Monsieur le Vice-président,
Excellences,
Chers collègues et amis,
Conformément à la résolution 77/228 de l’Assemblée générale, le Conseil a reçu le rapport du Secrétaire général sur la situation des droits humains en République islamique d’Iran, couvrant la période du 1er août 2022 au 15 avril 2023.
Au cours de cette période, l’Iran a continué à dialoguer avec le Haut-Commissariat aux droits humains et les mécanismes des Nations unies relatifs aux droits humains, notamment sur la question de la peine de mort. Toutefois, l’engagement de fond sur les obligations de l’État en vertu du droit international est resté limité, tout comme la mise en œuvre des recommandations des mécanismes internationaux de défense des droits de l’homme.
La situation générale des droits humains en République islamique d’Iran s’est nettement détériorée dans un contexte de dégradation constante des conditions socio-économiques, aggravée par les sanctions et l’impact persistant de la pandémie de la COVID-19.
Le rapport se concentre sur l’évolution de la situation depuis le début des manifestations nationales qui ont suivi la mort de Jina Mahsa Amini, 22 ans, le 16 septembre 2022, trois jours après qu’elle soit tombée dans le coma et qu’elle soit décédée en garde à vue. Les manifestations, qui ont eu lieu à différentes échelles dans les 31 provinces du pays, ont mis en lumière des griefs sous-jacents de longue date, notamment la discrimination dans la loi et dans la pratique à l’encontre des femmes et des filles ainsi que des minorités.
L’espace civique et démocratique a continué d’être restreint dans le pays. Les forces de sécurité ont fait un usage disproportionné de la force dans certains cas dans le cadre de manifestations et d’opérations de sécurité à grande échelle qui ont entraîné des morts et des blessés parmi les manifestants, ce qui suscite des inquiétudes quant à l’existence d’exécutions illégales. La détention arbitraire de manifestants, de militants, de défenseurs des droits de l’homme et d’avocats a considérablement augmenté au cours de la période considérée.
Le Secrétaire général a exprimé son inquiétude face aux arrestations et détentions à grande échelle depuis le début des manifestations. Selon les informations reçues, entre le 17 septembre 2022 et le 8 février de cette année, on estime que 20 000 personnes ont été arrêtées et détenues pour avoir soutenu ou participé aux manifestations.
On estime que des milliers d’enfants figurent parmi les personnes arrêtées. Au cours de la période considérée, au moins 44 enfants, dont 10 filles, auraient été tués par les forces de sécurité en recourant à la force meurtrière, le nombre le plus élevé étant signalé dans la province du Sistan et du Baloutchistan, où au moins 10 enfants ont été tués.
De nombreuses allégations font état de tortures et de mauvais traitements infligés à des personnes par les forces de sécurité lors de leur arrestation et de leur interrogatoire pour leur extorquer des aveux forcés, ainsi que d’allégations de violences sexuelles et sexistes commises à l’encontre de femmes, d’hommes et d’enfants, en particulier en détention. Comme indiqué précédemment, les conditions de détention, notamment le refus de soins médicaux, les conditions sanitaires déplorables, l’eau potable contaminée et la surpopulation, restent préoccupantes.
Depuis le début des manifestations, le respect des droits à la liberté d’opinion et d’expression et à l’accès à l’information s’est nettement détérioré. Les autorités conservent un large contrôle sur l’espace numérique et ont intensifié la censure en ligne. Depuis le 21 septembre de l’année dernière, l’accès à certains médias sociaux et plateformes de messagerie reste interdit.
La politique du régime iranien est devenue plus stricte dans l’application du port obligatoire du voile, imposant des peines plus sévères, avec un impact significatif sur la vie quotidienne des femmes et des filles. Le 15 août 2022, le président a signé un décret qui prévoit l’introduction d’une technologie de reconnaissance faciale pour traquer et punir les femmes non voilées ou celles qui remettent activement en question le port obligatoire du voile. Au niveau législatif, de nouveaux projets de dispositions du code pénal sont en cours d’examen au parlement afin d’élargir le champ des infractions pour non-respect de la loi, en autorisant l’emprisonnement, la flagellation et d’autres peines.
Le rapport note également avec une vive inquiétude qu’au 2 mars de cette année, plus de 1 000 élèves, dont une majorité de filles, auraient été victimes d’un empoisonnement présumé dans 91 écoles de 20 provinces. Les autorités ont fourni des comptes-rendus contradictoires de ces incidents. L’incapacité de l’État à protéger le bien-être physique et mental des étudiantes et à prévenir d’autres attaques a porté atteinte à leur droit à l’éducation. Le rapport fait également référence à l’intimidation des familles des étudiantes qui cherchaient à obtenir des informations sur les empoisonnements présumés.
Vos Excellences,
Le rapport note avec une vive inquiétude le nombre élevé de condamnations à la peine de mort et d’exécutions au cours de la période couverte par le rapport. En 2022, 582 personnes ont été exécutées, soit une augmentation de 75 % par rapport à 2021, année au cours de laquelle 333 personnes auraient été exécutées. Trois enfants figuraient parmi les personnes exécutées en 2022. Sur le nombre total d’exécutions, 256 l’ont été pour des infractions liées à la drogue. Le nombre de personnes exécutées issues de communautés minoritaires reste disproportionné, en particulier pour des infractions présumées liées à la drogue ou à la sécurité.
Au cours de la période considérée, quatre personnes ont été exécutées pour leur participation aux manifestations nationales, ce qui suscite de vives inquiétudes quant aux droits à une procédure régulière et à un procès équitable. De nombreux procès se sont appuyés sur des aveux qui auraient été obtenus sous la contrainte, y compris par la torture. Depuis l’exécution de ces quatre personnes, 19 autres ont été condamnées à mort dans le cadre des manifestations et sont considérées comme risquant d’être exécutées de manière imminente.
Je note avec regret qu’après la période couverte par le rapport, trois autres personnes ont été exécutées en Iran le 19 mai.
Les mécanismes nationaux de responsabilisation restent faibles et inefficaces, en particulier en ce qui concerne les violations commises dans le cadre des récentes manifestations. Si plusieurs incidents ont fait l’objet d’enquêtes, la plupart d’entre elles n’ont pas abouti à des résultats concluants et très peu ont permis d’amener les auteurs présumés à répondre de leurs actes. L’absence d’enquêtes approfondies, impartiales, efficaces, indépendantes et transparentes sur tous les incidents, y compris sur la mort de Jina Mahsa Amini, ébranle encore davantage la confiance dans le système judiciaire.
Dans l’ensemble, le rapport montre que la situation des droits humains en Iran se dégrade et que la population ne dispose pas de moyens significatifs et efficaces pour exprimer ses griefs ou demander réparation.
Dans ce contexte, j’appelle le gouvernement à coopérer avec la mission d’enquête établie par ce Conseil et, pour notre part, notre propre Bureau est prêt à poursuivre son engagement avec les autorités iraniennes sur l’ensemble des questions préoccupantes afin de renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme pour tous en Iran.
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