CSDHI – Le 19 septembre, le parlement européen s’est penché sur la situation des femmes en Iran et a adopté une résolution condamnant la violation de leurs droits.
En voici le texte :
Résolution du Parlement européen sur l’Iran, notamment la situation des défenseurs des droits des femmes et des binationaux européens emprisonnés
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur l’Iran, notamment celles concernant les droits de l’homme, en particulier celles du 14 mars 2019 sur l’Iran, notamment le cas des défenseurs des droits de l’homme[1], du 13 décembre 2018 sur l’Iran, en particulier le cas de Nasrin Sotoudeh[2], du 31 mai 2018 sur la situation des personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne emprisonnées en Iran[3], du 25 octobre 2016 sur la stratégie de l’Union à l’égard de l’Iran après l’accord sur le nucléaire[4], du 3 avril 2014 sur la stratégie de l’Union européenne à l’égard de l’Iran[5], du 8 octobre 2015 sur la peine de mort[6] et du 17 novembre 2011 sur l’Iran – récents cas de violation des droits de l’homme[7];
– vu les conclusions du Conseil sur l’Iran du 4 février 2019 et le règlement d’exécution (UE) 2019/560 du Conseil du 8 avril 2019 mettant en œuvre le règlement (UE) n° 359/2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Iran, qui proroge d’un an, jusqu’au 13 avril 2020, les mesures restrictives liées à de graves violations des droits de l’homme en Iran[8],
– vu le rapport du secrétaire général des Nations unies du 8 février 2019 sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran,
– vu les rapports du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran de septembre 2018, du 30 janvier 2019 et du 18 juillet 2019, ainsi que sa déclaration du 16 août 2019 sur la détention et la longueur des peines de prison de Mojgan Keshavarz, Monireh Arabshahi et Yasaman Aryani, trois Iraniennes détenues arbitrairement pour avoir protesté publiquement contre le port obligatoire du voile,
– vu la déclaration du 29 novembre 2018 des experts des droits de l’homme des Nations unies intitulée «L’Iran doit protéger les défenseurs des droits des femmes»,
– vu les lignes directrices de l’Union européenne sur la peine de mort, sur la torture, sur la liberté d’expression, tant en ligne que hors ligne, et sur les défenseurs des droits de l’homme,
– vu la déclaration de la porte-parole du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 12 mars 2019 sur la condamnation de l’avocate iranienne spécialiste des droits de l’homme Nasrin Sotoudeh,
– vu la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948,
– vu le pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques, auquel l’Iran est partie,
– vu la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies du 17 décembre 2018 sur la situation des droits de l’homme en République islamique d’Iran,
– vu le nouveau cadre stratégique de l’Union et le plan d’action de l’Union européenne en faveur des droits de l’homme et de la démocratie, qui vise à placer la protection et la surveillance des droits de l’homme au centre de toutes les politiques de l’Union,
– vu l’ensemble de principes pour la protection de toutes les personnes soumises à une forme quelconque de détention ou d’emprisonnement, formulé en 1988 par les Nations unies,
– vu l’ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus («règles Nelson Mandela») de 2015,
– vu la charte des droits des citoyens du président iranien,
– vu l’article 144, paragraphe 5, et l’article 132, paragraphe 4, de son règlement intérieur,
A. considérant que les tribunaux révolutionnaires iraniens ont, ces derniers mois, intensifié la répression des actes de résistance pacifique émanant de défenseurs des droits des femmes qui protestent contre l’obligation de porter le hijab, y compris en allongeant les peines de prison; que, selon les Nations unies, au moins 32 personnes ont été arrêtées et au moins 10 emprisonnées depuis 2018 pour avoir protesté contre le port obligatoire du hijab;
B. considérant que les militantes iraniennes Mojgan Keshavarz, Monireh Arabshahi et Yasaman Aryani ont été détenues arbitrairement en avril 2019 après la publication en ligne d’une vidéo dans laquelle elles apparaissent sans leur foulard, en protestation pacifique contre la loi iranienne sur le port obligatoire du voile, distribuant des fleurs dans le métro de Téhéran le 8 mars 2019, à l’occasion de la Journée internationale de la femme; que Sahar Khodayari, une Iranienne détenue pour avoir tenté de regarder un match de football dans un stade, s’est immolée par le feu en protestation après avoir appris qu’elle encourait une peine de prison de six mois pour ses actes;
