La pauvreté parmi les femmes iraniennes est devenue si fréquente que les médias d’État et officiels l’appellent « pauvreté féminine », terme désormais courant. Depuis la prise de pouvoir du régime iranien il y a bientôt 40 ans, la pauvreté, y compris parmi les femmes, reste toujours aussi présente, et devient même catastrophique au sein de ménages dont le chef est une femme.
Le 13 octobre, le journal gouvernemental Shargh a publié un reportage sur la situation dans les zones rurales de la province de Kohgiluyeh et Boyer-Ahmad, reconnaissant certains aspects du désastre qui est en train de s’accomplir sous le régime iranien.
Voici quelques éléments de ce reportage :
Zyadi Pouramir, 45 ans, en difficulté financière, vit avec ses deux fils. Son mari est décédé d’un infarctus il y a quatre ans, à l’âge de 85 ans.
Golshan Zaman, 40 ans, a sept enfants. Son mari a des problèmes de vue et ne peut pas travailler, de sorte que Golshan seule a la responsabilité des enfants.
Kobra Bidarkhoo a 29 ans. Son mari s’est suicidé il y a trois ans à la suite de troubles psychologiques liés à la pauvreté. Kobra vit maintenant avec ses trois fils, leurs seuls revenus provenant d’une fondation caritative et de quelques subventions versées en espèces.
Afsaneh Ghobadian a 28 ans. Son mari a été tué il y a quatre ans lors de violences ethniques. Afsaneh vit désormais avec ses deux filles et les parents de son défunt mari.
Zaynab Doreh, 28 ans, a perdu son mari il y a quatre ans dans un accident de la route. Avec sa fille Shala, Zaynba vit désormais avec les parents de son défunt mari.
Ce ne sont que quelques uns des témoignages qui accompagnent ce reportage photo, dont chacun recèle une histoire bien plus dense, et qui peuvent donner lieu à des analyses bien plus complexes.
Ce sont des histoires de femmes et de filles obligées de se marier à un très jeune âge, devenant souvent l’énième femme d’un homme beaucoup plus âgé.
La photographe Fatemeh Abedi s’est rendue dans ces zones rurales de la province de Kohgiluyeh et Boyer-Ahmad pour effectuer un reportage sur la situation des femmes. Elle y a rencontré beaucoup de femmes chefs de famille. Après avoir passé plusieurs jours avec elles et établi des relations de confiance, elle a pu montrer certains aspects de leur vie amère et douloureuse.
Selon Fatemeh Abedi, beaucoup de filles dans ces zones sont obligées de se marier jeunes pour des raisons de pauvreté, de culture et de manque d’éducation.
Outre l’histoire de Zyadi Pouramir, qui à l’âge de 45 ans a perdu son mari de 85 ans, Abedi se souvient également d’une autre femme qui, à l’âge de 24 ans, est devenue la cinquième épouse d’un homme qui en avait 60 de plus.
Abedi raconte que beaucoup de femmes dans ces zones rurales, où elle a passé plusieurs semaines, ont perdu leur mari pour des raisons liées directement ou indirectement à la pauvreté, certains ayant perdu la vie dans des accidents de circulation en voyageant sur des routes impraticables, par exemple, ou d’autres en se suicidant.
Elle raconte l’histoire de Kobra Bidarkhoo, dont le mari s’est suicidé, en ajoutant que beaucoup d’hommes dans ces zones rurales décident de mettre fin à leurs jours à cause des pressions économiques et de la pauvreté, laissant leurs femmes et leurs enfants sans ressources et sans soutien.
Selon la photographe, les villages de la région ont au moins dix foyers, dont trois ou quatre pour lesquels le chef de ménage est une femme. C’est une situation préoccupante.
Selon des recherches récentes, et comme l’a reconnu le directeur du département d’études stratégiques de la vice-présidence pour les femmes et les familles, « la discrimination et l’inégalité, le manque d’emplois et le manque de sécurité sociale pour les femmes sont les trois problèmes qui font le plus mal aux femmes chefs de famille, leurs autres préoccupations majeures étant le manque de liberté et du droit de choisir, le manque de dignité sociale, la pauvreté et les privations sociales » (IRNA, agence de presse gouvernementale, 15 janvier 2015).
C’est ainsi que femmes chefs de ménage se comptent désormais par millions.
Selon les chiffres officiels, et comme le dit Anoushirvan Mohseni Bandpei, directeur général de l'organisation d'assurance santé iranienne, « le pays compte 3.200.000 femmes chefs de ménage » (Mehr, agence de presse gouvernementale, 12 juillet 2017).
Selon le membre du parlement iranien Tayebeh Siavoshi, le nombre de femmes chefs de ménage varie mais peut être estimé à jusqu’à cinq millions (agence de presse du parlement, 7 août 2017).
Selon les chiffres officiels, ces femmes sont de plus en plus jeunes : Fahimeh Pirouzfar, directrice du groupe de travail sur l’autonomisation de femmes chefs de famille, explique que « l’âge moyenne de femmes famille de ménage à Téhéran est désormais passé de 50 ans à 35-40 ans ».
La plupart de femmes chefs de ménage habitent les zones défavorisées des villes, sans domicile ou sans travail pour gagner leur vie.
Victimes de l’oppression et du pillage du régime, ces femmes sont prises par de multiples problèmes, sans bénéficier d’aucun système de soutien, de sorte que 82 % d’entre elles n’ont ni un emploi ni les moyens de subsistance pour leur famille.
Sans autre choix que de travailler dur, les femmes chefs de ménage, surtout dans les zones rurales, perdent beaucoup de leur délicatesse féminine et de leurs plaisirs quotidiens.
En plus d’un éventuel emploi rémunéré, les tâches ménagères, l’élevage de bétail et le travail dans les champs font également partie de leur vie quotidienne.
Les normes sociales font que beaucoup de ces femmes refusent de se remarier et restent célibataires, quelle que soit la manière dont elles ont perdu leur mari. Beaucoup d’entre elles souffrent de maladies diverses en vieillissant, sans pouvoir se faire soigner par manque de soutien social et médical.
De même, leur aspect et leur comportement témoignent d’états dépressifs, qui sont également communiqués à leurs filles et à leurs fils : c’est la récolte amère de la pauvreté. Beaucoup de femmes chefs de ménage n’ont plus d’enfant ni de compagnon, vivant seules.
Selon les résultats du recensement de 2016, environ 1.340.000 femmes chefs de ménage vivent seules, dont la moitié seraient sans aucune famille.
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