jeudi 27 septembre 2018

Iran : La prisonnière politique Maryam Akbari Monfared joint sa voix au choeur d’éloges pour les Kurdes exécutés


maryam akbari monfared iranCSDHI - Maryam Akbari Monfared, une prisonnière politique détenue dans le quartier des femmes de la prison d’Evine, en Iran, a écrit une lettre ouverte en réponse aux exécutions très controversées du 8 septembre des prisonniers politiques kurdes, Ramin Hossein Panahi, Loghman Moradi et Zanyar Moradi.
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Monfared, dont les frères et sœurs ont été exécutés, a exprimé sa sympathie pour les mères et les sœurs des prisonniers exécutés et a reproché au président actuel, Hassan Rouhani, ses promesses non tenues et les 40 dernières années de la gouvernance islamique iranienne.

Le texte complet de sa lettre se trouve ci-dessous :
Cela fait une semaine depuis ce jour du 8 septembre 2018.
Septembre est le mois du sang versé en Iran : le 8 septembre 1978 * et le mois de septembre 1981 **.
Le 8 septembre : tout le monde s'inquiète. Mes compagnes de section et moi avons des palpitations au coeur. Nous sommes dans un essaim de flashs contradictoires. Certains disent que les familles ont été informées que les exécutions avaient eu lieu ; Quelqu'un d'autre dit que leur famille leur a rendu visite hier pour la dernière fois.
Et puis viennent les nouvelles de 20 heures, où le discours d'une figure emblématique d'un gouvernement vantant la « prudence et l'espoir » est diffusé. *** Je me suis dit : « L'espoir est un si beau mot ! Rohani promet de briser les chaînes de l'injustice avec une clé en or et de semer de nouveaux espoirs dans les âmes de la nation. Il a fait campagne, omme ses prédécesseurs l’ont fait avant lui, surfant sur la vague de l’élan émotionnel du pays. L'encre sur les bulletins de vote était encore humide quand il a changé ses habitudes. Comme il est méprisable pour lui, de présider le plus haut taux d’exécutions et de mesures de répression civiles en 30 années.
Tous les yeux dans la salle sont obnubilés par l’écran de la télévision et par le téléscripteur du journal télévisé qui apparaît en bas. Les oreilles dans la salle sont à l’affût de chaque mot de l’orateur.
Enfin, à 22h30, le reportage : « Trois terroristes… »
C'est vrai. Pendant 40 ans, ils ont envoyé les jeunes de ce pays à la potence, les ont alignés sur les pelotons d’éxécutions et les ont envoyés massivement dans des chambres de torture et dans les prisons. Puis, de manière effrontée, ils parlent de leurs actions, sous couvert d’éliminer le « terrorisme » et d’autres excuses de ce type. Les chars de la répression, de la torture et de la captivité se sont déchaînés pendant 40 ans.
Je n’ai pas l’intention de relater à nouveau les crimes du régime, car les bassesses et la cruauté de des institutions sautent aux yeux. Les nouvelles sont débordantes de sympathie et de condoléances. Peut-être qu'il est maintenant trop tard pour ajouter les miennes… mais pendant un certain moment, je ne suis pas parvenue à trouver la présence d'esprit pour écrire, ne serait-ce que quelques lignes aux mères et aux sœurs de ces hommes bien-aimés.
À mes mères et à mes sœurs : Je connais très bien votre douleur. Je peux presque sentir la douleur insupportable et brûlante dans vos cœurs. Je connais les murmures des berceuses chaudes que vous chantiez ; même celles perdues dans les lignes ridées de votre corps ou noyées par des cris dans un pays lointain. Je connais le goût amer de ces larmes versées par les fleurs de pavot.
Je sais que vous ajoutez une page à ce que sera la fière et brillante histoire du combat de l’Iran pour la liberté. Je souhaite honorer votre maternité, cette qualité sublime et humaine, et vous remercier pour votre gentillesse sans relâche. Votre nom est une brise réconfortante dans le ciel. Vos visages familiers et votre regard aimable portent la promesse de la vie, de l'amour et de la résistance. Lorsque les flammes de l'injustice vous brûlent les joues, j’éteindrai les flammes en touchant votre joue avec la mienne, qui est figée par une grimace d'injustice.
Je déborde de mots inexprimés. Mes larmes et les boules dans ma gorge éclatent sous la douleur de la répression. Mais ce n'est pas le moment de pleurer. Nous devons répandre nos cris comme des cendres. Je me pencherai contre votre poitrine chaude derrière ces murs de prison pierreux et froids. Mon cœur brûle de douleur et le haut des flammes atteint ma gorge. Ce n'est pas seulement le feu de la douleur, c'est aussi le feu de la vie. Je souhaite porter vos larmes et votre angoisse sur mon épaule, sentir le fardeau de cette responsabilité pour le reste de ma vie. Ma mère ! Mes sœurs ! Nous devons exploiter le pouvoir de notre douleur collective pour apaiser les blessures du mouvement de liberté iranien.
Le vampire ne quittera pas son trône des ténèbres à moins de secouer ce trône et de le forcer à fuir. Laissez-moi tenir vos mains chaudes entre mes mains froides et, ensemble, nous rejoindrons les rangs du mouvement de justice pour nos proches. Pour traduire en justice les responsables de ces crimes horribles, nous devons unir nos forces.

Maryam Akbari Monfared, Prison d'Evine, septembre 2018
Le contexte
Maryam Akbari Monfared a été arrêtée au cours des manifestations de 2009 et en juin 2010, elle a été condamnée à 15 ans de prison par le juge Salavati de la 15e chambre du tribunal révolutionnaire pour « inimitié envers Dieu et le gouvernement islamique ». Monfared a nié ces accusations.
Deux de ses frères ont été exécutés en 1981 et 1984 pour leur appartenance au MEK (OMPI). Au cours de l'été 1988, deux autres de ses frères et sœurs - un frère et une soeur - ont été exécutés dans le cadre d'un massacre généralisé de prisonniers politiques. Dans une lettre adressée à l’ancien rapporteur spécial de l’ONU, Ahmad Shaheed, Monfared a cité le juge qui l’a condamnée : « Vous (Monfared) portez le fardeau de vos frères et sœurs à cause de leurs activités politiques ».
Monfared a purgé les deux premières années de sa peine à la prison Rajaï Chahr de Karaj, dans la banlieue ouest de Téhéran. Elle a ensuite été transférée en mai 2011 avec huit autres femmes détenues à la prison de Gharchak à Varamin, dans le sud-est de Téhéran. Shaheed a protesté contre son transfert et a révélé les conditions de détention déplorables à Gharchak. Par conséquent, Monfared a été transférée dans la section des femmes de la prison d’Evine, où elle purge le reste de sa peine.

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