mardi 24 octobre 2017

En Iran, vendre ses organes pour payer ses dettes

 La dure réalité d'un pays riche en pétrole, sous le régime de mollahs, qui dépense des milliards de dollars pour l'exportation du terrorisme et de l'extrémisme et la poursuite d’une politique belliciste au Moyen-Orient et dans le monde, est que la majorité de ses citoyens vivent sous le seuil de la pauvreté au point que beaucoup d’entre eux doivent vendre des organes de leur corps pour rembourser leurs dettes. L'histoire choquante suivante publiée dans le quotidien américain Los Angeles Times le 15 octobre 2017 n'est qu'un exemple des conditions de vie désastreuses de la population sous le régime iranien.
« Reins à vendre » : l'Iran a un marché légal de vente des organes, mais le système ne fonctionne pas toujours

Les annonces sont gribouillées aux marqueurs sur des murs en brique et des troncs d'arbre, et apposées sur les cabines téléphoniques, les trottoirs et les panneaux routiers indiquant le chemin de l'un des grands hôpitaux de l'Iran.
"Reins à vendre," apparait sur les dizaines de messages, accompagnés de numéros de téléphone et de groupes sanguins des vendeurs, le long d'une rue bordée d’arbres qui mène au Centre du rein Hacheminejad à Téhéran.
De nouvelles annonces apparaissent presque tous les jours. Derrière chaque annonce, le récit d’un malheur - le chômage, la dette, une urgence familiale - dans un pays frappé par le désespoir économique.
Dans l'ombre d'un arbre en face de l'hôpital de rein, Ali Rezaii, 42 ans, installateur de climatisation, aujourd’hui en faillite, disait : "Si je pouvais vendre mon rein, je pourrais sortir de la dette" et de poursuivre, "Je vendrais mon foie aussi".
En fait, l'Iran offre aux gens un moyen légal de vendre leurs reins - et c'est le seul pays au monde à le faire. Une fondation gouvernementale enregistre les acheteurs et les vendeurs, les compare et désigne un prix fixe de 4 600 $ par organe. Depuis 1993, les médecins en Iran ont effectué plus de 30 000 transplantations de rein de cette façon.
Mais ce système n'a pas toujours fonctionné comme il a été présenté. Les vendeurs ont appris qu'ils peuvent refuser le deal et gagner jusqu'à des milliers de plus,offerts par de riches iraniens désireux de contourner l'attente d'un an environ pour une greffe sous le système de gouvernement, ou par des étrangers exclus du programme national. Au cours des dernières années, des médecins ont été arrêtés en essayant d'effectuer des greffes pour les saoudiens qui avaient obtenu de faux papiers d’identité iraniens.
Les autorités iraniennes avancent l’argument que leur système donne aux pauvres un moyen relativement sûr pour faire de l'argent tout en sauvant des vies. Elles maintiennent les coûts de la chirurgie bas et réduisent les délais d'attente dans un pays où, jusqu'à récemment, peu d'organes étaient prélevés sur des personnes décédées.
"Oui, les gens vendent parce qu'ils ont besoin d'argent, mais c'est une réalité dans le monde entier", nous a dit Nasser Simforouch, président du département d'urologie et de transplantation rénale au Centre médical Chahid Labbafinejad dans le nord de Téhéran.
"Au lieu de faire quelque chose d'illégal pour s’acquitter de leurs dettes, comme le vol ou la contrebande, ils sauvent premièrement une vie," a-t-il-dit. "Il ne s’agit pas d'exploitation. Le résultat final est bon à la fois pour le bénéficiaire et le donateur."
Mais certains leaders internationaux de transplantation pointent ces annonces comme une preuve que la commercialisation des organes s'attaque aux plus démunis- ce que justement les lois des États-Unis et d'ailleurs visent à prévenir en interdisant formellement les ventes d'organes.
"La situation des donateurs ne s’améliore pas en fin de compte," affirme Gabriel Danovitch, directeur du programme de transplantation rénale à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA) et une voix farouche contre la vente des organes. "Quand quelqu’un est à ce point sans espoir, lui donner une somme d'argent tout en détruisant son estime de soi, ceci n’est pas une aide. Dès lors, il s’agit d’un acte de désespoir, pas un acte d'amour."
Personne ne peut savoir le nombre des annonces dans la rue qui reçoivent des réponses. Mais elles servent de marqueurs du dysfonctionnement social et économique de l'Iran après des années de corruption endémique, de mauvaise gestion et de sanctions internationales étouffantes.
En dehors du système officiel de transplantation, les rumeurs d'un marché noir du rein offrent un espoir alléchant aux victimes des problèmes de l'Iran.
Rezaii, dont les lunettes à demi cerclées et la chemise habillée lui donnent l'apparence d'un salarié en col blanc, gagnait suffisamment d’argent pour subvenir à une vie de classe moyenne pour sa femme et ses deux enfants. Mais la situation a changé après qu'il a été embauché pour fournir des climatiseurs dans le cadre du projet géant de logements publics Mehr, qui a été lancé par le président Mahmoud Ahmadinejad à l'époque pour construire des appartements abordables pour les familles au faible revenu.
Mais parce que la plupart des appartements sont restés invendus- en raison de la mauvaise qualité de construction et de la hausse de l'inflation - certains investisseurs ont fui l'Iran, laissant leurs sous-traitants avec des impayés. Rezaii doit près de 7000 $ à la banque et n'a aucun moyen de rembourser cette somme.
