samedi 5 avril 2025

La mort de Nayeri ravive la demande de justice contre les bourreaux du massacre de 1988 en Iran

 La mort d’Hossein-Ali Nayeri, officiellement annoncée le 3 avril 2025, n’a pas mis fin à l’héritage génocidaire du régime. Nayeri, un homme dont le nom restera synonyme de brutalité et de cruauté, a été l’un des principaux artisans du massacre de 1988 dans les prisons iraniennes. Une atrocité condamnée par Amnesty International comme un crime contre l’humanité et par Javaid Rehman, alors que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l’Iran a évoqué un probable génocide.

Au contraire, sa mort a ravivé la quête ardente de justice et de responsabilité qui continue de tourmenter le régime de l’intérieur, rappelant que les crimes qu’il a orchestrés restent impunis et que ceux qui ont laissé derrière eux l’héritage sanglant du régime sont toujours en liberté.

Dans une déclaration après sa mort, Amnesty International a affirmé : « Hossein-Ali Nayeri aurait dû faire l’objet d’une enquête pénale de son vivant pour crimes contre l’humanité. Sa mort ne doit pas priver les victimes et leurs familles du droit à la vérité, à la justice et à la responsabilité de tous les complices de ces crimes. » Cet appel reflétait des années de plaidoyer mené par des groupes de défense des droits humains pour que Nayeri réponde de son rôle dans les massacres systématiques, les disparitions forcées, la torture et autres atrocités commises au lendemain de la guerre Iran-Irak.

https://x.com/AmnestyIran/status/1907814253001691410

L’ascension au pouvoir d’un religieux cupide
Hossein-Ali Nayeri était un religieux brutal qui a gravi les échelons du pouvoir en démontrant sa volonté d’exécuter sans hésitation les ordres impitoyables de Khomeiny. Khomeiny a nommé Nayeri pour superviser l’exécution massive de prisonniers politiques, notamment de membres de l’Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran (OMPI/MEK), à l’été 1988. Son nom figurait en tête du décret de Khomeiny appelant à l’éradication de tous les opposants emprisonnés refusant d’abjurer leurs convictions.

La directive de Khomeini stipulait : « Ceux qui persistent dans leur hostilité à l’islam sont en guerre contre Dieu et condamnés à mort.» Nayeri défendra plus tard ce génocide en décrivant l’été 1988 comme une période de crise nationale : « Sans la détermination de l’imam [Khomeini], il n’y aurait pas eu de sécurité. Le système n’aurait peut-être pas survécu. Il y avait 50 à 60 attentats à la bombe par jour à Téhéran et dans d’autres villes.»

Interrogé des années plus tard sur les massacres, Nayeri n’a manifesté aucun remords. « Dans une telle crise, que faire ?» a-t-il rétorqué. « Il faut donner des ordres décisifs. On ne peut pas diriger un pays avec des plaisanteries. »

Le massacre de 1988
Après la promesse de Khomeini de poursuivre la guerre jusqu’à la libération de Jérusalem via Kerbala, son régime fut contraint d’accepter le cessez-le-feu avec l’Irak le 20 juillet 1988, en vertu de la résolution 598 du Conseil de sécurité de l’ONU. Ce recul humiliant par rapport à son objectif affiché laissa Khomeini aux prises avec une crise de légitimité. Pour compenser, il tourna sa fureur vers l’intérieur, ciblant le principal ennemi du régime : l’OMPI.

Nayeri fut nommé à la tête de la « Commission de la mort » à Téhéran, aux côtés du procureur de Téhéran, Morteza Eshraghi, et d’un représentant du ministère du Renseignement. L’unique objectif de la commission était de déterminer le sort des prisonniers politiques lors d’audiences qui duraient rarement plus de quelques minutes. Les prisonniers étaient interrogés sur leur allégeance à l’OMPI, leurs croyances religieuses et leurs affiliations politiques. Ceux qui refusaient de renoncer à leurs croyances étaient envoyés à la potence. On estime que des milliers de personnes ont été exécutées en quelques semaines.

Un héritage brutal
Le massacre de 1988 ne fut pas la seule contribution de Nayeri à l’appareil répressif de Khomeiny. Il gravit rapidement les échelons du régime, occupant le poste de vice-président de la Cour suprême pendant plus de 20 ans, puis celui de président du Tribunal disciplinaire des juges. En 2022, Gholam-Hossein Mohseni-Ejei, le président de la Cour suprême, le nomma conseiller principal, une décision largement condamnée par les organisations de défense des droits humains.

Des années après le massacre, le régime continua de louer le rôle de Nayeri dans ce qu’il qualifiait de manière euphémique de « sauvegarde de la révolution ». Lorsque Ejei confirma sa mort, il salua les « années de service au régime » de Nayeri et son rôle dans « l’efficacité et l’influence qu’il a exercées ».

Le jugement manqué
La mort de Nayeri a été assombrie par des informations contradictoires. Alors que la version officielle affirme qu’il est mort de maladie, certaines sources affirment qu’il a été assassiné, peut-être en représailles pour son rôle dans les atrocités qu’il a commises.

Lors de l’assassinat de Razini et Moghiseh, le 18 janvier 2025, certains rapports ont suggéré qu’un troisième individu avait été blessé par balle. Le régime a rapidement nié la présence de Nayeri sur les lieux, affirmant qu’il n’était pas à son bureau ce jour-là.

Cependant, compte tenu de l’euphorie nationale suscitée par la mort de Razini et Moghiseh, deux des plus célèbres responsables du massacre de 1988, il est tout à fait plausible que Nayeri ait bien été la troisième cible, et le régime s’est empressé de dissimuler la vérité.

La mort d’autres membres de la Commission de la mort de 1988, tels qu’Ebrahim Raïssi et Moghiseh, ces dernières années, n’a laissé que quelques rares survivants de l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire sanglante du régime. Pourtant, leur disparition n’a pas permis de tourner la page. Au contraire, cela a renforcé la détermination d’innombrables familles dont les proches ont péri durant l’été 1988.

Le régime a peut-être survécu et prospéré grâce à des génocides idéologiques, mais il reste hanté par la quête inlassable de justice de filles, de fils, de parents et de proches qui refusent d’oublier et de pardonner. Leurs voix résonnent à travers le temps, confrontant sans relâche une dictature qui craint la vérité. En fin de compte, c’est la détermination inébranlable de ces survivants et de leurs défenseurs qui démantèlera l’appareil de terreur et d’impunité du régime.

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