Le mandat et les réponses de l’Iran
Le mandat confié à la rapporteuse spéciale a été établi par le Conseil des droits humains dans la résolution A/HRC/RES55/19. Mme Sato, qui a pris ses fonctions en août 2024, est chargée de surveiller, d’enquêter et de rendre compte des violations des droits humains en Iran. Son rapport met l’accent sur la double approche consistant à aborder les obligations du gouvernement iranien (appelé « détenteur de devoirs ») et à défendre les droits des citoyens iraniens (les « détenteurs de droits »).
La réponse de l’Iran au mandat a été particulièrement défensive. Le gouvernement iranien, comme l’indique le rapport, a exprimé à plusieurs reprises son engagement à défendre les droits humains, soulignant ce qu’il considère comme des progrès substantiels dans ce domaine. Toutefois, il a également critiqué ce qu’il considère comme l’imposition de « valeurs occidentales » par les institutions internationales de défense des droits humains. Selon l’Iran, ces exigences sont souvent en contradiction avec les normes et principes islamiques qui régissent le pays. Malgré cela, M. Sato a demandé à l’Iran de s’engager plus ouvertement dans le mandat et d’autoriser l’accès au pays, une demande qui a été refusée à plusieurs reprises depuis 2011.
Principales priorités : Transparence, égalité des sexes et droit à la vie
Le rapport de Mme Sato identifie trois domaines prioritaires qui guideront son travail au cours du mandat : la transparence des données et le droit à la vérité, une approche sexospécifique avec une lentille intersectionnelle, et le droit à la vie. Ces domaines s’appuient sur les violations persistantes des droits humains en Iran, notamment la suppression de la liberté d’expression, la discrimination fondée sur le sexe et l’augmentation alarmante du nombre d’exécutions.
Transparence des données et droit à la vérité
Le manque de données transparentes et fiables est l’un des principaux obstacles à l’évaluation des droits humains en Iran. Le rapport souligne que ce manque de données rend difficile la mesure des progrès ou de la détérioration de la protection des droits humains. Depuis le rétablissement du mandat en 2011, aucun rapporteur spécial n’a été autorisé à se rendre en Iran, la dernière visite remontant à 1996. Le manque d’accès, combiné aux représailles contre les victimes et les défenseurs des droits humains qui signalent des violations, crée un environnement où la transparence est gravement entravée. Mme Sato souligne que l’accès aux données et à la vérité est un droit fondamental en vertu de la législation internationale sur les droits humains, et son mandat sera axé sur la promotion d’une plus grande transparence de la part du gouvernement iranien.
Genre et intersectionnalité
Le traitement des femmes en Iran est depuis longtemps un sujet de préoccupation, mais la situation s’est aggravée ces dernières années, notamment à la suite de la montée en puissance du mouvement « Femme, vie, liberté ». Le rapport met en évidence l’utilisation par l’État de la force meurtrière et des détentions arbitraires en réponse à ce mouvement, en particulier à l’encontre des femmes et des défenseurs des droits humains. L’une des questions les plus urgentes dans ce contexte est le projet de loi sur la chasteté et le hijab, qui renforce le port obligatoire du voile en public pour les femmes et les jeunes filles. Mme Sato reconnaît la position de l’Iran, qui considère le hijab comme une forme de protection pour les femmes, mais elle affirme que l’imposition de telles lois viole l’autonomie des femmes et leur droit à participer librement à la société.
Le mandat de Mme Sato adoptera une approche sexospécifique, reconnaissant l’impact disproportionné des violations des droits de l’homme sur les femmes, en particulier sur les minorités ethniques, religieuses et sexuelles. Elle note que l’égalité des sexes ne concerne pas seulement les droits des femmes, mais qu’elle est également cruciale pour un développement social et économique plus large. En outre, le fait que l’Iran n’ait toujours pas ratifié la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et qu’il occupe le triste rang de 43e pays sur 146 dans l’indice mondial de l’écart entre les hommes et les femmes souligne la nécessité d’une action urgente dans ce domaine.
Le droit à la vie
La question la plus alarmante soulevée dans le rapport est sans doute l’augmentation du nombre d’exécutions en Iran, avec au moins 93 personnes exécutées au cours du seul mois d’août 2024. Bon nombre de ces exécutions concernent des infractions liées à la drogue qui, en vertu du droit international, n’atteignent pas le seuil des « crimes les plus graves » justifiant la peine de mort. L’application généralisée de la peine de mort par le gouvernement iranien, y compris pour des crimes vaguement définis tels que « répandre la corruption sur terre » et « faire la guerre à Dieu », viole les normes internationales en matière de droits humains.
Mme Sato affirme que les violations du droit à la vie reflètent souvent des défaillances systémiques plus larges, notamment des protections juridiques inadéquates, la torture et la suppression des droits civils et politiques. Son mandat consistera à enquêter sur ces violations et à plaider en faveur de l’obligation de rendre des comptes et de la justice pour les victimes.
Le paysage plus large des droits de l’homme en Iran
Le rapport aborde également une série d’autres questions relatives aux droits humains qui n’ont toujours pas été résolues en Iran. Il s’agit notamment de la persécution des minorités religieuses et ethniques, du manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, de l’utilisation de la torture et des traitements cruels infligés aux détenus, et de la répression des défenseurs des droits de l’homme et des acteurs de la société civile.
Malgré quelques réformes juridiques, telles que les modifications apportées au code pénal islamique en 2013 et les révisions de la loi sur la lutte contre les drogues illicites en 2017, peu de progrès ont été accomplis dans la résolution de ces problèmes profondément ancrés. La poursuite des violations systémiques des droits humains au cours des 40 dernières années, depuis le rapport d’Andres Aguilar en 1984, met en évidence la nature profonde de ces problèmes.
Un appel à la coopération internationale
Le rapport de Mme Sato se termine par un appel à une plus grande coopération internationale pour faire face à la situation des droits de l’homme en Iran. Elle encourage les États membres, la société civile et les agences des Nations unies à soutenir son mandat et à engager un dialogue constructif avec l’Iran. Elle demande également à l’Iran de permettre au rapporteur spécial et aux autres mécanismes de défense des droits de l’homme d’accéder librement au pays, soulignant qu’une telle coopération est essentielle pour instaurer la confiance et faire progresser les droits humains en Iran.
Conclusion
Le premier rapport de Mai Sato en tant que Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme en Iran présente un programme clair et ciblé pour traiter les questions les plus urgentes en matière de droits de l’homme dans le pays. L’accent qu’elle met sur la transparence, l’égalité des sexes et le droit à la vie fournit une feuille de route pour son mandat, tout en soulignant les défis posés par la résistance de l’Iran à l’examen international. Alors que la communauté internationale continue de surveiller la situation en Iran, le rapport de Mme Sato constitue un document essentiel pour défendre les droits du peuple iranien et tenir le gouvernement responsable de ses obligations en matière de droits de l’homme.
>Source : INU/CSDHI
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