Il a été emprisonné pour avoir établi un chèque sans provision, emprunté de l'argent pour obtenir une caution, puis a été arrêté il y a trois mois pour avoir omis de rembourser le prêt. Cette fois, le mari de sa sœur a offert son propre appartement en garantie et caution pour obtenir sa libération.
"Mon beau-frère pourrait perdre sa maison", regrette Rezaii. "Si je retourne en prison, que va arriver à mes enfants ?"
Rezaii envisageait d’abord de vendre son rein par les canaux du gouvernement, mais son beau-frère avait besoin de son argent immédiatement.
Un jour, à la fin du mois d'août, il a rédigé son annonce en grosses lettres bleues sur une feuille de papier et l'a collée sur le mur de briques d'une entreprise de fournitures médicales: «Vente urgente de rein, prix négociable, AB +», avec son numéro de téléphone en dessous.
Il voulait au moins 9 000 $, mais son plan s’est avéré trop naïvement préparé. Il attendrait qu'un courtier l’appelle, peut-être avec l’offre de le faire passer clandestinement à l'autre côté de la frontière dans la région semi-autonome kurde d'Irak, où il avait eu vent de l’existence des médecins qui effectuent des transplantations dans des cliniques privées.
Ou bien, il aurait établi des liens avec un acheteur iranien et se poserait en ami ou en parent, dans l'espoir d'accélérer l'intervention chirurgicale.
Rezaii est revenu le lendemain matin pour s'assurer que son annonce était toujours là. Il a constaté qu'un autre vendeur de rein avait ajouté son numéro à la page avec un marqueur rouge, et un troisième avait attaché le sien à l'aide de petits autocollants bleus.
En appelant les numéros sur les annonces vous pouvez entendre des histoires qui vous brisent le cœur.
Mehdi, 24 ans, étudiant en biologie, avait besoin de 15 000 $ pour résoudre un "problème de famille". Amin, 36 ans, mécanicien de camion qui a perdu son garage à la suite d’une faillite, accepterait la moitié de cette somme pour pouvoir relancer son entreprise.
L'un des proches de Rezaii, Reza Kurd, avait également placé une annonce dans la même rue. Fumeur et âgé de 42 ans aux cheveux gris et moustache taillée, il avait perdu son petit commerce de volaille et s'était endetté de plusieurs dizaines de milliers de dollars. Il a vendu sa voiture et ses deux maisons et a envoyé sa femme et ses enfants chez sa belle-mère, mais n'a toujours pas pu payer les 100 $ d'intérêts mensuels.
"Cette histoire est en train de me tuer", dit-il.
"J'ai été dépassé par mes concurrents dans les affaires et maintenant nous sommes de nouveau dépassés", a-t-il expliqué. "Regardez le nombre des annonces ici. Le jour où nous en mettons une sur le mur, quelqu'un vient en coller un autre dessus. "
La plupart des gens peuvent mener une vie saine avec seulement l’un de leurs deux reins. Mais l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organismes internationaux s'opposent fortement à la commercialisation des d'organes, arguant qu'elle exploite les vendeurs et conduit les médecins à entreprendre des procédures risquées.
Cette année, une conférence du Vatican sur le trafic d'organes humains a appelé tous les pays à reconnaître les paiements aux donneurs d'organes "comme des crimes qui devraient être condamnés dans le monde entier et poursuivis légalement au niveau national et international".
Les partisans du système iranien préfèrent le terme «dons récompensés» aux «ventes d'organes». Les religieux musulmans chiites de l'Iran ont approuvé ces paiements en échange de reins tant que cette opération ne nuit pas à la santé du vendeur.
Il y a quelques années, les médias nationaux rapportaient que des centaines de chirurgies illicites se produisaient chaque année, souvent dans des hôpitaux privés et des cliniques pour les riches patients des pays du Golfe Persique. Les responsables iraniens ont dit qu'ils ont depuis renforcé les procédures pour s'assurer que seuls les Iraniens reçoivent des greffes et que les interventions aient lieu dans les hôpitaux publics.
Ils ont dit que les acheteurs et les vendeurs subissent un dépistage médical et psychologique ainsi que des vérifications pour éviter les collusions ou l'échange d'argent en dehors du canal officiel.
La Fondation iranienne du rein, l'organisme gouvernemental qui gère le programme de transplantation, a déclaré que les bénéficiaires paient 4 600 $, que le vendeur reçoit une fois l'opération terminée. Le gouvernement paie pour la chirurgie, et la fondation ou un groupe de bienfaisance peut contribuer à des coûts supplémentaires si le bénéficiaire est dans le besoin.
"En ce qui nous concerne, personne ne peut vendre un rein en privé", nous indique Nouchine Bidarigh, coordinatrice de la greffe de la fondation. "Les gens mettent des annonces dans la rue par ignorance."
Bidarigh ajoute que si les vendeurs demandent plus d'argent, ils sont retirés du système et l'opération sera annulée.
Mais les médecins reconnaissent qu'il est difficile d'empêcher les paiements secondaires en marge.
L’un de ces cas concerne un irano-américain de 78 ans, originaire de Los Angeles, qui subissait des traitements de dialyse pour une maladie rénale en attendant un organe.

