Le régime iranien a depuis longtemps recours à une stratégie sinistre pour réprimer l’opposition : cibler les familles de prisonniers politiques. En soumettant les proches – en particulier les conjoints, les enfants et les parents – au harcèlement, à l’intimidation, voire à l’emprisonnement, le régime cherche à briser la détermination des militants et à les contraindre à obéir ou à leur imposer des aveux.
Ces dernières années, cette approche s’est intensifiée, révélant un ensemble de tactiques délibérées et cruelles visant à exploiter les liens familiaux.
Un outil de répression délibéré
Faire pression sur les familles est une méthode calculée pour amplifier la souffrance des prisonniers politiques. Les objectifs du régime sont clairs : forcer les prisonniers à coopérer, extorquer des aveux télévisés ou dissuader tout nouvel activisme en démontrant que la dissidence a un coût personnel dévastateur. En ciblant leurs proches, les autorités créent un effet d’entraînement de peur et de douleur, dans l’espoir d’affaiblir la détermination des prisonniers.
Les familles sont confrontées à toute une série d’abus, notamment la surveillance, la perte d’emploi, les interruptions de scolarité, les arrestations et les tourments psychologiques lors des visites en prison. Les enfants, souvent adolescents, sont particulièrement vulnérables, car ils sont victimes d’intimidation ou de harcèlement judiciaire visant à faire pression sur leurs parents emprisonnés. Malgré ces difficultés, de nombreuses familles refusent de devenir des instruments d’oppression, choisissant plutôt de résister et de dénoncer les tactiques du régime.
Familles assiégées
Asal Meskin-Navaz, 17 ans, fille du militant politique Mehdi Meskin-Navaz, illustre parfaitement le ciblage des enfants de prisonniers par le régime. En février 2023, Asal a été arrêtée alors qu’elle se rendait à l’école.
Mineure, son dossier aurait dû être traité par un tribunal pour mineurs, mais il a été injustement transféré au tribunal révolutionnaire, connu pour son traitement sévère des affaires politiques. Pendant des mois, elle a subi des interrogatoires incessants et des convocations répétées.
Alors que son père est toujours détenu pour de nouvelles accusations, Asal est elle-même menacée de décisions judiciaires. Cette double pression illustre le recours par le régime à des mesures illégales et punitives pour cibler les familles des militants. Dans certains cas, les autorités évitent de porter plainte contre les enfants, mais perturbent leur scolarité ou leur emploi, créant ainsi des obstacles durables pour leur avenir.
Le calvaire d’une famille
Esmaeil Abdi, militant syndicaliste enseignant emprisonné depuis près de neuf ans, a été le témoin direct des conséquences de cette répression sur sa famille. L’un de ses moments les plus douloureux a été le refus d’assister au mariage de sa fille Mobina.
« Ils ne m’ont même pas autorisé à être avec elle quelques heures », a raconté Abdi.
Mobina, aujourd’hui âgée de 21 ans, a elle aussi vécu un calvaire lorsqu’elle a été licenciée de son poste de comptable dans une entreprise privée sous la pression des services de sécurité. On lui a explicitement dit : « Parce que votre père est un prisonnier politique, nous avons reçu l’ordre de vous renvoyer. »
La famille d’Abdi a également subi du harcèlement lors des visites en prison, les autorités retardant ou refusant délibérément les rencontres en personne pour aggraver la souffrance. « Lorsqu’ils ont réalisé que mes enfants avaient besoin de visites, ils nous ont encore plus tourmentés », a déclaré Abdi.
Lors d’un incident particulièrement manipulateur survenu en juillet 2015, les autorités ont organisé une visite familiale sous prétexte de l’anniversaire d’Abdi. Grâce à des caméras enregistrant et à la présence d’un interrogateur, ils ont fait pression sur les enfants d’Abdi pour le convaincre d’annuler un rassemblement d’enseignants prévu, promettant sa libération en échange.
L’épouse d’Abdi, Monireh, a réagi avec défiance et a déclaré : « Si mon mari n’est pas libéré bientôt, je participerai moi-même au rassemblement avec les enfants. » Son courage témoigne de la résilience des familles sous pression.
