Les autorités iraniennes ont renforcé leur emprise sur les activités syndicales au cours des dernières années, et les militants syndicaux sont loin d'être une exception.
En effet, si des représentants de diverses industries se sont heurtés à des refoulements pour avoir organisé des manifestations de défense des droits collectifs de leurs collègues, une rétrospective des mesures de répression dans le domaine de l’éducation donne à penser que les autorités réservent un vitriol spécial aux enseignants du pays.
Jusqu'à présent cette année, des enseignants et des éducateurs-activistes iraniens ont été arrêtés par des agents de sécurité, traduits en justice sous diverses allégations, condamnés à de longues peines d'emprisonnement, flagellés et exilés.
En ce tournant de la nouvelle année universitaire iranienne, ce rapport revient sur les affaires de plusieurs enseignants persécutés par les autorités, cette année.
Mohammad Habibi, Activiste syndical, membre du conseil d’administration de l’Union syndicale des enseignants dans la province de Téhéran
Le 10 mai 2018, le conseil de coordination des syndicats d'enseignants a exhorté les enseignants, qu'ils soient retraités ou employés, à se rassembler pour protester à travers le pays. À Téhéran, plusieurs de ceux qui ont répondu à l’appel ont été battus et arrêtés et cinq jours plus tard, Habibi a été transféré au grand pénitencier de Téhéran ; tous sauf Habibi ont été libérés sous caution.
Le cas d’Habibi - qui a récemment incité plus de 1400 militants civils et syndicaux à écrire au Guide suprême iranien pour qu’il reçoive des soins médicaux - sera examiné par la 36ème section de la cour d’appel de Téhéran, présidée par le juge Seyed Ahmad Zargar. L’avocat de M. Habibi, Hossein Taj, a déclaré à un correspondant de l’agence de presse officielle IRNA, lundi 17 septembre, que la date de son audience n’avait pas encore été fixée. Cumulativement, ses accusations seraient passibles d’une peine de dix ans : sept ans et demi pour des « délits liés à la sécurité nationale », 18 mois pour « propagande contre le régime » et 18 mois pour « perturbation de l’ordre public ». En plus de ses peines de prison, il a été condamné à deux ans d’interdiction d’activités politiques et civiques, à une interdiction de voyager de deux ans et à recevoir 74 coups de fouet.
Habibi souffre de douleurs thoraciques et d'infections de la gorge et des poumons, consécutives à aux blessures qu’il a subies de la part des autorités lors de son arrestation, et malgré cela, on refuse toujours de lui accorder des soins médicaux. Selon les rapports de HRANA, l’hôpital où il a été envoyé, a refusé de le soigner et l’a renvoyé au quartier 4 de la prison d’Evine le lundi 3 septembre 2018, où il est enfermé, depuis.
Le cas d’Habibi - en particulier son mauvais état de santé - a récemment été soutenu par des organisations d’enseignants à l’étranger. Dans une lettre adressée à l’ayatollah Ali Khamenei, les syndicats français CFDT, CGT, FO, Solidaires et UNSA ont tenu le guide suprême responsable du sort d’Habibi et ont qualifié son emprisonnement de violation des droits humains et des libertés fondamentales des syndicats. En mai 2018, le secrétaire général de l'Education International (EI), David Edwards, a dénoncé avec véhémence l'arrestation et la détention de Habibi, exigeant sa libération immédiate dans une lettre adressée au président iranien, Hassan Rohani.
L’Association du syndicat des enseignants de la province de Téhéran a condamné publiquement la récente persécution des défenseurs des droits syndicaux, exigeant également que des mesures nécessaires soient prises afin que Habibi soit immédiatement libéré.
Habibi a été arrêté sur son lieu de travail le 3 mars 2018 et emprisonné pendant 44 jours à la prison d'Evine. Le 15 avril 2018, il a été libéré sous caution d'environ 16900 euros (2,5 milliards de rials) en attendant son procès en août.
Une lettre du bureau des ressources humaines d’Habibi a confirmé qu’il ne percevait plus de salaire.
