Question 1 : Quel est la situation du mouvement un an après le déclenchement du soulèvement en Iran ?
Il y a eu onze soulèvements populaires depuis l’hiver 2017 en Iran. Mais le soulèvement déclenché en septembre 2022 a vu la flamme de la colère embraser tout un pays et marquer un véritable tournant dans l’histoire des confrontations entre le régime théocratique et le peuple iranien.
Tant par l’étendue et la détermination des manifestations, que par la radicalité des slogans et des méthodes du mouvement révolutionnaire, les Iraniens ont montré qu’ils sont décidés plus que jamais à assumer les objectifs qu’ils se sont fixés : le renversement du régime dans sa totalité. Les soi-disant réformateurs qui ont été complices de tous les crimes, ont pendant des années brandi le spectre de la modération du régime. Mais les mouvements de révolte ont annoncé la fin de cette supercherie. Au rythme successif des soulèvements, les Iraniens ont montré qu’ils sont tournés vers l’avenir et progressent vers une république démocratique.
Malgré l’apparence d’un affaissement de la flamme de la révolte en Iran, il faut reconnaitre que les causes qui l’ont déclenchées sont toujours vives et peuvent redémarrer à tout moment. Cela suscite une très forte inquiétude au sommet de l’Etat, les médias iraniens rapportant quotidiennement les mises en garde des autorités sur les dangers à venir pour la survie même du régime.
La gronde populaire reste palpable pour deux raisons. D’abord, les perturbations socio-économiques causées par les politiques prédatrices du régime qui attisent le mécontentement. Ensuite, l’existence d’une résistance organisée qui oriente le mécontentement vers le soulèvement à l’échèle nationale.
Question 2 : Pourtant, avant la révolte de 2022, les « spécialistes » de l’Iran en Occident vendaient l’idée que les Iraniens ne voulaient pas d’une révolution ?
En effet le lobby du régime a toujours cherché à nier les conditions d’un changement radical en Iran. En effectuant une recherche simple sur les tribunes médiatiques, on peut facilement trouver l’adresse des narrateurs de fables qui pendant longtemps répétaient la même rengaine, telle que : le régime bénéficie d’un pourcentage non négligeable de popularité auprès des Iraniens ; l’Iran n’est pas une dictature mais une démocratie que se joue entre factions dure et modérée ; le peuple est trop nationaliste pour se tourner contre son régime ; la jeunesse iranienne ne pense qu’à trouver juste une espace de liberté pour s’amuser et n’est pas prêt à se révolter ; le régime tiendra malgré les sanctions internationales ; la population tient l’Occident comme responsable de ses souffrances en raison des sanctions et non la République islamique ; Et surtout : le peuple iranien ne veut plus d’une autre révolution. A cette longue litanie faite de préjugés maintenus délibérément, ajoutons celui qui prétend qu’il n’y a pas d’alternative ! Cerise sur le gâteau. Alors contentons-nous de ce régime hideux ! Parce qu’il vaut mieux composer avec les mollahs au pouvoir plutôt que de changer de régime.
Mais, le peuple iranien a balayé d’un revers de la main toutes ces inepties que l’on nous rabâchait pendant des années. Sa jeunesse a montré par son courage qu’elle est bien déterminée à faire une révolution démocratique, prenant des risques énormes, la population est venue dans la rue pour revendiquer le renversement du régime dans sa totalité. Ce peuple a mis fin au jeu de dupe des factions internes du régime et enterré le mirage d’une réforme de la théocratie des mollahs.
Le régime a été incapable de faire de grande mobilisation ou contre-manifestations. Les gens ont applaudi les pressions internationales sur le régime, ils ont même fêté l’élimination d’une équipe de football qui incarnait la volonté du régime à manipuler les sportifs durant le Mondial au Qatar. Remarquez bien l’énorme disparité entre la réalité et les préjugés relayés par les quelques « spécialistes » de l’Iran dans les médias.
Question 3 : Concernant la question économique, pourquoi le régime ne parvient-il pas à le redresser malgré les immenses ressources naturelles dont regorge l’Iran et un marché de consommation en croissance ? Ça l’aiderait à calmer la colère populaire et garantir sa survie…
En Iran, le taux d’inflation frôle les 70 %, le déficit budgétaire est supérieur à 50% et l’indice des prix des biens de consommation a augmenté de 483% au cours des cinq dernières années. Il faut savoir qu’au moins la moitié du produit intérieur brut de l’Iran est accaparée par les activités financières et commerciales des sociétés et des fondations de la dictature religieuse et du corps des pasdarans qui imposent leur hégémonie sur l’économie iranienne.
Elles ne paient pas d’impôts et leurs revenus n’entrent pas dans le cycle économique du pays. Et en plus des revenus de leurs propres entreprises, elles engloutissent entre 25 et 30 % du budget annuel du gouvernement. Les budgets du corps des pasdaran, de la milice du Bassidj et des milices par procuration au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, ainsi que du programme nucléaire et de missiles et de la production de drones pèsent lourdement sur l’économie iranienne.
Ce sont elles aussi qui ont absorbé la majeure partie des retraits du “Fonds national de développement” ces dernières années. En conséquence, sur les 150 milliards de dollars de réserves de ce fonds, 140 milliards ont été aspirés. Les compagnies du corps des pasdarans et de l’organisme du guide suprême contractent des prêts bancaires gigantesques jamais remboursés.