C. considérant qu’en août 2019, Mojgan Keshavarz, Monireh Arabshahi Yasaman Aryani et Saba Kord-Afharai ont été condamnées à des peines d’emprisonnement d’une durée allant de 16 à 24 ans; qu’elles se sont vu refuser l’accès à des avocats pendant la phase d’enquête initiale et qu’il aurait été interdit à leurs représentants légaux de les représenter lors de leur procès; que leurs peines sont directement liées à l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression et de réunion en défense de l’égalité entre les hommes et les femmes en Iran;
D. considérant que, le 27 août 2019, le tribunal de première instance a condamné trois militantes défendant le droit du travail – Sepideh Gholian, Sanaz Allahyari et Asal Mohammadi – pour, entre autres, «rassemblement et collusion en vue d’agir contre la sécurité nationale»; qu’il est apparu, les 24 et 31 août, que Marzieh Amiri et Atefeh Rangriz, deux femmes défenseures des droits du travail qui étaient en détention depuis leur arrestation lors d’une manifestation pacifique à l’occasion de la Fête du travail, ont été respectivement condamnées à 10 ans et demi d’emprisonnement et 148 coups de fouet, et à 11 ans et demi de prison et 74 coups de fouet, notamment pour «rassemblement et collusion en vue d’agir contre la sécurité nationale», «propagande contre l’État» et «troubles à l’ordre public»;
E. considérant que l’Iran n’a pas ratifié la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1979, que l’Iran dispose de nombreuses lois discriminatoires, notamment en ce qui concerne les dispositions juridiques relatives au statut personnel;
F. considérant que les arrestations de personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne se poursuivent, sont suivies par une mise à l’isolement et des interrogatoires prolongés, par des procédures irrégulières et des procès inéquitables aboutissant à des condamnations à de longues peines de prison sous des chefs d’inculpation vagues ou imprécis se rapportant à la «sécurité nationale» ou à l’«espionnage», ainsi que par des campagnes de dénigrement orchestrées par l’État contre les personnes emprisonnées; que l’Iran ne reconnaît pas la double nationalité, limitant ainsi l’accès des ambassades étrangères à leurs binationaux qui sont détenus dans ce pays;
G. considérant qu’au moins six personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne, à savoir Nazanin Zaghari-Ratcliffe, Ahmadreza Djalali, Kamal Ahmady, Kamran Ghaderi, Massud Mossaheb et Morad Tahbaz, sont actuellement emprisonnées en Iran;
H. considérant que Nazanin Zaghari-Ratcliffe, ressortissante iranienne et britannique employée par la fondation Thomson Reuters, est emprisonnée illégalement depuis le 3 avril 2016, après avoir été détenue illégalement durant plusieurs mois, accusée d’espionnage, puis privée d’un procès libre et équitable; qu’elle a été, à plusieurs reprises, privée de soins médicaux, ce qui a entraîné une détérioration de sa santé physique et mentale; qu’elle a récemment été privée d’accès aux cartes téléphoniques internationales et qu’elle a vu ses visites familiales limitées à une seule visite par mois;
I. considérant que le socioanthropologue irano-britannique Kameel Ahmady est détenu à Téhéran depuis le 11 août 2019, pour des accusations tenues secrètes; que l’homme d’affaires Morad Tahbaz, de nationalités iranienne, britannique et américaine, a été placé en détention avec au moins neuf écologistes en janvier 2018, sur des accusations d’espionnage;
J. considérant qu’Ahmadreza Djalali, scientifique et médecin de nationalité suédoise, né en Iran, est détenu depuis avril 2016 dans la prison d’Evin et a été condamné à mort en octobre 2017 pour des accusations d’espionnage fondées sur une supposée confession forcée;
K. considérant que Kamran Ghaderi, de nationalités iranienne et autrichienne, PDG d’une société informatique autrichienne, a été arrêté à son arrivée à l’aéroport international de Téhéran le 2 janvier 2016 par des agents des services de renseignement et qu’il a été condamné à 10 ans d’emprisonnement pour «espionnage pour des États ennemis»;
L. considérant que, le 11 mars 2019, Nasrin Sotoudeh, lauréate 2012 du prix Sakharov, défenseure des droits de l’homme et juriste, a été condamnée par contumace à 38 ans de prison et à 148 coups de fouet, entre autres en raison de son travail de défense des femmes accusées de protestation contre le port obligatoire du hijab; que plus d’un million de personnes ont participé à une campagne mondiale en juin pour exiger que le gouvernement iranien libère Mme Sotoudeh;