Mahmoud Beheshti Langroodi, Ancien porte-parole de l’Union des enseignants
Mahmoud Beheshti Langroodi, ancien porte-parole de l’Association des syndicats d’enseignants, n’a cessé de demander une libération conditionnelle, ayant déjà purgé la moitié de la peine de cinq ans prononcée, le 6 septembre 2015 à Evine. Les autorités ont jusqu'ici été indifférentes à ses demandes. Selon son épouse Adineh Beigi, Langroodi a commencé sa carrière d'enseignant en 1983 et il a été un employé rémunéré à l’heure, pendant les sept premières années, interrompu dans le processus de recrutement en raison de ses penchants intellectuels, prétendument opposés.
A la naissance de l’Union syndicale des enseignants au début des années 2000, il a été l’un des premiers à rejoindre son conseil d’administration et il a été élu secrétaire général lors de deux mandats. Il a également été membre du conseil en tant qu’inspecteur et porte-parole. Langroodi avait été condamné à un total de 14 ans de prison pour trois affaires distinctes jugées par des tribunaux révolutionnaires, toutes présidées par les juges « Salavati et Moghiseh ». Le 8 avril 2017, en application de l'article 134 du code pénal islamique d’Iran, qui limitent les accusations multiples à la plus lourde des peines, sa peine de 14 ans d'emprisonnement a été réduite à cinq ans. Maintenant, après avoir purgé les deux tiers de sa peine de prison, sa famille attend sa libération.
Le 2 juillet 2018, Langroodi a entamé une grève de la faim pour protester contre le mauvais traitement continu que subissent les prisonniers politiques et il a écrit une lettre ouverte pour imputer les éventuelles conséquences de sa grève de la faim à ceux qui l’avaient placé derrière les barreaux, notamment les juges et le bureau du procureur. Le 16 juillet dernier, l’Union syndicale des enseignants de la province de Téhéran a publié une déclaration condamnant le mépris de la loi de la part du pouvoir judiciaire et critiquant le procureur adjoint chargé de la prison d’Evine, pour sa négligence. La lettre a validé les demandes de Beheshti et de ses collègues enseignants emprisonnés, les exhortant à mettre fin à leur grève de la faim. Emu par la lettre de ses camarades et préoccupé par sa santé en déclin, Beheshti a mis fin à sa grève de la faim après 14 jours.
Langaroudi a été convoqué, interrogé, arrêté et détenu plusieurs fois au cours des dernières années pour ses activités syndicales pacifiques.
Esmaeil Abdi. Secrétaire général de l’Union syndicale des enseignants
Esmail Abdi, ancien secrétaire général l’Union syndicale des enseignants, purge une peine de six ans dans la prison d’Evine.
Ancien professeur de mathématiques, Abdi a été arrêté par les forces de sécurité, le 27 juin 2015 et condamné, en février 2016, par le juge Salavati de la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire, pour « propagande contre le régime » et « atteinte à la sécurité nationale ».
Le 14 mai 2016, après avoir purgé 11 mois, il a été libéré sous caution jusqu'à son procès en octobre suivant, lorsque la 36ème chambre de la cour d'appel de Téhéran a confirmé sa peine de six ans de prison. Il se trouvait dans le quartier 8 de la prison d'Evine depuis son arrestation à son domicile par les forces de sécurité, le 9 novembre 2016.
Le 14 mai 2016, après avoir purgé 11 mois, il a été libéré sous caution jusqu'à son procès en octobre suivant, lorsque la 36ème chambre de la cour d'appel de Téhéran a confirmé sa peine de six ans de prison. Il se trouvait dans le quartier 8 de la prison d'Evine depuis son arrestation à son domicile par les forces de sécurité, le 9 novembre 2016.
En vertu de l’article 134, la peine infligée à Abdi devrait être limitée à la plus lourde de ses peines multiples et ne devrait donc pas dépasser cinq ans. Reste à savoir si le pouvoir judiciaire respectera l'article 134 dans son cas.
Au cours de l'emprisonnement d'Abdi, plusieurs groupes ont dénoncé la manière dont son affaire était traitée par le système judiciaire et ils ont plaidé pour sa libération, y compris le syndicat des travailleurs la Compagnie de bus du Grand Téhéran (connu sous le nom de Sandicaye Sherkat Vahed), l’Union syndicale des enseignants, un certain nombre de militants et de syndicalistes, le Conseil de coordination de l’Union syndicale des enseignants iraniens, l’Association des enseignants kurdes et la Fédération canadienne des enseignants.
