lundi 9 septembre 2024

Le suicide en Iran : De la violence et de la pauvreté aux pressions exercées sur les professionnels de la santé

 À l’occasion de la Journée mondiale de prévention du suicide, nous penchons sur la crise croissante du suicide en Iran, en nous concentrant particulièrement sur les défis auxquels les femmes et les jeunes filles sont confrontées sous le régime clérical. De nombreuses femmes et jeunes filles iraniennes ne se voient pas d’autre choix que de se suicider en raison des immenses pressions sociales et économiques qu’elles subissent.

Plus de 13 personnes se suicident chaque jour en Iran, la majorité d’entre elles étant âgées de 15 à 35 ans. Selon le ministère iranien de la santé, 100 000 personnes ont tenté de se suicider en 2018. En moyenne, 125 Iraniens pour 100 000 habitants tentent de se suicider, dont 6 perdent la vie (selon Wikipedia en persan sur le suicide en Iran).

Cette année, au-delà des suicides tragiques chez les jeunes et les femmes, nous assistons au phénomène alarmant des suicides chez les résidents en médecine (étudiants en médecine, infirmières et médecins).

Le suicide chez les internes en médecine

Le Dr Noor Foroughi Nasab, résidente en pédiatrie à l’hôpital Sadoughi de Yazd, une ville du centre de l’Iran, et mère d’un jeune enfant, s’est suicidée pendant son internat à Yazd (site web de l’État iranien asriran.com – 14 juillet 2024).

La suicide parmi les médecins résidents en Iran est devenue une préoccupation majeure. Les informations montrent qu’au cours des 4 premiers mois de l’année persane (mars à juin 2024), 9 résidents se sont suicidés (site web gouvernemental Rouydad24.ir – 15 juillet 2024). Les médias tardent souvent à annoncer ces incidents, car le ministère de la santé du régime iranien applique une politique de non-transparence. Il tente de minimiser la sensibilisation du public à la crise en retenant l’information. Cependant, la conjugaison d’une pression professionnelle extrême, d’un stress intense et d’une faible rémunération pousse les étudiants en médecine au bord du suicide.

Rien qu’en 2023, 16 jeunes résidents se sont suicidés en moins d’un an (site web de l’État iranien asriran.com – 17 janvier 2024). Ce chiffre ne comprend que les suicides confirmés rapportés par les médias d’État, alors que de nombreux autres ne sont pas signalés.

Le suicide en Iran : De la violence et de la pauvreté aux pressions exercées sur les professionnels de la santé
Dr Noor Foroughi Nasab, résidente en pédiatrie

Exploitation des médecins résidents dans les hôpitaux

Le fonctionnement des hôpitaux en Iran, qui repose largement sur le surmenage des internes, exacerbe la pression sur les étudiants en médecine. L’absence de médecins spécialistes et la délégation de lourdes responsabilités aux internes les poussent au désespoir.

Reza Lari-Pour, porte-parole du Conseil médical du régime, a reconnu le « désespoir » des résidents quant à leur future carrière, notant que ce qu’ils vivent actuellement est loin de ce à quoi ils s’attendaient avant d’entrer dans le domaine médical.

Ce fonctionnaire a reconnu qu’« un résident n’a pas les moyens de louer un appartement à Téhéran ou de couvrir ses frais de subsistance de base ». (Agence de presse iranienne ILNA – 11 mai 2024).

Des échanges avec des résidents, des médecins et d’autres initiés révèlent un « triangle de la misère » impliquant une charge de travail excessive, des salaires bas et des mauvais traitements de la part des supérieurs. Simultanément, les résidents sont confrontés à de lourdes pénalités financières ou à l’obligation de se porter garants s’ils souhaitent abandonner le programme.

Ils doivent travailler jusqu’à 15 heures de nuit par mois, ne sont pas autorisés à travailler de manière indépendante et doivent étudier de manière intensive pour passer des examens épuisants. Ils ne reçoivent aucune aide financière. De plus, le gouvernement impose de lourdes pénalités à ceux qui abandonnent ces filières, enfermant les jeunes résidents dans un cycle d’exploitation qui les pousse au suicide (asriran.com – 17 janvier 2024).

Le suicide en Iran : De la violence et de la pauvreté aux pressions exercées sur les professionnels de la santé
L’effet domino des suicides de médecins : De gauche à droite, le Dr Parastoo Bakhshi, Samira Al-Saeedi, Mitra Asoudeh et Zahra Maleki Ghorbani.

Le suicide chez les médecins : Une préoccupation croissante

Les médias d’État iraniens ont décrit le taux croissant de suicides chez les médecins comme « l’effet domino des suicides de médecins ». Le journal d’État Khabar Online a déclaré que les taux de suicide parmi les professionnels de la santé ont été multipliés par 3,1 à 5 fois (6 juin 2024).

Les suicides de femmes médecins en Iran ont augmenté de 130 %. La baisse de la qualité de vie, des revenus, de la sécurité de l’emploi et de la position sociale contribue à ces décès tragiques. Cette crise menace non seulement la santé mentale des médecins, mais pourrait également conduire à l’effondrement du système de santé iranien (Donya-e-Eqtesad – 28 avril 2024).

