jeudi 10 décembre 2020

Iran: Pour Amnesty International, la récente lettre d’experts de l’ONU est une étape décisive dans la quête de la justice pour le massacre de 1988 en Iran

CNRI - Dans une annonce faite mercredi, Amnesty International a qualifié la récente lettre d’un groupe d’experts des droits de l’homme des Nations unies sur le massacre des prisonniers politiques en Iran de 1988 comme une “étape décisive” dans la quête de la justice pour les victimes de 1988, qui dure depuis trois décennies.

Dans leur lettre aux autorités du régime, les experts de l’ONU ont souligné que, sur la base des faits, le massacre de 1988 « pourrait constituer un crime contre l’humanité ».  Ils ont également réitéré que si le régime refuse de mener une enquête et « de respecter ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme », ils appellent « la communauté internationale à prendre des mesures pour enquêter sur ces affaires, notamment par la mise en place d’une enquête internationale ». 

Rendre des comptes

Amnesty International s’est réjouie de cette initiative et l’a qualifiée d’ « un appel pressant à rendre des comptes », à la veille de la Journée internationale des droits de l’homme.

« Cette communication des expert.es des Nations unies est une avancée capitale. Il s’agit une étape décisive pour le combat de longue date que mènent les familles de victimes et les survivant.es, avec le soutien d’organisations iraniennes de défense des droits humains et d’Amnesty International, pour mettre un point final à ces crimes et obtenir vérité, justice et réparation », a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient.

« Pendant plus de trente ans, les autorités iraniennes ont systématiquement dissimulé les circonstances de leur mort et les lieux où se trouvaient les corps, soumettant ainsi les victimes, à savoir les personnes tuées et leurs familles survivantes, au crime de disparition forcée », explique Amnesty.  

Massacre sur ordre de Khomeiny

Au cours de l’été 1988, le régime iranien a exécuté sommairement et extrajudiciairement des dizaines de milliers de prisonniers politiques à travers l’Iran. Le massacre a été perpétré sur l’ordre d’une fatwa du Guide suprême du régime de l’époque, Rouhollah Khomeiny.  

Plus de 30 000 prisonniers politiques ont été exécutés, pour la plupart des membres et des sympathisants de l’organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran  (OMPI/MEK). De nombreux auteurs de ce massacre, dont l’actuel ministre de la Justice Alireza Ava’i et le chef du pouvoir judiciaire Ebrahim Raïssi, occupent aujourd’hui des postes de haut niveau en Iran. 

Amnesty avait précédemment publié un rapport, après avoir interrogé de nombreux survivants du massacre de 1988 et les membres des familles des victimes, intitulé “Blood-Soaked Secrets”, des secrets couverts de sang.   

Un rapport d’Amnesty

« Entre fin juillet et septembre 1988, les autorités iraniennes ont soumis des milliers de détenu·e·s à des disparitions forcées et des exécutions extrajudiciaires en raison de leurs opinions politiques, et se sont débarrassées de leurs corps dans des fosses communes ou des tombes individuelles anonymes. Selon les estimations, au minimum 5 000 personnes ont été tuées. Depuis, les autorités font vivre un calvaire aux familles en refusant de leur révéler quand, comment et pourquoi leurs proches ont été tués et où se trouvent leurs corps. Pour maintenir le secret, elles ont également détruit les sites de fosses communes et interdit les commémorations.

« Des organes du pouvoir judiciaire, du ministère public et du gouvernement, censés veiller à ce que justice soit rendue pour les crimes passés et actuels, sont composés notamment de hauts responsables qui auraient été impliqués dans les homicides. Amnesty International appelle l’ONU à mener des enquêtes indépendantes et efficaces sur les exécutions extrajudiciaires perpétrées en 1988 et sur les disparitions forcées des victimes et la torture et les mauvais traitements infligés aux familles des victimes », écrit Amnesty dans ce rapport.  

Le massacre de 1988 reste l’une des taches les plus sombres de l’histoire récente de l’humanité, comme l’un des crimes contre l’humanité les moins dénoncés et les moins discutés. 

Mettre fin à l’impunité

L’incapacité de la communauté internationale à tenir le régime responsable de son crime majeur contre l’humanité en 1988 a encouragé le régime à poursuivre ses violations des droits humains.

Comme l’a déclaré la présidente élue de l’opposition, Mme Maryam Radjavi : « Le massacre de 30.000 prisonniers politiques sans défense en 1988, dans lequel les anciens et actuels dirigeants du régime ont été impliqués et qu’ils continuent à défendre effrontément, sont les cas les plus manifestes de crime contre l’humanité. L’inaction face à la poursuite de ce crime est une plaie sur la conscience de l’humanité. » 

Comme elle l’a répété maintes fois : « Le temps est venu pour la communauté internationale de mettre fin à trois décennies d’impunité pour les dirigeants du régime clérical en Iran et de les tenir pour responsables de leurs crimes. Le temps est venu de soumettre le dossier des violations des droits humains en Iran, en particulier les exécutions des années 1980 et le massacre de 1988, au Conseil de sécurité de l’ONU. Le temps est venu pour Khamenei et ses complices de faire face à la justice pour avoir commis des crimes contre l’humanité. Le temps est venu pour les Nations Unies de lancer une mission internationale d’enquête sur le massacre de 1988 en Iran. » 

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