraîné une augmentation du nombre d’arrestations et d’exécutions. Ce sont les contribuables des États membres donateurs qui financent ces exécutions par l’intermédiaire de l’ONUDC.

Il est important de noter que :

1. Le recours massif à la peine de mort par la République islamique pour les délits liés à la drogue vise à susciter la peur au sein de la société, en particulier parmi les minorités ethniques comme les Baloutches. En 2023, les Baloutches représentaient un tiers de toutes les exécutions liées à la drogue, alors qu’ils ne constituent que 2 à 5 % de la population iranienne.

2. Les infractions liées à la drogue relèvent de la compétence des tribunaux révolutionnaires, qui ne respectent pas les normes d’équité des procès.

3. Alors que le trafic de drogue est principalement le fait de cartels internationaux coopérant avec les autorités, ce sont les pauvres qui sont condamnés à mort pour ces chefs d’accusation. Les accusés sont souvent ceux qui ont été poussés à commettre de tels crimes en raison de problèmes économiques.

4. L’application généralisée de la peine de mort n’a pas entraîné de réduction de la criminalité au cours des 45 dernières années. En fait, la criminalité a augmenté parce que les autorités ne se sont pas attaquées aux causes profondes des infractions.

5. Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’interprétation générale n° 36, paragraphe 35 du document 36 CCPR/C/GC/ des Nations Unies concernant l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques que l’Iran a ratifié, la peine de mort ne devrait être appliquée que pour les crimes les plus graves. Il souligne spécifiquement que les infractions liées à la drogue ne sont pas considérées comme des « crimes graves ». L’abolition de la peine de mort et le droit à un procès équitable sont également inscrits dans les conventions américaine et européenne sur les droits de l’homme et dans les protocoles 4 et 6 de Strasbourg.

6. L’amendement de 2017 aux lois antidrogue ne respecte pas les obligations internationales de la République islamique. L’exécution de personnes accusées de trafic de drogue constitue une violation flagrante du droit à la vie. La communauté internationale n’a pas réagi de manière appropriée à ces violations et les exécutions quotidiennes se déroulent dans le silence des médias. Les exécutions pour cause de drogue ont ainsi été multipliées par 18 en 2023 par rapport aux trois années précédentes.

Nous, un groupe d’avocats et d’experts juridiques iraniens, demandons à l’ONU de faire pression sur le gouvernement iranien pour qu’il modifie ses politiques criminelles et mette immédiatement fin aux exécutions pour cause de drogue. Nous demandons également à l’ONUDC de subordonner la poursuite de sa coopération à un moratoire sur les exécutions liées à la drogue.

Il convient de mentionner qu’une telle action peut réduire le nombre d’exécutions de plus de la moitié et qu’elle constituera le fondement de l’abolition complète de la peine de mort et de la garantie du droit à la vie en Iran.

Source : IHR/CSDHI 

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