M. considérant qu’Atena Daemi et Golrokh Ebrahimi Iraee ont été condamnées à six ans de prison en octobre 2016; que deux années supplémentaires ont été ajoutées à leur peine en septembre 2019, après qu’elles ont été accusées d’«insulter le guide suprême»; que ces peines auraient été prononcées à titre de représailles pour les protestations des défenseurs des droits des femmes en prison;
N. considérant qu’il a été fait état de nombreux exemples de conditions de détention inhumaines et dégradantes, notamment dans la prison d’Evin, ainsi que d’une absence d’accès suffisant aux soins médicaux dans les prisons iraniennes, ce qui est contraire aux règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus;
O. considérant qu’en Iran, défenseurs des droits de l’homme, journalistes, avocats et militants écologistes, syndicalistes et sur internet continuent de subir harcèlement, arrestations arbitraires, détentions et poursuites en raison de leur travail;
P. considérant que les autorités continuent de faire du militantisme en faveur des droits de l’homme une infraction pénale et recourent à l’article 48 du code iranien de procédure pénale pour restreindre l’accès des détenus à un avocat et pour les priver d’assistance consulaire; qu’aucun mécanisme indépendant n’assure que le pouvoir judiciaire doive rendre des comptes;
Q. considérant que l’Union a adopté des mesures restrictives liées à des violations des droits de l’homme, parmi lesquelles un gel des avoirs et une interdiction de visa pour les personnes et entités responsables de graves violations des droits de l’homme, ainsi qu’une interdiction d’exporter à destination de l’Iran des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne ou des équipements de surveillance des télécommunications; que ces mesures sont régulièrement mises à jour et restent en place;
R. considérant que l’Iran continue d’appliquer fréquemment la peine de mort; que Narges Mohammadi, lauréate du prix Per Anger, purge actuellement une peine de seize ans pour sa campagne visant à abolir la peine de mort et son travail avec la lauréate du prix Nobel Shirin Ebadi;
1. demande aux autorités iraniennes d’annuler toutes ces condamnations et de libérer, immédiatement et sans condition, Mojgan Keshavarz, Yasaman Aryani, Monireh Arabshahi, Saba Kord-Afshari et Atena Daemi, défenseures des droits des femmes qui protestent contre le port obligatoire du hijab; demande également la libération de Nasrin Sotoudeh, Narges Mohammadi, Sepideh Gholian, Sanaz Allahyari, Asal Mohammadi, Marzieh Amiri et Atefeh Rangriz, ainsi que de tous les défenseurs des droits de l’homme emprisonnés et condamnés pour avoir simplement exercé leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique;
2. condamne avec la plus grande fermeté la répression constante dont sont victimes les femmes qui s’opposent au port obligatoire du voile et qui exercent leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique; demande au gouvernement iranien de respecter la liberté des Iraniennes de choisir leur propre code vestimentaire;
3. souligne que les autorités iraniennes sont tenues en toute circonstance de veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme, les avocats et les journalistes puissent travailler sans faire l’objet de menaces, d’intimidations ou d’entraves, et exige que la justice iranienne mette fin au harcèlement permanent; prie instamment le pouvoir judiciaire iranien de mettre un terme à la censure en ligne et de respecter les droits fondamentaux universels de tous les citoyens, en particulier leurs droits à la liberté d’expression en ligne et hors ligne;
4. salue et soutient les défenseures iraniennes des droits de l’homme qui continuent à défendre les droits fondamentaux malgré les difficultés et les répercussions personnelles auxquelles elles sont confrontées;
5. regrette profondément l’absence de progrès dans les affaires relatives aux personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne détenues en Iran; exige la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes binationales iraniennes et européennes, parmi lesquelles Nazanin Zaghari-Ratcliffe, Ahmadreza Djalali, Kamal Ahmady, Kamran Ghaderi, Massud Mossaheb et Morad Tahbaz, qui sont actuellement détenus dans des prisons iraniennes, à moins qu’ils ne soient incarcérés conformément aux normes internationales; dénonce la pratique récurrente de la justice iranienne consistant à emprisonner, à la suite de procès inéquitables, des personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne;
