dimanche 29 juin 2025

Les médias du régime deviennent agressifs après le cessez-le-feu et appellent à l’exécution de Grossi

 Dans les jours qui ont suivi le cessez-le-feu entre l’Iran et Israël, après 12 jours de conflit, les médias contrôlés par l’État sont entrés dans une phase d’escalade rhétorique plutôt que de désescalade. Ce phénomène est particulièrement visible dans les pages du Kayhan Daily, dont la ligne éditoriale est supervisée par le bureau du Guide suprême des mollahs, Ali Khamenei. Une lecture des articles de Kayhan publiés le 27 juin 2025 révèle une intensification concertée du langage, allant des menaces ouvertes envers des responsables internationaux aux condamnations des opposants en interne. Cette rhétorique extrême est moins une démonstration de force qu’un symptôme de vulnérabilité, cherchant à masquer la fragilité causée par la guerre.

De la surveillance à l’exécution : la doctrine Kayhan
L’un des aspects les plus marquants du discours de Kayhan après le cessez-le-feu est sa diffamation envers Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Dans une chronique présentée comme un « dialogue » satirique, Kayhan affirme d’abord que l’Iran n’a « aucune intention d’accueillir Grossi », avant d’enchaîner : « Il aurait été plus décisif de dire que Grossi est un espion du Mossad démasqué et qu’il ne sera jamais autorisé à entrer en Iran.» L’article poursuit : « Il devrait être officiellement jugé et exécuté pour espionnage au profit du Mossad et pour participation au meurtre de notre peuple innocent.»

Ce n’est pas une opinion isolée ; elle est largement relayée et s’inscrit dans l’hostilité croissante de l’État envers les mécanismes de surveillance internationaux. Le fait que Grossi soit associé à une implication directe dans des sabotages et des assassinats témoigne de la perception du régime selon laquelle la coopération technique avec les institutions internationales est devenue un handicap pour la sécurité. Plus important encore, cela révèle un régime qui s’en prend symboliquement pour compenser des défaillances réelles et structurelles en matière de renseignement, de dissuasion et de contrôle opérationnel.

Rhétorique comme dérivation
Dans ses colonnes éditoriales, Kayhan continue de présenter la guerre comme une victoire historique pour le régime, tout en mettant en garde contre de nouvelles inspections, des mandats de l’ONU ou tout retour à la diplomatie. Dans son éditorial principal, le journal félicite le Parlement pour l’adoption d’une loi visant à mettre fin à la coopération avec l’AIEA et menace de reprendre l’enrichissement de l’uranium à 90 % ou plus. Il prône ouvertement la construction de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM), exhortant les législateurs à autoriser le développement de systèmes capables de frapper le sol américain : « Les performances réussies du moteur à combustible solide Salman… montrent que la République islamique peut atteindre des ICBM d’une portée de 12 000 kilomètres. »

Pourtant, ce langage – grandiloquent et apocalyptique – est teinté de signes évidents de peur institutionnelle. Le même article admet que même les inspections standard de l’AIEA ces dernières années ont été « utilisées par Israël et les États-Unis pour cibler les infrastructures humaines et techniques de l’Iran ». Cette inquiétude face à une infiltration fait écho à d’autres reportages médiatiques pro-État, comme celui d’Arman Melli, qui révèle d’importantes vulnérabilités du système douanier iranien et évoque des ateliers nationaux de fabrication de drones ayant frappé en profondeur l’Iran.

La véritable menace intérieure
Alors que la menace extérieure s’amplifie, les médias d’État trahissent une inquiétude plus profonde quant à la fracture interne. Dans un autre éditorial de Kayhan intitulé « Distorsion et division », des personnalités médiatiques, des soi-disant réformistes et des voix de la diaspora sont accusés de « mener une campagne de distorsion » pour saper l’unité nationale et « dissimuler la défaite de l’ennemi sioniste ». L’article exige que les services de renseignement et l’appareil judiciaire « traquent et démantèlent ce réseau de trahison », affirmant qu’il s’inscrit dans une ligne plus large de « pénétration et de sabotage ». Ces accusations ne sont pas de simples ornements rhétoriques. Elles reflètent l’inquiétude croissante du régime face aux troubles intérieurs, notamment après une guerre qui a fait des centaines de morts – dont de nombreux membres des forces de sécurité – et n’a pas réussi à assurer une véritable dissuasion.

Une citation explicite illustre bien cet état de paranoïa : « Si l’on remonte les pistes, nous découvrirons très probablement que les mêmes personnes qui ont fourni à l’ennemi les coordonnées pour nous frapper font partie de ce groupe.» Cette invocation de trahison interne ne révèle pas une confiance, mais une crise de confiance au sommet de l’appareil sécuritaire.

De même, d’autres publications proches du régime, comme Khorasan et Farhikhtegan, mettent en garde contre les « dualités » et les « dichotomies » – la nation contre la oumma, l’islam contre le nationalisme –, accusant les intellectuels et les personnalités médiatiques de faire le jeu d’agents étrangers. Khorasan écrit : « L’ennemi a exploité cette faille… aujourd’hui, certains la ravivent avec des discours de division. Il ne s’agit pas d’une erreur tactique, mais d’une menace stratégique pour la cohésion nationale.

L’hostilité comme scénario de survie
Le ton du régime au lendemain du cessez-le-feu ne suggère pas un triomphe, mais un traumatisme. Avec la mort de nombreux dirigeants du CGRI et de l’armée, la compromission d’infrastructures essentielles et la menace persistante d’un sabotage, les dirigeants iraniens semblent s’être repliés sur eux-mêmes : méfiants, punitifs et animés par une ferveur idéologique qui remplace souvent la clarté opérationnelle.

L’appel de Kayhan à exécuter une personnalité internationale comme Grossi est un symbole grotesque de la situation actuelle. Non seulement hostile, il est désespéré. Un langage aussi extrême témoigne d’un système sous pression. En qualifiant les opposants de traîtres, en purgeant la surveillance internationale et en promouvant obsessionnellement « l’unité », la dictature cléricale ne prépare pas la paix. Elle se prépare à sa chute, de l’intérieur comme de l’extérieur.

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