mercredi 3 décembre 2025

Grèves à Shush et rassemblements à Fars et Kermanshah : une journée de protestations en Iran

 Le 3 décembre 2025, une vague de protestations diverses a déferlé sur l’Iran, révélant les profondes fractures de la structure économique et du tissu social du pays. De la province occidentale de Kermanshah à la chaleur étouffante du Khuzestan méridional, des citoyens de tous horizons sont descendus dans la rue. Les manifestants — éleveurs de volailles, ouvriers, personnes handicapées — partageaient un même grief : un régime qui a abandonné son peuple au profit de la mauvaise gestion et de la négligence systémique.

Alors que les autorités de Téhéran continuent de donner des directives, la réalité sur le terrain dresse le tableau d’un pays où la production s’effondre et où les plus vulnérables sont laissés sans aucun filet de sécurité.

L’effondrement de la sécurité alimentaire : un « adieu » à la volaille

Dans une manifestation de colère palpable, les éleveurs de volailles de la province de Fars se sont rassemblés devant le bureau du gouverneur à Shiraz le 3 décembre pour une « prière funéraire » symbolique pour leur secteur. Les manifestants ont averti que la filière est pratiquement morte, étouffée par la flambée des prix de l’alimentation animale et l’inaction du gouvernement.

« Il faut que les gens sachent qui a paralysé le marché du poulet et des œufs », ont annoncé les éleveurs par haut-parleurs. Ils ont prévenu que si la volaille devenait rare ou inabordable demain, la faute en incomberait entièrement à la mauvaise gestion de l’État.

Simultanément, à Kermanshah, des éleveurs de volailles ont bloqué des rues dans un acte de désobéissance civile. « Nous avons bloqué les rues parce qu’ils n’entendent pas nos voix », ont déclaré les manifestants. Ils ont signalé qu’en raison d’une grave pénurie de maïs et de soja subventionnés par l’État, les poussins meurent de faim dans leurs poulaillers, entraînant des pertes financières considérables.

La crise a déjà touché le marché de la consommation. Selon certaines sources, le prix d’une boîte d’œufs a atteint 300 000 tomans, tandis que le prix du poulet atteint des sommets quotidiens. Les éleveurs préviennent qu’à l’approche du Ramadan et du Nouvel An persan (Norouz), la chaîne d’approvisionnement est au bord de la rupture. Un éleveur, évoquant le taux de mortalité quotidien de son cheptel, a déploré : « Chaque jour, une partie de notre capital humain meurt sous nos yeux.»

Le cri silencieux des personnes handicapées

À l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, un grand nombre de citoyens handicapés se sont rassemblés devant le Parlement (Majlis) et l’Organisation du plan et du budget à Téhéran, le 3 décembre. Exaspérés par des années de promesses non tenues et la non-application de la loi relative à la protection des personnes handicapées, la manifestation a rapidement dégénéré en une explosion de colère.

Dans un acte symbolique de défiance envers l’Organisation du plan et du budget, les manifestants ont jeté des œufs sur le bâtiment. Leur principal grief concerne la maigre pension mensuelle de 1,4 million de tomans (environ 11 dollars), un montant qu’ils jugent « insultant » et totalement déconnecté du coût de la vie en 2025.

« L’oppression a assez duré, nous n’avons plus faim ! », scandaient les manifestants. Les orateurs ont condamné les autorités, affirmant que nombre de responsables sont « sourds et aveugles » à la souffrance du peuple. Un manifestant a fait remarquer que les « véritables handicapés » sont ces fonctionnaires corrompus qui ont pillé les ressources du pays et ruiné les moyens de subsistance de la nation.

Grèves industrielles et négligence environnementale

À Chouch, dans le sud-ouest du pays, la crise sociale s’est intensifiée avec le cinquième jour consécutif de grève des employés de l’usine « Middle East Sugar ». Malgré des niveaux de production records récemment atteints, la direction invoque l’incapacité de verser des salaires équitables.

Les travailleurs témoignent de journées de travail exténuantes de 12 heures, sans aucune compensation.

Face à une inflation galopante, les travailleurs peinent à satisfaire leurs besoins fondamentaux. Leurs revendications incluent la mise en œuvre effective des lois sur la classification des emplois, la rémunération du travail du vendredi et la création d’un conseil des travailleurs. « La production ne reprendra pas sans le respect de nos droits », ont déclaré les grévistes, soulignant que les autorités provinciales ont ignoré leurs demandes de réunions d’urgence.

Parallèlement, à Mahdasht, les agriculteurs sont confrontés à une crise qui met en lumière la mauvaise gestion environnementale du régime. Après des mois d’attente, l’eau enfin arrivée pour irriguer leurs cultures est fortement polluée et recouverte d’une épaisse couche de mousse. Malgré cette qualité désastreuse, des coopératives rurales vendraient cette eau contaminée aux agriculteurs au prix de 500 000 tomans l’heure.

« Sans eau potable, pas de récolte, pas de revenus, pas d’avenir », ont déclaré les agriculteurs, protestant contre la volonté du gouvernement de tirer profit de ressources toxiques qui empoisonnent leurs terres.

Les événements du 3 décembre 2025 illustrent un effondrement qui dépasse le cadre de secteurs spécifiques. Qu’il s’agisse de l’éleveur de volailles voyant son bétail mourir faute d’aliments, du citoyen handicapé incapable de survivre avec une pension de 11 dollars, ou de l’ouvrier sucrier en grève pour un salaire équitable, le message est unanime : le peuple iranien a atteint ses limites.

La réponse du régime — le silence, le déni et la vente d’eau polluée — démontre qu’il privilégie le pillage à la gouvernance. À mesure que ces manifestations gagnent en fréquence et en intensité, elles indiquent que le fossé entre le pouvoir en place et le peuple iranien est devenu infranchissable.

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