6. prie instamment les autorités iraniennes de coopérer sans tarder avec les ambassades des États membres de l’Union européenne à Téhéran en vue d’établir une liste complète des personnes ayant à la fois une nationalité de l’Union et la nationalité iranienne qui sont actuellement détenues dans des prisons iraniennes, et de suivre de près chacune des affaires, étant donné que la sécurité des citoyens et la protection de leurs droits fondamentaux sont de la plus haute importance pour l’Union européenne;
7. prie instamment les autorités iraniennes de réviser les dispositions légales discriminatoires à l’égard des femmes, notamment en ce qui concerne leur statut personnel; salue l’introduction, au parlement iranien, du projet de loi sur la protection des femmes contre la violence et souligne la nécessité d’une législation complète pour définir de manière spécifique et ériger en infraction toute forme de violence sexiste envers les femmes;
8. demande aux autorités iraniennes de veiller à ce que les femmes puissent accéder à tous les stades, sans discrimination ni risque de persécution;
9. demande de nouveau aux autorités iraniennes de modifier l’article 48 du code iranien de procédure pénale afin de garantir que toute personne mise en cause ait le droit d’être représentée par un avocat de son choix et de bénéficier d’un procès équitable, conformément aux engagements de l’Iran au titre du pacte international relatif aux droits civils et politiques;
10. demande au parlement iranien de modifier les lois nationales en matière de crimes contre la sécurité nationale qui sont régulièrement utilisées pour poursuivre les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes, les militants écologistes et syndicaux et les membres des minorités religieuses et ethniques, et qui sont contraires au pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Iran;
11. condamne la pratique constante consistant à refuser délibérément des soins médicaux aux prisonniers; déplore la torture systématique dans les prisons iraniennes et demande la cessation immédiate de toutes les formes de torture et de mauvais traitements de tous les détenus; condamne la pratique consistant à refuser l’accès aux contacts téléphoniques et aux visites familiales pour les détenus;
12. prie instamment les autorités iraniennes de veiller à la pleine mise en œuvre du pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont l’Iran est signataire; prie instamment l’Iran d’adhérer à la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes,
13. prend acte des modifications apportées à la loi sur le trafic de drogue, qui devraient diminuer le nombre de condamnations à mort;
14. condamne vigoureusement l’utilisation de la peine de mort, et en particulier son utilisation contre des mineurs; demande aux autorités iraniennes d’instaurer un moratoire immédiat sur le recours à cette peine, et de faire ainsi un pas primordial vers son abolition;
15. demande à l’Iran de coopérer avec le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en Iran, notamment en autorisant celui-ci à se rendre dans le pays;
16. encourage une coordination étroite entre les ambassades de l’Union accréditées à Téhéran; prie instamment tous les États membres ayant une représentation diplomatique à Téhéran d’employer tous les mécanismes prévus par les orientations de l’Union concernant les défenseurs des droits de l’homme pour aider et protéger les personnes concernées, en particulier les défenseurs des droits des femmes et les binationaux européens, notamment par des déclarations publiques, des démarches diplomatiques, l’observation des procès et des visites dans les prisons;
17. demande à l’Union, y compris la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, de continuer de souligner les préoccupations des en matière de droits de l’homme auprès des autorités iraniennes dans les enceintes bilatérales et multilatérales et d’utiliser à cette fin toutes les interactions prévues avec les autorités iraniennes, notamment dans le cadre du dialogue politique de haut niveau entre l’Union européenne et l’Iran;
18. demande au SEAE de rendre compte des mesures prises en ce qui concerne les précédentes résolutions du Parlement sur l’Iran;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil, à la Commission, à la vice-présidente de la Commission et haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et aux parlements des États membres, au Secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, ainsi qu’au gouvernement et au parlement de l’Iran.
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