jeudi 5 juin 2025

Privatisation des télécommunications ou mainmise du régime ?

 La privatisation de la Compagnie iranienne des télécommunications (TCI), le plus grand opérateur de télécommunications du pays, en 2009, a été présentée comme un tournant dans la réforme économique iranienne. En réalité, elle est devenue un cas d’école de corruption imputable au régime et une expansion majeure de l’empire économique contrôlé par le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI).

Une privatisation controversée

Fondée en 1971, TCI détenait un quasi-monopole sur la téléphonie fixe, l’ADSL et les services de données en Iran. Par l’intermédiaire de sa filiale mobile, MCI, elle contrôlait également une part importante du marché iranien des télécommunications mobiles. Lors de la privatisation de TCI en 2009, une participation majoritaire (50 % plus une action) a été cédée pour 7,8 milliards de dollars au consortium Mobin Trust. Il s’agissait de la plus importante transaction de l’histoire de la bourse iranienne.

Cependant, loin de constituer une avancée vers un marché libre, l’accord a transféré le contrôle d’une infrastructure vitale de l’État à un consortium lié à l’élite militaire et au régime iranien.

Le bras économique du CGRI : le consortium Mobin Trust

Le consortium Mobin Trust (Etemad-e-Mobin) n’est pas une entité commerciale ordinaire. Il a été créé en 2009 par une coalition d’entreprises affiliées au CGRI et au Guide suprême du régime, Ali Khamenei. Parmi celles-ci figurent la Fondation coopérative du CGRI, la Fondation Mostazafan et l’Exécution de l’ordre de l’imam Khomeini (EIKO/Setad). Plutôt que d’ouvrir la voie à la concurrence, la privatisation a simplement transféré le pouvoir des ministères à des organisations obscures affiliées au régime.

La privatisation a été semée d’embûches. Le seul concurrent viable dans l’appel d’offres, la coopérative Pishgaman Kavir Yazd, a été brutalement disqualifié pour de vagues « raisons de sécurité ». Le Mobin Trust, lié au CGRI, est ainsi devenu le seul soumissionnaire sérieux, transformant ainsi l’enchère en une simple formalité.

Corruption, mauvaise gestion et décès

Au-delà des irrégularités dans l’appel d’offres, d’autres problèmes alarmants sont apparus. Les retards de paiement du consortium ont suscité des inquiétudes au Parlement. Puis sont survenues les morts suspectes de Majid Solaimanipour, PDG de la société d’investissement de TCI, et de son épouse, tous deux victimes présumées d’une « fuite de gaz ». Les circonstances de leur décès ont été largement jugées suspectes.

Des employés retraités de TCI ont également dénoncé à plusieurs reprises la mauvaise gestion et accusé le Mobin Trust et ses alliés de piller les fonds de pension. Ces protestations mettent en lumière un grief plus large : les institutions affiliées au régime s’enrichissent aux dépens des travailleurs et des retraités.

Les télécommunications comme outil de répression

Le contrôle des TCI a également conféré au régime des pouvoirs étendus en matière de surveillance et de censure. Grâce à l’influence du CGRI sur le réseau fédérateur des télécommunications iranien, les TCI sont devenues un atout majeur pour surveiller l’activité internet, en restreindre l’accès et faire taire la dissidence.

Sortie de nom seulement

En 2018, sous la pression du Guide suprême Khamenei et du président de l’époque, Hassan Rohani, le CGRI a annoncé son désinvestissement du secteur des télécommunications. La Fondation coopérative des TCI a officiellement quitté le consortium Mobin Trust. Pourtant, cela n’a pas mis fin au contrôle du régime. D’autres entités, comme Setad (EIKO), directement sous l’autorité de Khamenei, sont restées en place, assurant la domination continue du régime sur le secteur.

La « privatisation » des TCI ne visait pas à libéraliser l’économie iranienne, mais à consolider le pouvoir du régime par la mainmise économique. Des entités comme le Consortium Mobin Trust ont servi d’instruments au CGRI et à Khamenei pour prendre le contrôle de secteurs stratégiques sous couvert de privatisation. Au lieu de favoriser la concurrence, elles ont renforcé un réseau d’élites irresponsables, permis la censure et la surveillance, et aggravé la corruption dans les infrastructures de télécommunications iraniennes.

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