lundi 22 décembre 2025

L’Iran à l’épreuve de l’hiver : inondations, inflation, corruption et nouvelles luttes intestines au sein de l’élite

 L’Iran termine le mois de décembre sous le poids de crises qui se chevauchent et qui ne se succèdent plus, mais se produisent simultanément. Des crues soudaines dans le sud ont fait des victimes civiles et perturbé les services essentiels. Les responsables économiques reconnaissent un détournement massif de devises destinées à l’exportation par le biais de systèmes de licences parallèles. Les autorités sanitaires alertent sur le fait que l’inflation alimentaire pousse les ménages à délaisser les protéines et les produits laitiers. Et les législateurs, tout en se rejetant publiquement la faute, décrivent un marché où les prix peuvent fluctuer plusieurs fois en une seule journée.

Il en résulte un pays où une catastrophe naturelle se transforme rapidement en crise des infrastructures, une crise des infrastructures en choc économique, et les chocs économiques ont des répercussions sur la santé publique – tandis que la réponse du système politique est de plus en plus dominée par des querelles internes plutôt que par des solutions opérationnelles.

Inondations : morts, isolement et défaillances des services
De fortes pluies ont provoqué des inondations dans les provinces du sud, faisant au moins sept morts, selon l’agence de presse officielle iranienne IRNA. L’agence a fait état de décès dans des provinces comme le Fars, le Khouzistan et l’Hormozgan, et a noté qu’un secouriste du Croissant-Rouge est décédé lors d’une opération de sauvetage à Jahrom – ce qui témoigne de la dangerosité croissante des conditions de vie, non seulement pour les habitants, mais aussi pour les équipes de secours.

À Bashagard, dans la province d’Hormozgan, des coupures de communication et d’électricité, ainsi que des routes coupées, ont été signalées. L’agence de presse Mehr a rapporté que les services de téléphone et d’internet étaient coupés, que l’électricité était perturbée dans des dizaines de villages et que la route de Bashagard vers Minab et Jask était fermée.

Ces détails sont importants car ils révèlent une vulnérabilité récurrente : dans les zones périphériques, la menace immédiate n’est pas seulement l’inondation elle-même, mais aussi la perte des transports, de l’électricité et des communications, ce qui retarde les secours, interrompt l’accès aux soins médicaux et laisse les familles sans information fiable ni soutien.

Corruption systémique

Dans le contexte de la gestion de la catastrophe, la banque centrale iranienne a publiquement reconnu l’existence d’un mécanisme de détournement massif de devises. Un haut responsable des changes a déclaré qu’environ 900 cartes commerciales « louées » (licences commerciales utilisées au nom de tiers) avaient été identifiées au cours des deux dernières années, associées à plus de 15 milliards de dollars d’obligations de restitution de devises non honorées ; il a ajouté que 15 personnes seulement étaient responsables d’environ 6 milliards de dollars de ce total.

Il ne s’agit pas d’une simple affaire de comptabilité. La réglementation iranienne en matière d’exportation exige que les recettes en devises soient rapatriées par les voies officielles. Lorsque des cartes commerciales sont louées et enregistrées au nom de titulaires nominaux, l’identité et la responsabilité peuvent être masquées. En pratique, cela prive le circuit financier formel de devises étrangères, restreint la disponibilité des monnaies et amplifie les pressions inflationnistes, qui se manifestent le plus fortement sur les biens de première nécessité.

Cette révélation soulève également une question de gouvernance que les responsables abordent rarement de front : comment un tel système peut-il fonctionner à grande échelle sans une incapacité réglementaire persistante ni une application sélective de la loi ?

L’inflation alimentaire : un signal d’alarme pour la santé publique

Marquant un changement significatif, les hauts responsables de la santé qualifient désormais l’inflation alimentaire d’urgence de santé publique. Dans une interview diffusée par l’ISNA, le chef du bureau du ministère de la Santé chargé de la nutrition communautaire a averti que la hausse des prix – en particulier pour les produits laitiers et les protéines – menace la santé nutritionnelle et accroît le risque de carences en micronutriments.

Lorsque les autorités reconnaissent que l’accès à une alimentation de base est fortement restreint, les conséquences à long terme sont évidentes : augmentation des maladies chroniques, hausse des coûts de santé et baisse de la productivité. C’est ainsi qu’un choc économique devient intergénérationnel, notamment pour les enfants et les ménages déjà fragilisés par le coût du logement et des transports.

Médicaments : hausse des prix et tensions sur la chaîne d’approvisionnement

L’accès aux médicaments est également mis à rude épreuve. L’agence de presse Fars a rapporté que les listes de prix diffusées ces derniers jours affichaient des augmentations importantes, allant jusqu’à 100 % pour certains médicaments courants. Elle a ajouté que le problème ne se limitait pas à une seule entreprise ni à quelques produits.

Au-delà des prix affichés, la chaîne de distribution est sous tension. L’agence de presse Mehr a rapporté que le conseil d’administration de l’association des pharmaciens du régime avait averti, dans une lettre adressée au ministre de la Santé, que les pharmacies cesseraient d’émettre des chèques aux distributeurs dès début janvier 2026 si les contrats d’assurance et les mécanismes de paiement n’étaient pas corrigés.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire