Narges Mohammadi, lauréate du Prix du courage RSF 2022, n’est plus autorisée à recevoir des visites ou des appels téléphoniques à la prison d’Evine à Téhéran parce qu’elle a écrit un article depuis la prison intitulé « Parler pour sauver l’Iran » et plusieurs lettres dénonçant les violences sexuelles dont sont victimes les femmes détenues. Les autorités pénitentiaires ont également porté de nouvelles accusations contre elle dans le but de prolonger son emprisonnement.
Le 7 juin, RSF a saisi les rapporteurs spéciaux de l’ONU sur la liberté d’expression, sur la situation des droits de l’homme en Iran, sur la torture et sur la violence contre les femmes, ainsi que le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, de la violation des droits de Mme Mohammadi depuis plus de dix ans et des représailles vindicatives dont elle fait actuellement l’objet de la part des autorités pénitentiaires.
RSF leur a demandé de prendre des mesures « urgentes » pour obtenir sa libération immédiate et, dans le même temps, a de nouveau exhorté l’ONU à condamner publiquement la répression extrêmement agressive à l’encontre des journalistes en Iran depuis le début d’une vaste vague de protestation en septembre 2022.
Harcèlement judiciaire
Collaboratrice de nombreux journaux et auteure d’un livre intitulé « White Torture » basé sur ses entretiens avec des femmes détenues, Mme Mohammadi a été arrêtée et emprisonnée à plusieurs reprises au cours des 12 dernières années.
Cible d’accusations, de condamnations et de mesures punitives depuis sa dernière arrestation le 16 novembre 2021, elle risque aujourd’hui une troisième augmentation de sa peine de prison pour un article paru en décembre 2022 dans lequel elle alertait le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme en Iran sur les agressions sexuelles dont sont victimes les femmes en prison. Ses proches ont déclaré à RSF qu’elle avait été accusée de « contact avec des organisations étrangères opposées à la République islamique » et qu’elle était menacée de poursuites supplémentaires en raison de ses activités au sein de la prison.
« Les murs de la prison d’Evine ne pourront jamais étouffer la voix de Mohammadi »
Malgré un harcèlement constant visant à la réduire au silence, Mme Mohammadi n’a jamais cédé et a continué à faire entendre sa voix. Elle recevait régulièrement la visite de membres de sa famille qui vivent toujours en Iran, mais son droit de visite a été restreint en janvier à la suite de la publication de son article sur les agressions sexuelles en prison.
En avril, lorsqu’elle a réussi à faire circuler une nouvelle lettre intitulée « Parler pour sauver l’Iran », les autorités pénitentiaires ont riposté en lui interdisant formellement toute visite. Dans les semaines qui ont suivi, Mme Mohammadi et d’autres prisonnières politiques ont signé plusieurs déclarations et organisé un sit-in dans la cour de la prison pour dénoncer les exécutions en Iran. D’autres représailles n’ont pas tardé à se manifester. Interdite de recevoir des appels téléphoniques internationaux depuis 13 mois, elle ne peut désormais plus recevoir d’appels du tout.
Cela fait plus d’un an que Mme Mohammadi n’a pas eu de contact téléphonique direct avec ses deux enfants et son mari, l’écrivain Taghi Rahmani, qui vivent en France. M. Rahmani a déclaré à RSF : « Notre rêve de liberté, d’une société laïque et d’égalité en Iran nous donne à tous les deux la force de continuer, un jour après l’autre ». Mais il s’inquiète de ce qu’une peine plus longue pourrait signifier pour la famille. « C’est très difficile. Nous pensions que nous serions séparés pendant encore huit ans, et maintenant nous apprenons qu’elle pourrait rester en prison beaucoup plus longtemps. Nous espérons que cela prendra fin un jour ».
Mme Mohammadi, qui est également porte-parole du Centre iranien des défenseurs des droits de l’homme, a fait des allers-retours en prison depuis sa première arrestation en 1998 pour avoir critiqué le gouvernement iranien. Sa dernière arrestation, en novembre 2021, à peine un an après sa dernière libération, a eu lieu lors d’un événement marquant le deuxième anniversaire d’une violente répression en 2019. Elle a bénéficié d’une permission de sortie pour raisons médicales le 22 février 2022, mais il y a été mis fin soudainement sept semaines plus tard.
Depuis lors, elle est l’une des détenues les plus combatives de la prison d’Evine, où elle a récemment été rejointe par deux autres femmes journalistes – la journaliste du journal Shargh Niloofar Hamedi et la journaliste du journal Ham Mihan Elaheh Mohammadi – qui sont devenues des symboles du mouvement de protestation iranien « Femme-Vie-Liberté » après leur arrestation pour avoir couvert la mort de l’étudiante kurde Mahsa Amini en garde à vue et les funérailles qui s’en sont suivies.
Source : Reporters Sans Frontières
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