Père et fils emprisonnés
L’histoire de la famille Younesi est un autre exemple frappant de ciblage familial. Ali Younesi, étudiant en génie informatique de 25 ans à l’université Sharif et médaillé d’or aux Olympiades internationales d’astronomie de 2017, est emprisonné depuis le 1er avril.
Avril 2020. Avec son camarade Amirhossein Moradi, il a été condamné à 16 ans de prison pour des motifs politiques.
Le père d’Ali, Miryousef Younesi, âgé de 70 ans et fort de 14 ans de prison remontant à l’époque du Shah, a été arrêté en janvier 2023 et est actuellement détenu à la prison d’Evin avec son fils. Cette double incarcération constitue une tentative manifeste de briser l’esprit de famille.
Le 6 mai 2025, Miryousef a été transféré de force au quartier 7, réservé aux délits sociaux, le séparant d’Ali. Les prisonniers politiques du quartier 4 d’Evin ont organisé un sit-in pour protester contre ce transfert, mais les autorités n’ont pas tenu leur promesse de renvoyer Miryousef.
Le 13 mai 2025, Miryousef a entamé une grève de la faim pour protester contre ses conditions de détention. Atteint de diabète et de surdité, il se voit refuser l’accès aux soins médicaux, ce qui met en évidence la négligence et la cruauté du régime envers les prisonniers vulnérables et leurs familles.
Schéma général
Ces cas ne sont pas isolés, mais s’inscrivent dans une stratégie plus large. Le régime exploite les familles pour contraindre les prisonniers récalcitrants à se soumettre, à se repentir ou à coopérer. En ciblant les personnes apparemment les plus vulnérables, les autorités cherchent à créer un sentiment d’impuissance. Cependant, cette tactique se retourne souvent contre eux, car les familles font preuve d’une résilience remarquable.
Des déclarations telles que « Je ne vous demanderai jamais pardon » ou « C’est à vous de demander pardon au peuple » résonnent à travers l’histoire, symbolisant l’esprit inflexible de ceux qui refusent de s’incliner. Des familles comme les Abdi et les Younesi incarnent cette résistance, transformant les outils de répression du régime en symboles de résistance.
La voie à suivre : Résistance et solidarité
Les familles de prisonniers politiques jouent un rôle crucial dans la lutte contre les tactiques du régime. En refusant de céder, elles rendent ces mesures répressives inefficaces. Parmi les mesures clés, on peut citer :
- Dénoncer les injustices : Faire connaître les exactions du régime permet de sensibiliser et de mobiliser des soutiens, tant au niveau national qu’international. Les réseaux sociaux, les organisations de défense des droits humains et la société civile amplifient ces voix.
- Aide juridique : Engager des recours juridiques, malgré la corruption du système judiciaire, peut alléger certaines pressions et amener les autorités à rendre des comptes.
- Solidarité : Le soutien mutuel au sein des familles et entre elles renforce leur détermination et le moral des prisonniers, leur rappelant qu’ils ne sont pas seuls.
- Pression internationale : L’engagement des organisations internationales de défense des droits humains peut permettre de mettre en lumière les pratiques iraniennes et potentiellement dissuader de nouvelles exactions.
La lutte est ardue, mais les familles ne sont pas seules. Les groupes de défense des droits humains, la société civile et les militants du monde entier sont solidaires, offrant espoir et ressources à ceux qui luttent pour la justice.
La tactique du régime iranien consistant à cibler les familles de prisonniers révèle l’ampleur de son désespoir à vouloir faire taire la dissidence. Pourtant, le courage de familles comme celles d’Asal Meskin-Navaz, d’Esmaeil Abdi, d’Ali et de Miryousef Younesi démontre que la résistance peut triompher de la répression.
En restant fermes, en dénonçant les exactions et en revendiquant leurs droits, ces familles envoient un message fort : les tactiques du régime sont vouées à l’échec. Leur résilience entretient la flamme de l’espoir, inspirant d’autres personnes à se joindre au combat pour un Iran juste et libre.

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