Lundi, un procureur du canton de Vaud en Suisse a demandé que 14 iraniens, responsables du meurtre brutal d’un opposant célèbre du régime des mollahs, en 1990, soient absous. Selon la déclaration du procureur, mercredi prochain devrait marquer la fin du délai de prescription de ce crime. Après cette date, aucun des auteurs de ce crime, ne pourrait être l’objet de poursuites pour le meurtre du docteur Kazem Radjavi.
Par la suite, la révélation de certains détails a accentué l’importance et la gravité de cet assassinat. En effet, sa mise en œuvre impliquait l’existence d’une coopération entre plusieurs agences et ambassades du régime des mollahs et supposait qu’au moins 13 agents se rendent en Suisse munis de « passeports de service », juste avant le meurtre, puis s’en retournent rapidement en Iran, via l’Autriche. Les enquêtes menées par les autorités européennes ont fini par identifier les noms des 13 coupables ; de leur côté, les Suisses acceptaient de finalement délivrer des mandats d’arrêt pour chacun d’entre eux, et plus tard, pour Ali Fallahian, qui était alors ministre des Renseignements iranien, et commanditaire de l’assassinat.
La décision et son timing semblent pour le moins étranges !
En premier lieu, la décision de ne pas procéder à un procès devant un tribunal suisse durant ces trente ans est étrange. Parmi les centaines d’assassinats politiques extraterritoriaux, perpétrés par des tueurs à gages du régime des mollahs, dans le monde, celui de Kazem Radjavi est l’un de ceux qui disposent des preuves les plus abondantes et incriminant le régime iranien à plusieurs titres, dont en premier lieu, l’usage des moyens diplomatiques et l’implication de l’appareil étatique. Trente ans, à faire traîner en longueur, un procès, au dossier si chargé, ne pouvait être interprété autrement, par les mollahs au pouvoir que comme un signe d’apaisement manifeste, voire comme une invitation à se sentir sécurisé.
Il n’y a guère de pire moment pour envoyer ce genre de message à l’Iran. La clôture imminente de cette affaire d’assassinat intervient, sept mois à peine après l’une des pires mesures de répression, menée par l’Iran contre la dissidence depuis la période sanglante des années 80.
Après l’annonce d’une flambée du prix de l’essence fixée par le gouvernement, des manifestations ont éclaté, en signe de protestation partout en Iran ; les autorités ont réagi avec une violence accrue, en tirant sur des manifestants à balles réelles, pour tuer plutôt que pour blesser. Une fois, les troubles maîtrisés, on a pu compter 1 500 morts, mais ce nombre est destiné à augmenter, à mesure que succomberont des suites de leurs blessures ou infections non soignées, en prison dans l’attente des poursuites engagées à leur encontre, pour avoir manifesté pacifiquement.
Au cœur de cette crise profonde, le régime se trouve contraint à un changement de visage et d’attitude, sans précédent. Ainsi les soi-disant modérés sont expulsés du 11ème Majles, ou parlement. Le président des mollahs, Rouhani, considéré comme la figure principale de la faction « réaliste » du régime, est invité à démissionner un an avant les soi-disant élections présidentielles. La raison en est que désormais le régime ne saurait tolérer les moindres signes de modération.
Ebrahim Raissi, surnommé le bourreau de 1988, dirige le pouvoir judiciaire. Il est considéré comme l’un des principaux éléments de la mise en œuvre, en été de 1988, de la fatwa de Khomeiny destinée à tuer plus de 30000 prisonniers politiques, qui fidèles à l’opposition MEK, purgeaient leur peine dans les prisons du pays.
A ce jour, si la décision du procureur suisse est maintenue, il faut s’attendre à ce qu’au sein du régime iranien se développe un sentiment de plus grande confiance encore, quant à sa capacité à commettre des crimes à l’échelle mondiale et à s’en tirer.
Raissi est censé faire preuve de « fermeté », face aux protestations populaires exacerbées par la montée de la pression sociale qui fait suite à la mauvaise gestion par le régime, de la crise du coronavirus.
La semaine dernière, son conseiller pour les droits de l’Homme, Ali Bagheri, ne déclarait-il pas, dans une interview, qu’il avait l’intention d’utiliser des mécanismes internationaux pour faire pression sur l’opposition, à l’étranger ? Il a mentionné également, la possibilité d’utiliser des négociations diplomatiques, avec l’effet de levier que pourraient entraîner des pourparlers sur le nucléaire, en vue de freiner les voix d’opposition à l’extérieur du pays. Le résultat immédiat d’une telle négociation serait une plus grande répression à l’intérieur du pays.
Pas moins de 10 000 personnes, arrêtées lors du soulèvement de novembre dernier, sont toujours incarcérées. Compte tenu de l’état d’esprit de Raissi et sachant qu’il s’est récemment vanté de son rôle dans les massacres massifs de prisonniers politiques en 1988, le niveau d’anxiété suscité par le sort de ces nouveaux prisonniers pourrait monter.
Plongé dans une profonde crise existentielle, le régime des mollahs a choisi de se durcir. Le monde ne devrait pas lui permettre de suivre cette voie. La décision de la Suisse de clore le dossier de Kazem Radjavi est un pas dans cette direction. Avec pour conséquence que le peuple iranien aurait à en payer le prix.
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