dimanche 21 mars 2021

L’Europe doit mettre un terme à sa politique de complaisance avant que Téhéran ne provoque un catastrophe

Les gouvernement européens partagent une longue histoire de complaisance avec le régime théocratique au pouvoir en Iran. Elles ont appliqué cette politique face à la quête d’armes nucléaires par ce régime, notamment en signant un accord lacunaire en 2015. Téhéran l’a ensuite violé en toute impunité après avoir décidé qu’il ne retirait pas suffisamment d’avantages économiques de ses anciens adversaires. Ils l’ont appliquée face aux violations des droits humains en fermant les yeux sur le massacre de quelque 30 000 prisonniers politiques iraniens en 1988. Et ils l’ont même fait face à des activités terroristes qui menaçaient la population sur le sol européen.

Cette tendance n’a guère évolué au cours de plus de quatre décennies d’efforts infructueux pour susciter une tendance illusoire à la modération au sein du régime des mollahs. Malheureusement, ce fait n’a fait que renforcer les activités néfaste de Téhéran dans chacune des catégories susmentionnées. Or, il existe des preuves émergentes que les autorités iraniennes ont poussé le bouchon trop loin. En 2018, après n’avoir subi aucune sanctions sérieuse pour ses provocations contre la navigation commerciale dans le détroit d’Ormuz ou pour sa répression sévère d’un soulèvement national au début de l’année, le régime a jugé bon d’intensifier son conflit avec ses opposants, tant sur le territoire national qu’à l’étranger.

De décembre 2018 à janvier 2019, les habitants de plus de 100 villes et villages iraniens ont pris part à des manifestations par lesquelles ils réclamaient un changement de régime.

En mars 2018 un complot a visé à faire exploser un camion piégé au siège albanais du principal groupe d’opposition iranien, l’Organisation des Moudjahidine du Peuple d’Iran (OMPI). Lorsque le complot a été déjoué et que deux diplomates iraniens ont été expulsés du pays, le régime a simplement visé plus haut, en chargeant un autre diplomate de haut rang de diriger une mission visant à faire exploser le rassemblement annuel des expatriés iraniens organisé en France par la coalition mère de l’OMPI, le Conseil national de la Résistance iranienne.

Le diplomate en question, Assadollah Assadi, qui était le troisième conseiller à l’ambassade d’Iran à Vienne lorsqu’il est rentré à Téhéran, a acheté plus de 500 grammes de TATP, un explosif puissant, et l’a ramené clandestinement en Europe en utilisant une valise diplomatique. Il l’a ensuite remis à deux co-conspirateurs au Luxembourg pendant qu’un quatrième agent se préparait à infiltrer séparément le lieu visé. Heureusement, le complot a été déjoué grâce à la coordination de plusieurs autorités européennes, mais s’il avait réussi, il aurait sans aucun doute fait des centaines de morts, y compris certains des dignitaires politiques européens qui étaient présents et parfois proches de la cible principale du complot, Mme Radjavi.

La gravité potentielle de cette attaque, ainsi que l’audace de l’utilisation par le régime des réseaux diplomatiques pour mener des activités terroristes, ont évidemment incité au moins un pays européen, la Belgique, à agir. Après l’arrestation d’Assadi en Allemagne, la Belgique a demandé son extradition et a ouvert une enquête qui a duré plus de deux ans. En novembre dernier, lui et ses trois co-conspirateurs ont été jugés à Anvers et, le 4 février, ils ont tous été reconnus coupables et condamnés à des peines de prison allant de 15 à 20 ans.

Cette condamnation a sans doute marqué un tournant dans les relations occidentales avec le régime iranien, et les détracteurs de ce dernier l’ont présentée comme le marqueur prospectif d’un changement plus large de la politique européenne. Malheureusement, tout optimisme qu’ils ont pu ressentir à ce sujet a été tempéré parce que l’Union européenne et ses autres États membres n’ont pas exactement suivi l’exemple.

Supposons que les stratégies européennes de conciliation et de complaisance persistent dans les jours et les mois à venir. Dans ce cas, il sera difficile de sous-estimer à quel point Téhéran tentera d’exploiter ce climat pour étendre ses activités malveillantes. Et dans le sillage des multiples soulèvements nationaux du peuple iranien, cette issue serait un double désastre.

En premier lieu, l’essentiel de l’impunité de l’Iran sera mis à profit pour accélérer la répression intérieure de la dissidence, qui a déjà atteint une ampleur sans doute inédite depuis l’époque du massacre de 1988. En novembre 2019, lorsque des militants ont organisé une suite au soulèvement de décembre 2017 et ont dépassé sa portée géographique et démographique, les autorités ont répondu avec la plus grande barbarie, ouvrant le feu sur les foules et tuant environ 1 500 personnes. On ne sait pas en quoi pourrait consister la prochaine escalade, mais Téhéran n’aura aucune raison de réduire ses efforts néfastes s’il ne fait pas face à une pression concertée de la communauté internationale.

En second lieu, la politique de complaisance occidentale serait un désastre dans ces circonstances, car elle représenterait une formidable occasion manquée. Malgré tout ce que le peuple iranien a subi dans ses récents heurts avec le système théocratique, la répression ne l’a pas découragé. En effet, même le Guide Suprême du régime, Ali Khamenei, a averti qu’il pourrait y avoir d’autres soulèvements menés par l’OMPI. Ces avertissements interviennent en dépit du fait que le mouvement de résistance a été pratiquement ignoré par les gouvernements occidentaux qui devraient être ses alliés les plus naturels.

À leur crédit, certains législateurs américains et européens reconnaissent à la fois les avancées de la Résistance contre le régime et la valeur de la plateforme laïque, démocratique et non-nucléaire que la Résistance a présentée. Ces législateurs étaient bien représentés lors du rassemblement Iran Libre de 2018, et ils ont depuis ouvert la voie en poussant leurs propres gouvernements à adopter ou maintenir des politiques qui privilégient la pression sur la négociation. Ils ont encore beaucoup de travail à faire, mais nous ne pouvons qu’espérer que les dirigeants de l’UE ne soient pas assez fous pour ignorer leurs appels suite à tout ce qui s’est passé au cours de ces dernières années.

Alejo Vidal-Quadras, professeur de physique atomique et nucléaire, a été vice-président du Parlement européen de 1999 à 2014. Il est président de l’International Committee In Search of Justice (ISJ).

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