Le coût élevé des services et des médicaments nécessaires aux personnes autistes et à leurs familles, conjugué au manque de couverture d'assurance et du soutien du gouvernement, a amené de nombreuses familles iraniennes à interrompre le traitement de leurs enfants autistes et à ne plus être en mesure de payer les médicaments et les services nécessaires.
Cette situation constitue une violation de la responsabilité qui incombe à l’État de fournir les services de santé et médicaux nécessaires, sur un pied d’égalité, à tous ses citoyens.
Maryam a deux fils autistes. S'adressant au Centre pour les droits de l'homme en Iran (CDHI) sur les services d'éducation et de réadaptation disponibles pour ses enfants, elle a déclaré : « Nous devons payer 65 000 tomans (13,46€) l'heure pour une ergothérapie et, en raison du coût élevé, mes fils ne vont plus aux cours d'ergothérapie et d'orthophonie ».
« Mes fils ont beaucoup d'énergie et à cause de cela, le médecin leur a recommandé d'assister à des cours avec beaucoup d'activité physique. Malheureusement, nous n'avons pu payer qu’une partie des coûts. Nous avons donc dû interrompre les cours d'orthophonie et d'ergothérapie pour pouvoir payer les cours de sport ».
Maryam a ajouté : « Mon mari travaille deux quarts de travail par jour, même le week-end, afin de supporter les coûts élevés liés à la prise en charge de nos deux enfants. Je suis celle qui les soigne à temps plein. S'occuper de deux enfants autistes est vraiment difficile. En Iran, il n'y a pas d'agence spécifique chargée de s'occuper des affaires des autistes ».
Le 9 janvier 2019, Mehdi Shadnoush, directeur du contrôle des maladies au ministère de la santé, a reconnu les problèmes auxquels sont confrontés les autistes.
« Nous mettons en œuvre d’importants programmes dans les écoles pour les enfants spéciaux et par l’intermédiaire de l’Organisme de protection sociale (SWO), mais en réalité, la principale raison pour laquelle nous n’avons pas réussi à faire face à cette maladie est que nous n’avions pas de plan complet pour répondre aux besoins de cette communauté », a déclaré Shadnoush.
Seul un faible pourcentage d'autistes iraniens reçoit des services provenant de l’Etat
Il existe différentes estimations du nombre d'autistes en Iran, allant de 320 000 à 700 000. Cependant, seuls environ 8 000 d’entre eux ont été officiellement reconnus et enregistrés par le SWO.
Le 28 février 2018, Hossein Nahvinejad, directeur des services de réadaptation de la SWO, a admis que le personnel de l’organisation n’était pas suffisamment formé pour reconnaître et travailler avec des autistes et a ajouté qu’il était nécessaire d’instituer et de mener des tests standardisés pour diagnostiquer les enfants autistes.
Les responsables iraniens de la Santé ont déclaré que seule une petite partie des autistes du pays recevait le soutien de l’État. Selon Nahvinejad, 3 000 enfants autistes bénéficient des services de réadaptation de la SWO et 3 000 autres fréquentent des écoles pour enfants spéciaux.
Les autistes ont besoin de quatre services essentiels dès leur plus jeune âge : ergothérapie, orthophonie et psychologie pour l’enfant et conseils pour la famille, dont le coût moyen mensuel en Iran est de trois millions de tomans (620 €). Ce chiffre est inabordable pour la plupart des familles iraniennes.
Un enfant autiste a besoin de plusieurs années d’éducation et de cours d’orthophonie impliquant une équipe d’experts. Mais le gouvernement n'a pas apporté d'aide pour faire face aux coûts associés à ces besoins, laissant les familles seules pour couvrir les dépenses.
Le nouveau plan du gouvernement ne répond pas aux besoins des familles d’autistes
Le 8 janvier 2019, Shadnoush a annoncé que le gouvernement avait approuvé un plan d'assistance à 4 000 autistes dans 62 centres désignés du pays.
« Quatre types d’experts spécialisés en ergothérapie, orthophonie, psychologie et counseling seront en poste dans ces centres sous les auspices des universités des sciences médicales de chaque région géographique afin de superviser les services fournis aux enfants ».
Le responsable du ministère de la Santé a ajouté : « Le ministère allouera un million de tomans (206 €) pour subventionner ces services. Le nouveau plan a été communiqué et nous sommes en train de signer des contrats avec les centres participants afin de l’appliquer ».
Cependant, même si ce soutien gouvernemental parvient aux familles des autistes, il ne couvrira pas suffisamment toutes les dépenses. En outre, en août 2017, Sina Tavakkoli, directeur de la réadaptation pour l’autisme iranien, a fait remarquer que l’assurance ne couvrait pas les coûts de réadaptation.
Il a ajouté que les personnes autistes ont besoin « d'ergothérapie, d'orthophonie, de thérapie comportementale et de traitements psychologiques tels que la thérapie par l'art, la musicothérapie et la thérapie par le théâtre », dont aucune n'est couverte par les compagnies d'assurance en Iran. En outre, les médicaments ont un coût élevé que les familles de la classe moyenne et des familles à faible revenu ont des difficultés voire sont incapables d’acheter.
Maryam, la mère des deux garçons autistes, critiquant l’aide insuffisante fournie par l’État aux enfants autistes, a déclaré au CDHI : « En Iran, le ministère de la Santé ne fournit aucune aide particulière en termes de services médicaux et de médicaments. Le SWO non plus. De plus, le public est très peu sensibilisé à l’autisme et nos enfants sont donc confrontés à des problèmes dans les écoles spéciales, les cabinets de médecins et les lieux publics ».
L’autisme : un handicap que le ministère iranien de la Santé catégorise incorrectement comme une maladie
L’un des problèmes auxquels sont confrontés les autistes est qu’aucune autorité spécifique n’est chargée de répondre à leurs besoins. Le SWO reconnaît l’autisme comme une forme de handicap et leur délivre des cartes d’identité d’handicapés, mais le ministère iranien de la Santé les classe dans la catégorie des « maladies particulières ».
Ehsan Abedi, journaliste et chercheur dans le domaine de l'autisme, a critiqué la désignation de l'autisme comme forme de maladie : « Selon la définition internationale, l'autisme est une sorte de handicap et non une maladie. L'autisme n'a pas de traitement spécifique. Une personne autiste est juste différente et a besoin de formation. Ce qu'il faut, c'est de l'éducation, pas des médicaments. La qualifier de maladie rappelle la manière dont le domaine médical considérait les handicaps. Depuis l’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, ce type de pensée n’a plus sa place dans le monde actuel ; il a été remplacé par une perspective humanitaire ».
Abedi a ajouté : « Nous reconnaissons que la désignation de l'autisme comme maladie spéciale, tout comme l'hémophilie et le sida, pourrait signifier que le ministère de la Santé assumerait les coûts des médicaments, dans l'intérêt des familles. Mais cela perpétue la vision stéréotypée de l'autisme et cela contredit la normalisation des handicaps. Lorsque nous qualifions quelqu'un de « patient spécial », comment pouvons-nous nous attendre à ce que la société l'accepte comme l'un de ses membres et ce, sans préjugés ?
Selon ce chercheur, « le meilleur moyen d'aller de l'avant est d'introduire l'autisme dans la société en tant qu'invalidité et variation du système nerveux tout en leur fournissant les services et les installations nécessaires, tels qu'une couverture d'assurance suffisante et une aide pour couvrir leurs frais de réadaptation ».
Source : Centre pour les droits de l’homme en Iran
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