Ses deux enfants adultes étaient prêts à lui donner leur rein, mais il ne voulait pas les mettre en danger, selon Danovitch, son médecin à l'UCLA. Son autre option était un rein de quelqu'un qui venait de mourir, souvent dans un accident.
La durée d'attente moyenne pour ces reins aux États-Unis est de plus de 3 ans et demi. Avec près de 100 000 Américains sur la liste, 12 meurent chaque jour, selon le United Network for Organ Sharing (Réseau unifié pour le partage d’organes).
L'homme s'est donc rendu à Téhéran et, six mois après s'être inscrit à la fondation iranienne, il a reçu un rein à la clinique de Simforouch.
Danovitch affirme que l'homme lui a dit qu'il avait payé 7 000 $ à un donateur de 27 ans qui avait exigé de l'argent supplémentaire. Contacté par téléphone, le patient a refusé de discuter de sa chirurgie.
Simforouch a seulement confirmé que la greffe a été un succès, et que si l'homme avait payé une somme supplémentaire, la clinique n'était pas au courant.
Et Simforouch d’ajouter,"S'il a payé, ce n'est pas forcément une mauvaise chose tant qu'il l'a fait volontairement", "Nos chefs religieux ont indiqué que cela ne pose pas de problème tant que vous sauvez une vie."
Les médecins qui s'opposent à la vente de rein expliquent que ce sont de tels paiements qui alimentent l'espoir des annonceurs de la rue.
"Le prix va grimper de plus en plus", prévoit Behrouz Broumand, néphrologue et Secrétaire des affaires internationales de la Société iranienne de la transplantation d'organes. "Commerce de transplantation est une course. Tant que la pauvreté existe, elle ne s’arrêtera pas".

Le spécialiste de transplantation rénale Nasser Simforouch avec un patient au Centre médical Chahid Labbafinejad de Téhéran. (Shashank Bengali / Los Angeles Times) [légende sous la photo ?]
Même pour les vendeurs qui suivent les règles, les choses ne se passent pas toujours bien.
Une vendeuse de rein, vêtue d’un châle noir et une visière, est entrée dans la fondation tôt le matin pour demander où en est son opération. La patiente bénéficiaire plus âgée qu’elle, souffrait d’un problème thyroïdien qui avait retardé indéfiniment l’intervention.
La divorcée de 35 ans, qui a demandé à être identifiée seulement comme Sarah parce qu'elle n'avait pas dit à sa famille qu'elle vendait son rein, a raconté que ses problèmes ont commencé quand elle s’est portée garante d’un ami qui avait contracté un emprunt bancaire d’environ 6 000 $. Son ami n’a pas pu tenir son engagement et Sarah, employée d'une société privée de logiciels, n'avait aucun moyen de le rembourser sur son salaire mensuel de 420 $.
Après avoir cherché des moyens de gagner de l'argent rapidement, elle a eu l'idée de vendre son rein sur Internet. Elle a placé des annonces dans la rue, mais à deux reprises, elle a été dupée par des courtiers qui lui ont demandé d'envoyer quelques centaines de dollars pour organiser une vente, puis ils ont disparu.
"J'ai appris que le moyen légal était le meilleur moyen", nous dit Sarah.
Elle avait décidé de ne pas demander de l’argent supplémentaire à sa bénéficiaire potentielle, dont le mari était un livreur avec un petit salaire. Mais six mois après s'être inscrite à la fondation, elle ne savait toujours pas quand elle serait payée, et les membres du personnel ont dit qu'ils ne pourraient pas la mettre en contact avec un autre patient.
"Je suis désespérée", dit-elle. "Je dois gagner ma vie."
Rezaii aussi était de plus en plus inquiet.
"Il ne me reste que cinq jours", dit-il. C'était la date limite pour son beau-frère de rembourser le prêt qui avait libéré Rezaii de prison. Après cela, la banque pourrait saisir l'appartement de son parent et Rezaii pourrait être remis en détention.
Le délai est passé. L'annonce de Rezaii est restée collée au mur du bâtiment médical, mais son numéro de téléphone sonne sans réponse.

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