mardi 5 février 2019

Torture en Iran : Deux militants des droits du travail risquent d'être de nouveau torturés


amnesty international iranAmnesty International, 29 janvier 2019 - Les militants iraniens des droits du travail Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian, de nouveau arrêtés le 20 janvier après avoir dénoncé les coups et autres violences qu’ils ont subis en détention fin 2018, risquent fortement d’être une fois de plus soumis à des tortures.

Ils doivent être libérés immédiatement et sans condition, car il s’agit de prisonniers d’opinion incarcérés uniquement en raison de leur militantisme pacifique en faveur des droits des travailleurs.

PASSEZ À L’ACTION : ENVOYEZ UN APPEL EN UTILISANT VOS PROPRES MOTS OU EN VOUS INSPIRANT DU MODÈLE DE LETTRE CI-DESSOUS : 
M. Hassan Rouhani, Président
c/o Permanent Mission of Iran to the UN
Chemin du Petit-Saconnex 28
1209 Geneva, Suisse
Fax : +41 22 733 02 03
Courriel : iranunog@mfa.gov.ir

Monsieur le Président,
Je vous adresse ce courrier afin de vous faire part de ma vive inquiétude au sujet d’Esmail Bakhshi et de Sepideh Gholian, militants iraniens des droits du travail. Ils ont une nouvelle fois été arrêtés de façon violente par des agents du ministère du Renseignement à Ahvaz, dans la province du Khuzistan, le 20 janvier, semble-t-il à titre de représailles dues au fait qu’ils ont dénoncé les tortures qu’ils affirment avoir subis en détention en novembre et décembre 2018. Ils sont depuis lors détenus, sans pouvoir communiquer avec leurs avocats, dans un centre du ministère du Renseignement à Ahvaz et risquent de subir des actes de torture et des mauvais traitements.
Ces militants ont été initialement arrêtés le 18 novembre 2018 parce qu’ils avaient participé à un rassemblement pacifique devant le bureau du gouverneur à Suse, dans le Khuzistan, organisé dans le but de discuter du nonversement des salaires des ouvriers de l’usine de canne à sucre d’Haft Tappeh. À la suite de leur libération sous caution, mi-décembre, Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian ont raconté publiquement les actes de torture qu’ils ont subis aux mains de policiers et d’agents du Renseignement, à Suse et à Ahvaz. Ils ont dit avoir été frappés sans relâche, projetés contre un mur et jetés à terre, humiliés par des insultes à caractère sexuel et menacés de coups de fouet, de violences sexuelles et de mort.
Les autorités ont tout d’abord réagi en s’engageant à enquêter sur ces allégations de torture. Or, quelques jours après, de hauts représentants du gouvernement, dont le chef du pouvoir judiciaire, le procureur général du pays et le chef de cabinet du président, ont déclaré que ces allégations de torture étaient fausses et ont menacé de porter plainte contre Esmail Bakhshi au motif qu’il avait jeté le discrédit sur le régime de la République islamique.
C’est pourquoi je vous demande :
• de veiller à ce qu’Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian soient libérés immédiatement et sans condition, car ce sont des prisonniers d’opinion incarcérés uniquement pour avoir exercé sans violence leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion ;
• dans l’attente de leur libération, de faire en sorte qu’ils ne soient pas soumis à de nouveaux actes de torture ou autres formes de mauvais traitements ;
• de veiller à ce que leurs allégations de torture fassent l’objet d’investigations et à ce que les responsables présumés soient traduits en justice dans le cadre de procès équitables.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération,

