samedi 10 juin 2023

Des fuites de documents dévoilent l’effrois du régime face au soulèvement

 Lettre de Bahadori Jahromi aux membres du cabinet du gouvernement Raïssi

Le soulèvement national qui a éclaté en septembre 2022 a été un coup dur pour le régime clérical iranien, posant une menace existentielle pour lui, selon un document publié par « Ghyam ta Sarnegouni » (« soulèvement jusqu’au renversement »), un groupe de dissidents iraniens qui a réussi à pirater les serveurs des bureaux présidentiels du régime le 29 mai et accéder à une mine de documents classifiés et de messages internes.

Le document récemment publié est une directive émise par Ali Bahadori-Jahromi, le porte-parole du gouvernement d’Ebrahim Raïssi, aux membres du cabinet, leur expliquant comment répéter les faux récits sur les manifestations populaires et blâmer les adversaires du régime pour avoir incité les soulèvements.

La lettre reconnaît que le soulèvement national est ancré dans des problèmes bien plus profonds que les problèmes liés au hijab et à la moralité ou la mort de Mahsa Amini assassinée par la police de la moralité du régime en septembre.

« L’objectif principal de l’ennemi est de saper les principes d’indépendance et d’autorité dans l’Iran islamique et d’entraver les progrès », affirme la directive, disant tacitement que les Iraniens, que le régime qualifie d' »ennemis », veulent sa chute.

Rappelons que depuis le début du soulèvement, certaines personnalités et groupes d’opposition autoproclamés prônent la «désobéissance civile» et des moyens de protestation «non violents», dévalorisant ainsi le droit du peuple iranien à l’autodéfense face à la montée en puissance de la brutalité et la violence aveugle du régime. En d’autres termes, consciemment ou non, ces soi-disant «opposants » accusent le peuple iranien de violence quand il a recours à l’autodéfense et comptent sur les forces militaires du régime comme force de changement, une politique promue par les services iraniens pour faire dérailler le mouvement d’opposition.

Dans sa lettre aux membres du cabinet, Bahadori Jahromi souligne qu’il faut « apporter un soutien total et complet aux forces militaires et policières tout en condamnant toute action qui affaiblit la sécurité du pays et qui attaque le CGRI, le Basij, l’armée et les forces de police ».

La directive ordonne à tous les responsables de « s’abstenir de prendre des décisions ou d’annoncer des nouvelles négatives et alarmantes sur le coût élevé des biens et services, ainsi que sur les restrictions sociales, en particulier dans la situation actuelle ».

« S’il est possible que certaines décisions portent une charge négative et sensibilisent l’opinion publique, il est nécessaire de se coordonner avec le conseil d’information du gouvernement avant la mise en œuvre et la notification », indique la lettre.

La traduction du texte complet du document divulgué :

Chers membres du cabinet,

Salutations,

À la lumière des récentes déclarations du guide suprême de la révolution islamique concernant les événements et les tentatives des ennemis de perturber l’ordre et la sécurité du pays, il est crucial d’adopter des mesures médiatiques unifiées et une position cohérente sur ces questions. Les politiques et considérations suivantes doivent être prises en compte par tous les membres estimés du cabinet gouvernemental et les gestionnaires d’institution:

Organiser des réunions internes avec des experts pour discuter de la nature des récentes émeutes et des objectifs antinationaux qui les sous-tendent. Apporter un soutien complet aux militants spécialisés et engager des discussions explicatives basées sur le récent rapport du ministère de l’Information.

Mettre l’accent sur l’unité de l’Iran comme réponse clé aux conspirations séparatistes. Braquer la lumière sur le rôle joué par les groupes séparatistes au Kurdistan, en Azerbaïdjan occidental, au Khouzistan et au Sistan et Balouchistan lors des événements récents.

Faire la lumière sut les plans de l’ennemi, orchestrés par les États-Unis et le régime sioniste, pour créer l’insécurité et le chaos en Iran. S’attaquer à la tentative d’exploiter la mort prématurée d’Amini comme moyen d’inciter les sentiments du public avant octobre et la réouverture des écoles et des universités.

Reconnaître le motif principal derrière le soutien de l’ennemi aux troubles récents : l’observation des progrès de l’Iran ces derniers temps et le mouvement rapide du pays vers la force et l’indépendance. Soulignez les efforts 24 heures sur 24 du gouvernement populaire, des responsables des pouvoirs législatif et judiciaire et le soutien de l’honorable peuple iranien.

Souligner et clarifier que les récentes manifestations liées au hijab et à la moralité, ainsi que la mort malheureuse d’une jeune fille, ne sont pas les problèmes principaux. L’objectif principal de l’ennemi est de saper les principes d’indépendance et d’autorité dans l’Iran islamique et d’entraver les progrès.

Apporter un soutien total et complet aux forces militaires et policières tout en condamnant toute action qui affaiblit la sécurité du pays. Condamner les attaques contre le CGRI, Basij, l’armée et les forces de police.

Faire la distinction entre les manifestants de rue pacifiques et les émeutiers et décrire les mesures appropriées pour traiter chaque groupe. Il faut reconnaitre que ceux qui ne se sont pas livrés à des actes de corruption et de vandalisme dans les rues n’étaient pas des ennemis de la nation iranienne, alors que ceux qui ont participé à des activités portant atteinte à la sécurité nationale méritent d’être condamnés.

Souligner les réalisations et les progrès des femmes dans divers domaines, tels que la science, l’éducation, le sport, la culture, la médecine et la santé. Présenter des femmes qui ont réussi et ont émergé pendant la révolution islamique et comparer leur statut à celui des femmes avant la victoire de la révolution islamique iranienne.

Attirer l’attention sur le comportement trompeur et fourbe des étrangers et des médias occidentaux concernant les événements en Iran. Comparez un tel comportement à des cas similaires en Amérique et en Europe, en fournissant des exemples d’injustices et de crimes contre les femmes musulmanes, les personnes de couleur, les minorités raciales, les autochtones, les immigrants et les demandeurs d’asile.

Menez des entrevues, des discussions et des discours qui reflètent des nouvelles positives et prometteuses. Communiquer les succès obtenus par l’Iran dans divers domaines pour la sensibilisation du peuple.

Par ailleurs, il faut :

S’abstenir de faire tout commentaire concernant la cause du décès de feu Mahsa Amini jusqu’à ce que l’avis final de l’Organisation de médecine légale, une institution indépendante et professionnelle, soit annoncé.

Évitez de faire des déclarations qui contribuent à la création ou à l’intensification de la polarisation au sein de la société.

S’abstenir de prendre des décisions ou d’annoncer des nouvelles négatives et alarmantes concernant le coût élevé des biens et services, ainsi que les restrictions sociales, en particulier dans la situation actuelle. S’il est possible que certaines décisions portent une charge négative et sensibilisent l’opinion publique, il est nécessaire de se coordonner avec le conseil d’information du gouvernement avant la mise en œuvre et la notification.

Évitez d’adopter des positions conflictuelles envers les artistes et les athlètes dont la loyauté envers l’Iran islamique a été prouvée par leurs antécédents artistiques, sportifs et sociaux.

Sincèrement,

Ali Bahadri Jahormi

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