mardi 13 octobre 2020

Les médias d’État iraniens: le décès de Shajarian et les craintes du régime d’un soulèvement

Hôpital Jam à Téhéran, La population manifeste après le décès du grand artiste iranien Shajarian

Les médias d’État du régime ont reflété la crainte du régime concernant une éventuelle explosion de la colère populaire après le décès du célèbre maître de la musique traditionnelle persane, Mohammad Reza Shajarian.

Des manifestations ont éclaté après le décès de M. Shajarian vendredi soir dernier. La population est descendu dans la rue en scandant des slogans tels que «la télévision nationale est une honte» et «Mort au dictateur». Craignant que ces manifestations ne déclenchent une autre série de manifestations majeures, le régime a organisé les funérailles de M. Shajarian sous de hautes mesures sécuritaires.

Le régime et ses médias qui pendant des années ont censuré M. Shajarian et privé la population d’entendre sa voix extraordinaire, font aujourd’hui semblant de pleurer sa mort.

Le quotidien d’Etat Hamdeli a écrit samedi: «La plupart des gens s’inquiètent au sujet des difficultés de la vie, des prix élevés, du chômage, etc. Maintenant, si le système de la République islamique met des obstacles sur le chemin des artistes, il ajoutera d’abord à la colère de la société; et toute imprudence ajoutera à l’opposition [au régime]. Avec cela il ne faut pas s’attendre à ce que la société reste impassible. La fumée qui s’échappe de ce feu nuira les yeux de tout le monde. »

Jahane-e Sanat a publié un article de Mahmoud Sadeghi, ancien député, sur les mesures de sécurité lors des funérailles de M. Shajarian. «Juste pour rendre hommage à ce célèbre maître du chant persan, je suis allé à l’hôpital Jam, mais je me suis tenu loin. Malheureusement, la police et les forces spéciales contrôlaient étroitement les rues menant à l’hôpital et les motos de l’unité spéciale ont attaqué la foule. Ces scènes sont enregistrées par les caméras et transmises au monde entier. Cela donne aux opposants un sujet de propagande négative, et malheureusement cette imprudence se répète souvent à ce genre d’événements. »

Evoquant les tentatives du régime de faire semblant de pleurer la perte de M. Shajarian, Sadeghi a écrit: «Ce n’est pas sans précédent dans notre pays. Parfois à des personnalités célèbres on leur fait du mal et on leur impose des restrictions de leur vivant, mais après leur mort les autorités tentent d’accompagner l’opinion publique. »

Après le soulèvement du peuple iranien en 2009, lorsque Mahmoud Ahmadinejad a qualifié les manifestants de «poussière et ordures», M. Shajarian a affirmé que « si les gens sont poussière et ordures, alors, je suis la voix de ces poussière et ordures». Le régime a ensuite retiré de la télévision un célèbre chant religieux que Shajarian avait produit, Rabana, et ne lui a plus permis d’organiser des concerts en Iran. Shajarian était non seulement le grand maître du chant traditionnel en Iran, mais il était aussi populaire pour ses prises de position politiques. En 2009, après la réélection contestée de l’ancien président Mahmoud Ahmadinejad et les manifestations de protestation qui avaient suivi, il avait pris position contre cette réélection. Ce qui lui a valu d’être boycotté depuis par la télévision d’État. Mais après sa mort, la quasi-totalité des journaux, notamment les titres conservateurs, à l’exception du journal Kayhan, ont rendu hommage à Shajarian.

Faisant référence à cela, Sadeghi a écrit dans Jahan-e Sanat: «Nous nous souvenons tous de la réaction de M. Shajarian aux propos de ‘poussières et ordures’, quand il a dit qu’il était la voix de ces ‘poussière et ordures’. Maintenant, ceux qui ont jadis appelé les personnes de poussière et d’ordures, essaient de faire semblant d’accompagner ces mêmes personnes. »

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