En raison de ces politiques désastreuse, ces dix dernières années, la croissance économique de l’Iran a été pratiquement nulle. Or, durant la même période, la population iranienne a augmenté de onze millions d’habitants. Le pouvoir de création d’emplois de l’économie est nul ou très faible la plupart des années. La population inactive du pays a atteint 59%.
Cette situation économique du pays reflète par ailleurs la phase finale de la dictature religieuse dont le soutien social s’est réduit comme une peau de chagrin.
Question 4 : Quelle est la stratégie de la résistance pour renverser la dictature ?
Malgré les nombreuses arrestations, les unités de résistance gagnent du terrain dans la plupart des provinces iraniennes. Ce sont des jeunes structurés qui mènent des activités, détruisant les symboles du régime répressif, les affiches de propagandes, , les bases des Gardiens de la révolution etc, encourageant ainsi la population à participer aux manifestations et au soulèvement. Dans les derniers soulèvements en Iran, on a vu que les manifestants dans les 282 villes qui se sont rebellées à travers l’Iran, ont suivi les mêmes tactiques que les unités de résistance et ont ciblé les symboles et les forces répressives du régime. Cela vaut également pour les slogans des manifestations qui ont été influencés par ceux de la résistance.
Tenir tête à la machine de répression n’est pas une mince affaire dans un Etat tortionnaire. L’objectif des unités de résistance est de briser le climat de terreur en défaisant la toute-puissance des mollahs et montrer qu’on peut tenir tête à la tyrannie. En même temps, confronter le régime ainsi permet aux militants de s’organiser et de préparer le soulèvement final.
Des dizaines de responsables du régime ont mis en garde ces derniers mois au sujet de l’OMPI et ont souligné son « rôle principal » dans le soulèvement récent en Iran. Mohammad Bagher Ghalibaf, président du Parlement, a déclaré : « Regardez la réaction de la République islamique face aux actions du groupe hypocrite (OMPI), qui a joué un rôle principal dans l’organisation des récents incidents à l’intérieur du pays. » (Intervention lors d’un rassemblement à Qom, le 13 juillet 2023)
Le quotidien Iran, qui relate les positions du gouvernement de Raïssi, a pour sa part écrit, le 1er octobre 2022 : « L’un des groupes terroristes qui ont tenté de créer le chaos dans le pays en utilisant des équipes organisées lors des récentes émeutes était le groupe terroriste de l’OMPI (monafeghine). Ces derniers jours, 49 individus et associés du groupe hypocrite ontété arrêtés.»
Par ses capacités avérées à organiser la résistance dans le pays où elle a joué un rôle crucial dans les soulèvements récents de la population, par sa base populaire qui lui permet d’avoir accès aux renseignements secrets des plus hautes instances du régime, la Résistance iranienne est une menace réelle pour le régime.
Question 5 : Quelle est l’alternative pour le régime en place ?
Au siècle dernier, deux courants politiques se sont affrontés : d’un côté un système hautement autoritaire pour l’édification duquel les régimes monarchique et clérical, malgré leurs différences manifestes. En face un mouvement perpétuel d’un front pour instaurer la liberté et une république fondée sur la souveraineté populaire.
Le modèle de la monarchie, qui est celui de la dépendance et de la tyrannie, a échoué et fut renversé par le peuple. Le modèle du guide suprême, qui est celui de la tyrannie religieuse, a également échoué et est sur le point de s’effondrer.
C’est pourquoi les tentatives de récupération du soulèvement récent en Iran par les héritiers de la dictature monarchique ont également échoué. Le mot d’ordre dominant lors du soulèvement se résume ainsi : ni chah, ni mollah ! C’est la démarcation avec des systèmes fondés sur la torture, le meurtre, le pillage, et l’usurpation des biens du peuple.
Face aux deux dictatures du chah et des mollahs, c’est l’alternative démocratique et républicaine qui émerge. La coalition du CNRI est le point dorsal de cette alternative qui se fonde sur le principe des libertés et de la souveraineté populaire, dont le suffrage universel, la démocratie, l’égalité entre les femmes et les hommes, l’autonomie des minorités ethniques, le respect des droits humains, la participation du peuple à son propre destin, la justice économique et sociale. C’est pourquoi le plan en 10 points de Maryam Radjavi, présidente-élue du CNRI, pour le future Iran vient d’être soutenu par plus de 3600 membres des parlements de 40 pays du monde .
Le CNRI a élaboré une feuille de route précise de l’alternance : des élections libres auront lieu dans les six mois suivant le renversement du régime pour former l’Assemblée constituante avant de transférer le pouvoir aux représentants élus du peuple.
D’ici là, la politique avisée pour les gouvernements occidentaux n’est plus la complaisance et le marchandage avec les mollahs. Cette politique devrait être celle d’accompagnement et de dialogue avec la Résistance iranienne. C’est le meilleur message de force et de fermeté envoyé à la théocratie des mollahs, lui signifiant que nous ne sommes pas tenus à nous plier éternellement face au dictat du chantage nucléaire et de la prise d’otage à répétition. Que l’avenir de l’Iran, avec la liberté chérie écrite à son destin, sera bâtit avec les Iraniens non avec ses bourreaux.
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