Selon le journal Sharq, à la mi-mars 2017, Nima Keshvari et huit autres administrateurs des chaînes Telegram ont été convoqués par l’une des agences de renseignement du régime. Cette décision a suscité des protestations de la part de certains députés alignés sur la faction dite « réformiste ».
Suite à une enquête parlementaire menée par Mahmoud Alavi, alors ministre du Renseignement (Vevak), l’un des députés, Alireza Rahimi, a écrit sur Telegram : « Le ministre du Renseignement a déclaré que le ministère n’avait aucune implication dans la détention et le cas de ces administrateurs et qu’une autre organisation de sécurité avait pris l’initiative de leur arrestation. Il a en outre ajouté qu’il ne trouvait aucune justification aux accusations portées contre ces administrateurs et qu’il n’était pas au courant des détails de cette affaire. »
La situation a attiré davantage l’attention lorsque Hassan Rohani s’est prononcé sur l’affaire : « Une méthode qui a été utilisée, et nous espérons qu’elle ne le sera plus, est la pratique consistant à arrêter quelqu’un jeudi alors que sa convocation est pour le samedi suivant, ce qui les a conduits à passer quelques nuits derrière les barreaux. Juste avant les vacances de l’Aïd, des jeunes ont été arrêtés. J’ai immédiatement demandé un rapport au ministre du Renseignement et, sur la base des informations disponibles, il est apparu que ces individus n’avaient commis aucun crime. »
Rivalité mortelle
Des personnalités de l’administration Rohani se sont rassemblées lors de la cérémonie funéraire de Nima Keshvari, qui s’est tenue à la mosquée de Yousef Abad. Parmi les participants notables figuraient l’ancien ministre du Renseignement Mahmoud Alavi et d’anciens adjoints présidentiels tels que Masoumeh Ebtekar, Jamshid Ansari et Mohsen Mehr-Alizadeh, actifs sous Mohammad Khatami.
Lors des funérailles, Mahmoud Alavi, ancien chef du Vevak, a réfuté les allégations suggérant que le gouvernement Rohani aurait fourni des fonds et des informations à des chaînes Telegram spécifiques. Il a également critiqué les personnes qui avaient interrogé Nima Keshvari et fait pression pour qu’elle avoue qu’elle a reçu des paiements de l’administration Rohani.
Les circonstances suspectes entourant la mort de Nima Keshvari, ainsi que les réactions des médias d’État et des responsables, soulignent une vive lutte intestine au sein du pouvoir iranien. Ces conflits internes en disent long sur la nature de l’establishment et ses discours trompeurs.
Cyberguerre intérieure
Le 17 juin 2022, l’agence de presse officielle IRNA a publié un communiqué de l’Organisation de renseignement du Corps des Gardiens de la révolution islamique, faisant état de l’arrestation de trois administrateurs de chaînes Telegram, tels que « Akhabar-e-Nimeh Mahramaneh [persan pour confidentiels], Saraer [persan pour secrets] et Sayenevis [persan pour écrivain fantôme] pour « publication de documents classifiés et trouble à l’ordre publique ».
Parmi les accusations portées : « ils auraient tenté de gagner la confiance de leur public en publiant des documents classifiés, puis en diffusant des informations sélectives et fausses afin de créer des divisions parmi les responsables du régime. »
L’une des personnes arrêtées, Ali Qolhaki, était connu comme un activiste médiatique ayant des liens avec des sources de renseignement. Bien que les raisons précises de leur détention n’aient pas été fournies, l’un des reportages publiés par ces chaînes Telegram a évoqué une altercation verbale entre l’ancien négociateur nucléaire Saeed Jalili et l’ancien président du Parlement Ali Larijani lors d’une session du Conseil de discernement des intérêts de l’Etat. Cette séance aurait impliqué une proposition de Saeed Jalili visant à se retirer du TNP (Traité de non-prolifération), à laquelle se sont opposés Ali Larijani et son frère Sadegh Larijani.
Après l’arrestation de Qolhaki, des autorités ont exprimé leur soutien à la décision du CGRI et ont accusé les personnes arrêtées d’agir au profit des ennemis de l’Etat.
Dans une déclaration révélatrice, Ali Akbar Raefipour, une personnalité médiatique liée au guide suprême Ali Khamenei, a révélé les tactiques de désinformation du régime, notamment le fait que des cyber-activistes spécifiques étaient rémunérés pour leur implication dans les campagnes de désinformations du régime sur les réseaux sociaux : «Le chef de ce groupe est un accapareur agressif de projets, comme je l’ai déjà prévenu. »
Cette référence rappelle son avertissement précédent : « Il y a quelques jours, j’ai appris lors d’une réunion que ces bandits médiatiques s’attribuaient le mérite du succès mondial du hashtag #hero (lié au martyre du général Soleimani), qui, comme l’année précédente, était le résultat des efforts de la jeunesse révolutionnaire, en particulier de Masaf [son propre réseau]. Ces voyous des médias, pour leur trahison des biens publics, devraient en subir les conséquences. »
L’aspect intrigant ici ne réside pas dans la rivalité intense entre les différentes factions de la cyber-armée du régime. Il révèle une réalité troublante d’un régime qui a recourt à des méthodes violentes pour gérer ses luttes intestines pour le pouvoir.
Comme l’écrit le journal Ruydad 24 : « De nombreux militants politiques réfléchissent aux motivations des organes de sécurité qui se cachent derrière l’arrestation de ces administrateurs de chaînes. Cela soulève d’autres questions pour lesquelles nous manquons de réponses définitives. Si l’incitation à des conflits entre représentants de l’État est considérée comme un crime, pourquoi ces individus, ainsi que d’autres sites Web officiels faisant la promotion de ce programme, n’ont-ils pas été traités pendant les huit années du mandat du président Rohani ? Une autre question concerne l’influence des médias associés aux Gardiens de la révolution et la question de savoir si le CGRI maintient une présence officielle sur des plateformes comme Telegram et Twitter. Il semble que les arrestations de ces administrateurs de chaînes Telegram aient été sélectives. Curieusement, plusieurs chaînes de Telegram, dont les administrateurs sont accusés d’extorsion de la part des conservateurs, opèrent sous la bannière officielle des Gardiens de la révolution.»
À la date de ce rapport, aucune information n’était disponible sur le sort d’Ali Qolhaki, dont le compte Twitter, avec plus de 80 000 abonnés, est resté silencieux depuis le 10 juin 2022.
Conclusion
Un rapport du CNRI fournit les détails sur la structure complexe, les tactiques et les antécédents de divers organes de la cyber-armée du régime iranien. Le rapport met en lumière l’histoire de l’un de ses fondateurs mécontents, Mohammad-Hossein Tajik, qui a finalement été menacé, enlevé et tué en 2016.
Au milieu d’un réseau complexe de crises nationales et internationales qui menacent son emprise sur le pouvoir, la dictature cléricale est devenue de plus en plus intolérante devant toute défection et même actes mineurs de dénonciation. Cela met en évidence la vulnérabilité du régime.
Dans ce système oppressif, la complicité a toujours été le seul moyen de gagner la confiance et d’exercer une influence dans les positions d’autorité. Par conséquent, toute tentative véritable de faire défection ou de dénoncer les actes répréhensibles du régime risque de devenir une menace existentielle. Cela souligne clairement l’incapacité inhérente du régime et sa réticence à se réformer. Ainsi, la seule voie à suivre est de mettre fin à cette dictature, transformant ses crimes en leçons pour l’histoire et pour créer un monde meilleur.
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