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Esmail Bakhshi est un ouvrier de l’usine de canne à sucre d’Haft Tappeh, qui a pris courageusement la parole lors des manifestations pacifiques organisées par des ouvriers de l’usine pour dénoncer le non-paiement des salaires et les conditions de travail. Sepideh Gholian, étudiante à l’université, est une jeune militante des droits du travail qui a participé aux manifestations des ouvriers d’Haft Tappeh et soutient leurs revendications via ses commentaires et ses posts sur les réseaux sociaux. Arrêtés le 18 novembre 2018, ils ont tout d’abord été emmenés au bureau de la police à Suse, dans le Khuzistan. Sepideh Gholian a affirmé qu’à leur arrivée, elle a été battue, jetée contre un mur et frappée à l’épaule avec la lanière en métal de son sac à main.
Esmail Bakhshi s’est alors interposé, et les policiers l’ont propulsé à terre, lui ont attaché les mains derrière le dos et l’ont roué de coups. Les deux militants ont alors été emmenés, les yeux bandés, dans un lieu tenu secret à Suse. Selon eux, cet endroit dépendait du ministère du Renseignement. Puis ils ont été conduits, séparément, devant un haut responsable du ministère et un responsable des services du procureur. Après leur libération, Sepideh Gholian a déclaré à Amnesty
International : « L’agent des services de renseignement m’a giflée et copieusement insultée. Il a employé un langage très vulgaire et violent, m’a traitée de " putain ", m’a accusée d’avoir des relations sexuelles avec des ouvriers d’Haft Tappeh, et a menacé de demander à ma famille de me tuer pour préserver l’honneur. »
Esmail Bakhshi a déclaré : « J’ai été conduit, les yeux bandés et les mains menottées, dans une pièce et on m’a ordonné de m’agenouiller à terre. Deux hommes ont alors commencé à me rouer de coups de pied à la poitrine, au visage et à la tête. Ma tête a cogné contre un mur et j’ai eu des blessures au visage. Ils m’ont emmené dans une cour extérieure et m’ont ligoté les mains à une barre de métal. Il faisait froid et je tremblais. Pourtant, ils m’ont laissé là pendant une ou deux heures. »
Après plusieurs heures passées dans ce lieu tenu secret à Suse, Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian ont été transférés à bord d’un van jusqu’à un centre de détention du ministère du Renseignement à Ahvaz. D’après le témoignage qu’ils ont livré à Amnesty International, ils ont été torturés durant le transfert qui a duré environ 1h30. Selon Sepideh Gholian, les agents lui ont ordonné de pencher la tête en avant et lui ont asséné des coups répétés sur la nuque, lui ont dit des obscénités et l’ont contrainte à se qualifier elle-même de « putain ». Esmail Bakhshi a déclaré qu’ils lui avaient tiré les cheveux, l’avaient frappé au visage, à la poitrine, dans le dos, à l’estomac et à la gorge à coups de poings et de matraques, et l’avaient étranglé à de multiples reprises. Il a ajouté qu’ils lui avaient également écarté les jambes avant de lui asséner plusieurs coups sur les testicules, tout en le forçant à s’auto-humilier en se traitant de termes vulgaires : « La douleur était terrible, j’ai perdu connaissance à trois reprises. » Du fait de ces violences, il présentait de multiples blessures : « Pendant plusieurs jours, je
pouvais à peine marcher. J’ai eu de la fièvre et un rhume. Mon visage était gonflé et des caillots de sang sortaient de mon nez.
Je ne pouvais pas bouger la mâchoire pour mâcher les aliments. Lorsque j’urinais, je ressentais des brûlures terribles et j’avais tellement mal que je souffrais même en dormant. Près de deux mois plus tard, je ressens toujours des douleurs au niveau de mes côtes cassées, des reins, des oreilles et des testicules. » Il a ajouté qu’il n’a bénéficié d’aucun soin médical pendant sa détention et s’est vu refuser l’accès à son inhalateur pour l’asthme et à ses antidépresseurs. Un médecin du centre de détention lui a rendu visite au bout de 21 jours ; il n’a passé que quelques minutes avec lui et a ignoré les marques de torture sur son corps.
Esmail Bakhshi et Sepideh Gholian ont déclaré qu’à leur arrivée au centre de détention du ministère du Renseignement à Ahvaz, ils ont été avertis que le pire était à venir. Les agents leur ont dit : « Cet endroit est la fin du monde. Les droits humains n’existent pas ici et vous n’avez pas d’autre choix que d’avouer comme un chien. » Ils ont ensuite été séparés et placés dans des cellules qui jouxtaient les chambres de torture. Ils entendaient les cris et les gémissements des autres détenus soumis à la torture de jour comme de nuit, ce qui a déclenché chez eux une grave détresse psychologique – peur, angoisse, cauchemars et perte de sommeil notamment. Tout au long de leur  détention, ils ont subi des interrogatoires violents qui commençaient souvent à 10 heures du matin pour se terminer aux premières heures le lendemain. Ils n’ont pas pu s’entretenir avec leurs avocats durant cette période. Au cours de ces interrogatoires prolongés, ils étaient assis les yeux bandés, face à un mur, ce qui leur causait des douleurs au dos et des engourdissements au niveau des jambes.
Sepideh Gholian a déclaré que les agents chargés de l’interroger, tous des hommes, ont plusieurs fois fait valser à coups de pieds la chaise sur laquelle elle était assise et ont menacé de lui infliger des violences sexuelles, des coups de fouet et de la tuer. Ils lui ont mis un câble dans la main et lui ont demandé en se moquant si elle imaginait ce que ce serait de recevoir des dizaines de coups avec ce câble. Ils lui ont également montré un lit auquel les prisonniers sont sanglés pour être fouettés, tandis qu’elle pouvait entendre les cris d’hommes et de femmes roués de coups dans les pièces voisines et ils ont menacé de lui faire subir le même sort si elle ne passait pas aux aveux. Esmail Bakhshi a déclaré que des agents lui ont menti en lui disant que les proches de Sepideh Gholian avaient lancé une attaque armée contre son domicile, parce qu’ils croyaient qu’il avait une liaison avec elle, et que sa propre famille était désormais à la rue et se cachait.
Le 19 janvier 2019, la veille de l’arrestation des deux militants, la télévision d’État a diffusé les « aveux » qui, selon eux, leur ont été extorqués sous la torture. Dans ces vidéos, ils avouent leur « complicité » avec des organisations marxistes et communistes étrangères dans le but d’orchestrer le renversement du régime de la République islamique, en organisant des grèves et des manifestations ouvrières. Selon Esmail Bakhshi, avant de filmer ces « aveux », les agents chargés de l’interroger l’ont peigné, l’ont rasé et lui ont donné un texte à lire. Ils ont arrêté l’enregistrement à plusieurs reprises, lui hurlant dessus au motif que les expressions de son visage n’exprimaient « pas assez de regrets ». Selon Sepideh Gholian, elle a subi une pression si intense pour avouer que lors de ces interrogatoires, elle hurlait et tremblait sans pouvoir se contrôler.

LANGUE(S) À PRIVILÉGIER POUR LA RÉDACTION DE VOS APPELS : anglais, persan
MERCI D’AGIR DANS LES PLUS BREFS DÉLAIS ET AVANT LE : 12 mars 2019
Au-delà de cette date, vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir.
PRÉNOM, NOM ET PRONOM À UTILISER : Esmail Bakhshi (il/lui) et Sepideh Gholian (elle/elle)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire