« Ville d’or, travailleurs sans justice »
À Takab, dans la province d’Azerbaïdjan occidental, la grève à la mine d’or de Zarshuran entrait dans son dixième jour consécutif ce mercredi. Connue comme la plus grande réserve d’or du pays, la mine est devenue le symbole du fossé entre les richesses naturelles de l’Iran et la pauvreté de sa population active.
Environ 400 chefs de famille, employés comme ouvriers sous contrat, ont cessé le travail pour protester contre des pratiques salariales discriminatoires. Alors que la mine génère d’énormes revenus pour l’État, ces travailleurs déclarent gagner en moyenne environ 20 millions de tomans, un montant qui n’a pas suivi l’inflation. Les grévistes exigent la mise en œuvre d’une classification des emplois et des avantages sociaux à la hauteur de la pénibilité de leur travail, soulignant que le personnel de l’usine voisine perçoit des primes et des avantages refusés aux mineurs.
Leur sentiment était exprimé par leur slogan : « Dans une mine qui produit de l’or, je suis privé du minimum vital. Pourquoi ma part de cet or n’est-elle pas respectée ? »
Les restaurants universitaires transformés en lieux de protestation
Parallèlement, une forme de protestation inédite s’est propagée dans les universités du pays, dénonçant l’atteinte à la dignité des étudiants. Le soir du 23 décembre, à la résidence Imam Ali de l’Université des sciences médicales Beheshti à Téhéran, les étudiants ont disposé leurs plateaux-repas à même le sol en une longue file, refusant de manger. Ils ont justifié leur geste comme une réponse à « l’humiliation et au mépris de la dignité étudiante », dénonçant la mauvaise qualité de la nourriture et la faim comme un manque de respect envers les futurs professionnels du pays.
Le 24 décembre, cette tactique s’est étendue à l’université Chamran d’Ahvaz. Les étudiants y ont mené une grève similaire après avoir constaté la présence de cheveux et d’autres problèmes d’hygiène dans leurs repas. L’image de centaines de plateaux non utilisés jonchant le sol des dortoirs est une dénonciation flagrante des directions universitaires qui, minées par les restrictions budgétaires et la corruption, sont incapables de fournir même la nourriture de base aux étudiants.
La crise alimentaire imminente
À Joveyn, dans le Khorasan Razavi, des éleveurs se sont rassemblés pour tirer la sonnette d’alarme concernant la sécurité alimentaire du pays. Protestant contre l’incapacité du gouvernement à distribuer des aliments essentiels pour le bétail (concentrés), les agriculteurs ont averti que la situation actuelle entraînerait la disparition des petites et moyennes exploitations.
Les manifestants ont affirmé que la flambée des coûts de production, conjuguée à la négligence de l’État, les contraignait à cesser leur activité. Ils ont lancé un avertissement sans équivoque aux autorités : l’effondrement de l’agriculture locale entraînerait inévitablement une grave pénurie de viande et de produits laitiers, faisant encore grimper les prix pour une population déjà aux prises avec l’inflation. Mercredi, aucune instance gouvernementale n’avait encore répondu à leurs revendications.
« Monsieur le Procureur, rendez-nous notre argent ! »
À Téhéran, le pouvoir judiciaire a été directement interpellé par les victimes de l’escroquerie de la plateforme d’échange « Cryptoland », rassemblées devant le parquet chargé des crimes économiques. Cinq ans après l’éclatement du scandale, des milliers de familles se retrouvent sans accès à leurs économies.
Les manifestants scandaient : « Procureur ! Procureur ! Rendez-nous notre argent ! », dénonçant la complicité et l’incompétence de l’État. Ils ont rappelé que le PDG de Cryptoland, Sina Estavi, avait été arrêté puis relâché, ce qui lui avait permis de fuir le pays. Le rassemblement du 24 décembre n’était pas un cas isolé, mais s’inscrivait dans un mouvement de contestation plus large impliquant des victimes d’escroqueries financières liées à l’État, notamment Unique Finance et Rezayat Khodro. Malgré des années de recours, le pouvoir judiciaire n’a fixé aucun délai pour la restitution des avoirs, laissant des milliers de personnes dans une situation financière précaire.
La réponse du régime aux grèves, à la faim des étudiants et au pillage financier a été uniforme : le silence et l’indifférence. À mesure que le fossé entre l’élite dirigeante et le peuple se creuse, ces protestations éparses convergent vers un récit unique : celui d’une nation prise en otage par une kleptocratie qui s’accapare les richesses tout en abandonnant ses citoyens à la misère.

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