Al Arabiya, le 23 janvier 2019 - « Pendant des jours, ma main et mes pieds étaient liés ensemble, mon corps était courbé dans cette position», a-t-il déclaré. (Al Arabiya / Omar el-Katouri). « Plusieurs photos et vidéos montrent le traitement brutal infligé aux citoyens sous forme de passages à tabac en public. Vous pouvez donc imaginer l'ampleur de la torture utilisée dans les cellules sombres des prisons en Iran ».
C'est ainsi que Hassan Karimi, personnalité médiatique et activiste kurde, a expliqué son vécu dans les prisons iraniennes. Karimi a eu la malchance d'être emprisonné à trois reprises par le régime iranien pour le simple fait qu'il avait une identité sectaire, comme il le disait.
« La préservation de l'identité nationale, religieuse et sectaire en Iran est considérée comme une accusation impardonnable. En tant que Kurde et sunnite, j'avais déjà de bonnes raisons d'être emprisonné depuis ma naissance », a déclaré Karimi à Al Arabiya.
Karimi était un enseignant qui donnait des cours particuliers pour enseigner la langue kurde à domicile. Mais, bien qu'un tel travail puisse paraître assez régulier, Karimi a déclaré que c'était en réalité un fait très dangereux.
Selon un rapport d'Amnesty International, les Kurdes d'Iran subissent depuis longtemps une discrimination profondément enracinée. Leurs droits sociaux, politiques et culturels ont été réprimés, de même que leurs aspirations économiques. Le rapport ajoute que les régions kurdes ont été économiquement négligées, ce qui a entraîné une pauvreté bien ancrée.
« J'étais chez mon collègue, qui est assistant enseignant et nous préparions le contenu d’un cours. Tout à coup, des membres du ministère du renseignement sont arrivés à la maison et nous ont arrêtés. Ils nous ont emmenés de Boukan dans une ville appelée Oroumieh.
Ils ont tous les deux été accusés d’ « atteinte à la sécurité nationale iranienne » et de « sympathie pour les partis kurdes ».
Cibler les minorités
À Oroumieh, Karimi a déclaré avoir été jeté dans une cellule, destinée à l'origine à accueillir une personne, avec huit autres hommes.
À Oroumieh, Karimi a déclaré avoir été jeté dans une cellule, destinée à l'origine à accueillir une personne, avec huit autres hommes.
« Les toilettes se trouvaient dans la cellule, nous avons donc dû nous placer face à face », a-t-il déclaré.
Plus de 50 personnes sont emprisonnées en Iran toutes les heures, a déclaré le président de l’association iranienne des travailleurs sociaux, Hassan Mousavi Chelak, à l’agence de presse officielle, ISNA, en 2018.
Selon de nombreux rapports, les minorités, les intellectuels et les politiciens sont la cible privilégiée des forces du régime. La plupart d'entre eux, comme Karimi, sont généralement emmenés dans la tristement célèbre prison d'Evine.
Elle est située dans le quartier Evine de Téhéran, en Iran. La prison abrite les prisonniers politiques iraniens depuis 1972, avant et après la révolution islamique, ce qui lui a valu son surnom d’Université Evine, en raison du nombre d’intellectuels qui y sont hébergés.
C'est là que Karimi a été emprisonné en 2009 lors des manifestations connues sous le nom de « Mouvement vert », à la suite de l'élection présidentielle iranienne, au cours de laquelle des manifestants ont exigé la destitution de Mahmoud Ahmadinejad.
« J'étais à Saravan, dans la province du Baloutchistan, où j'ai été arrêté avec un grand nombre de manifestants, même si je ne faisais pas partie du Mouvement vert. Toutefois, généralement, lorsque des troubles tels que des manifestations se produisent, les services de sécurité convoquent et mettent en prison les personnes arrêtées avant ou emprisonnées pour des activités politiques ou civiles, comme une mesure proactive visant à empêcher l'expansion des manifestations. Par conséquent, j'ai été arrêté sans justification légale », a déclaré Karimi.
La torture au Baloutchistan est « la pire »
Chaque fois que Karimi était arrêté, il disait qu'ils le conduiraient dans des lieux de détention appartenant aux services du renseignement où il serait détenu pendant trois à dix mois sans être officiellement inculpé.
Karimi a été victime de la pire torture au Baloutchistan, la deuxième fois qu'il a été arrêté.
« Pendant des jours, ma main et mes pieds ont été attachés ensemble et mon corps était courbé dans cette position. Je ne pouvais même pas aller aux toilettes tout en étant en isolement », a-t-il déclaré.