Le 24 avril 2018, Esmail Abdi a entamé une grève de la faim de 23 jours pour protester contre « la violation généralisée des droits des enseignants et des travailleurs en Iran ». L’urgence de la situation a été invoquée par Amnesty International qui a publié une déclaration demandant la libération d’Abdi, le 28 avril 2018.
Un an auparavant, Abdi avait entamé une grève de la faim pour protester contre son procès, le manque d’indépendance de la justice et la répression illégale continue des enseignants et des syndicalistes. Plus d’un mois après le début de sa grève de la faim, il a été transféré à l’hôpital et a recommencé à manger le 7 juin, à la demande de sa famille et de l’Union syndicale des enseignants.
Abdi a remporté le Prix de la solidarité de l’Association nationale de l’union des maîtresses d’école (NASUWT) en 2018 lors de sa conférence annuelle à Birmingham, en Angleterre.
Mohammad Sani, enseignant d'écoles d'exception dans le sud de l'Iran
Mohammad Sani, un enseignant de Bushehr, dans le sud de l’Iran, a été condamné à deux ans de prison et à 74 coups de fouet pour ses activités syndicales, ce qui lui a valu une condamnation pour « diffusion d’informations erronées et de trouble de l’opinion publique », en août dernier. Il attend actuellement que le Département de mise en application des peines délivre sa convocation pour commencer à purger sa peine de prison.
Une source bien informée avait précédemment déclaré à HRANA que les accusations de Sani étaient liées aux manifestations de 2015, qui ont poussé le gouvernorat du comté de Dashtestan, dans la province de Bushehr, à ouvrir un dossier contre les manifestants. « Lorsque M. Sani a répondu aux insultes du gouverneur du comté à l’égard des enseignants qui faisaient un sit-in, ils ont ouvert une affaire contre lui », a déclaré la source.
En octobre 2015, des enseignants iraniens ont organisé des manifestations pacifiques à travers le pays, exigeant la libération de leurs collègues emprisonnés, l’application de leurs demandes syndicales et la prise en compte publique des moyens de subsistance menacés des enseignants.
Ruhollah Mardani, Professeur et étudiant à l'université de Téhéran
Dans le quartier 4 de la prison d'Evine, Ruhollah Mardani purge actuellement une peine de six ans, assortie d'une interdiction pendant deux ans de défendre les droits des citoyens, y compris de voyager.
Mardani a été arrêté et transféré à la prison d'Evine, le 17 février 2018 pour sa participation aux manifestations nationales de janvier 2018. Sa première audience, qui a eu lieu en juin de cette année, l'a reconnu coupable de « propagande contre le régime » et de « rassemblement et collusion visant à porter atteinte à la sécurité nationale ».
Mardani a entamé une grève de la faim le 24 avril 2017 pour protester contre sa détention et a bloqué les procédures judiciaires pendant sa détention. Lorsque les autorités ont promis d’accélérer leur enquête le 21 mai, il a recommencé à manger après vingt-sept jours consécutifs de grève.
Une source informée a précédemment déclaré à HRANA que le Bureau de la sécurité de l’éducation avait interrompu le versement de son salaire au cours du premier mois de son arrestation, arguant qu’il ne pouvait pas être payé pendant sa détention. « Sa sécurité de l’emploi est actuellement menacée », a déclaré la source.
Mardani travaillait comme professeur consultant dans la région 4 de Karaj pendant ses études à l'université de Téhéran.
Bakhtiar Arefi, Professeur à Sardasht, dans le nord-ouest de l'Iran
Bakhtiar Arefi a commencé à purger sa peine de dix-huit mois de prison le mardi 24 juillet 2018 à la prison de Mahabad. Il a été arrêté le 25 janvier 2015 pour des raisons autres que syndicales, dont « adhésion à une organisation réformiste » et a été libéré sous caution, un mois plus tard.
Peu de temps après, devant le tribunal révolutionnaire du 25 février 2017, Arefi a été condamné à trois ans de prison. Sa peine a été confirmée à la 40ème chambre de la cour suprême, puis réduite à 18 mois par la 13ème chambre d’appel d’Oroumieh, le 30 octobre 2017, en application de l’article 18 du code pénal islamique. S'il purge sa peine comme indiqué, il sera libéré le 23 décembre 2019.
Source : Les Militants des droits de l'homme en Iran - 23 septembre 2018
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