« En raison du fait que j’ai été attaché et menotté très longtemps, les veines et les artères de mon avant-bras ont été comprimées et se sont déchirées. Je ne sentais plus mon avant-bras gauche. Si vous aviez planté un couteau dedans, je ne l’aurai pas senti. Pendant plus d'un an, j'ai consulté plusieurs médecins.
Karimi se trouvait dans la ville de Zahedan, qui est principalement sunnite. Son traducteur a déclaré que Karimi était probablement blanc, avec des cheveux bruns, la plupart des habitants de cette ville ayant le teint foncé.
Quelques jours avant son arrivée en 2008, le gouvernement iranien avait passé au bulldozer la mosquée Abou Hanifa et une école religieuse à Zabol. Ils ont battu et arrêté les étudiants et le personnel et les ont emmenés dans des voitures de sécurité.
L’incident a déclenché une campagne sunnite de protestation contre le recours à la violence par les forces du régime et à l’accroissement du fossé sectaire.
« Le régime pensait que je faisais partie de cette campagne, mais comme ils n'avaient aucune preuve ni aucune charge contre moi, ils ont été forcés de me libérer après 40 jours de détention, passés en isolement. Mais ils ont passé ces 40 jours à rechercher énergiquement toute accusation pour me lier à ces manifestations et cette campagne ».
L’Iran a été condamné pour la 65ème fois par la Troisième Commission de l’ONU pour violation des droits humains, le 15 novembre 2018. L'adoption de résolutions à ce sujet au sein de la plus haute instance internationale chaque année rappelle constamment les violations des droits humains commises dans la République.
Karimi a expliqué que les méthodes de torture utilisées en prison consistaient notamment à soumettre les prisonniers à un éclairage fort et intense jour et nuit, à menotter leurs bras et leurs jambes à un lit appelé « le lit des miracles » pour le grand nombre d'aveux extorqués grâce à lui, et faire croire aux prisonniers qu'ils seront exécutés. Le prisonnier a les yeux bandés et il est emmené dans un lieu inconnu après avoir été prévenu qu'il sera exécuté. Une corde lui sera souvent glissée autour du cou pour l’effrayer, a ajouté Karimi.
« Je jure, je jure, je jure, l'un d'entre eux a frappé si fort à la porte de ma cellule une nuit, et il semblait qu'il était sur le point de me battre. J’ai commencé à dire « par Dieu, s’il vous plaît, ne le faites pas », et l’homme a répondu : « Dieu ? Quel Dieu ? Est-il ici, je ne le vois pas. Il n’y a pas de Dieu ici », a dit Karimi.
L'évasion
Deux incidents impliquant d'anciens compagnons de prison de Karimi l'ont incité à vouloir fuir l'Iran pour de bon.
« Après leur libération, ils dirigeaient une petite organisation caritative où ils collectaient de l'argent pour les pauvres dans les zones kurdes. Lorsque les autorités ont appris la chose, elles ont assassiné l’un d’eux, Idris Khademi, et condamné l’autre, Aram Mikhael, à neuf ans de prison, car il avait été témoin de l’assassinat d’Idris. Et c'étaient mes amis, j'avais peur qu'ils ne me poursuivent ensuite.
Karimi a déclaré qu'après ces incidents, les autorités l'avaient convoqué toutes les semaines pour un interrogatoire et l'avaient contraint à signer des documents afin de savoir où il se trouvait à tout moment.
Karimi a déclaré qu'il ne pouvait pas se permettre de fuir en Europe et qu'il devait donc emprunter un itinéraire plus long et plus compliqué. Il n'a pas révélé les détails de sa fuite afin de ne pas mettre en danger les autres personnes envisageant de prendre cette route.
« Après avoir vécu cela, j’ai remarqué que je me mettais très vite en colère, et très inquiet. Je faisais tout le temps des cauchemars de quelqu'un qui me torturait. Après avoir été libéré pour la dernière fois, pendant un moment, je ne pouvais plus dormir dans le noir, car ils nous torturaient dans le noir. Je faisais en sorte que ma famille maintienne toutes les lumières allumées ».
« Même maintenant, vivant à l'étranger, ma voiture a été piquée deux fois. Je suis convaincu que c'est quelqu'un qui a été envoyé par eux pour me menacer », a-t-il ajouté.
Quand on lui demande de son pays d’enfance et s’il souhaite y retourner un jour, les yeux de Karimi brillent et un sourire se forme immédiatement sur son visage.
« Bien sûr, je me souviens de mon enfance en train de jouer avec mes amis dans la neige en montagne. Je me souviens de notre culture, de ma famille, de ma vie, tout y était. Je suis comme un arbre qui avait été planté à l'origine à un endroit, qui a été déraciné et placé à un autre. Ce ne sera jamais pareil que là où il a été planté à l'origine ».
Karimi a quitté l’Iran en 2012 et n’y est jamais retourné depuis.
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