Voici quelques exemples récents :

– Le 24 mars 2024, Parastoo Bakhshi, une cardiologue née en 1989, s’est suicidée à Delfan, une ville de la province de Lorestan (ouest de l’Iran).

– Le 25 avril 2024, Samira Al-Saeedi, brillante rhumatologue de l’université des sciences médicales de Téhéran et mère d’un enfant, a mis fin à ses jours en raison de pressions professionnelles.

– Le 1er mai 2024, Zahra Maleki Ghorbani, médecin de 28 ans originaire de Djask, dans le sud de l’Iran (province d’Hormozgan), s’est suicidée.

– Les médias sociaux indiquent qu’un autre médecin, le Dr Leila Modarres Enshaei, s’est également suicidé en mai 2024, bien que les détails demeurent imprécis.

– En novembre 2023, Mitra Asoudeh, chirurgienne générale, s’est suicidée en ingérant des pilules. Elle avait été agressée et insultée par la famille d’un patient de l’unité de soins intensifs de l’hôpital Bou-Ali de Mariwan (nord-ouest de l’Iran) en avril, mais n’avait pas porté plainte. Après avoir été condamnée par le tribunal à la suite de l’action en justice intentée par la famille, elle a mis fin à ses jours.

Le sort des infirmières : Statistiques cachées sur les suicides

En Iran, les infirmières subissent des conditions encore plus difficiles. Nombre d’entre elles sont contraintes d’effectuer 120 heures supplémentaires pour un salaire horaire de 20 000 tomans (environ 0,50 dollar). Si elles protestent, elles risquent d’être transférées dans des régions éloignées. Dans de nombreuses villes, les infirmières sont menacées si elles s’expriment, et cela fait 17 ans qu’elles attendent la mise en œuvre de lois qui réglementeraient leurs salaires.

Sharifi Moghaddam, secrétaire général de la Maison des infirmières, a admis que « les taux de suicide chez les infirmières sont beaucoup plus élevés que chez les médecins, mais les détails ne peuvent pas être communiqués ». Il a ajouté : « Des études datant des années 2000 ont montré que 35 % des infirmières ont subi des violences physiques et 90 % des violences verbales dans les 6 mois, des chiffres qui ont probablement augmenté de manière significative ces dernières années. » En outre, les statistiques relatives aux infirmières, telles que les suicides et l’émigration, sont classifiées et ne sont pas rendues publiques (eghtesaad24.ir – 25 juillet 2024).

Le suicide en Iran : De la violence et de la pauvreté aux pressions exercées sur les professionnels de la santé
– Shima Ramshek, une jeune fille de 14 ans victime d’un mariage précoce, a mis fin à ses jours.

Pauvreté et violence : Facteurs clés des suicides de jeunes femmes

Les cas tragiques de suicides de femmes et de jeunes filles ne se limitent pas à un groupe spécifique.

L’oppression et la discrimination du gouvernement s’étendent à tous les aspects de la vie, de l’éducation à l’emploi en passant par des lois profondément misogynes. Outre la pauvreté omniprésente, ces pressions – auxquelles s’ajoutent le stress familial dans un système patriarcal, la violence domestique et les abus sexuels – conduisent souvent les femmes iraniennes à des fins désespérées.

– Le 8 juillet 2024, Beery Mostafazadeh, une femme de Mahabad (nord-ouest de l’Iran), s’est immolée par le feu. Cette femme kurde, qui vivait isolée, travaillait dans une mosquée. Après avoir été licenciée, devenue incapable de faire face à la dureté de la vie, elle s’est suicidée.

– Le 9 juillet 2024, Narin Hosseini, originaire de Saqqez, s’est pendue suite à des conflits avec son mari.

– Le 20 juillet 2024, Soma Firoozi, une jeune fille de 16 ans de Saqqez (une ville de l’ouest de l’Iran), s’est jetée dans le vide.

– Le même jour, les soeurs Elena (13 ans) et Elisa (14 ans) se sont suicidées en sautant du 19e étage d’un immeuble des tours Beheshti à Hakimiyeh (nord-est de Téhéran) (Rokna.net – 21 juillet 2024).

– Le même mois, Sayan Tavangari, 18 ans, a mis fin à ses jours en raison de difficultés financières et de l’impossibilité de payer ses frais universitaires (tejartnews.com – 14 juillet 2024).

– Le 21 juillet 2024, une femme de 25 ans s’est jetée d’un viaduc dans le centre de Téhéran.

– Le 23 juillet 2024, une jeune femme nommée Diana Rahmani, originaire de la ville de Salas-e Babajani (ouest de l’Iran), s’est suicidée après avoir été forcée de se marier avec un homme beaucoup plus âgé qu’elle.

– Le 25 août 2024, une jeune fille de 16 ans de Delgan (sud de l’Iran) s’est suicidée en ingérant des pilules.

– Shima Ramshek, une jeune fille de 14 ans victime d’un mariage précoce, le mercredi 28 août 2024 dans le village de Marjanabad, en Iran, a mis fin à ses jours.

Ce ne sont là que quelques exemples des innombrables suicides qui se produisent en Iran sous le régime clérical. Selon le journal Jam-e-Jam du régime (10 janvier 2024), le suicide est la 5e cause de décès chez les adolescents et les jeunes adultes, 52 % des suicidés étant des filles.

Le 28 août 2024, le journal d’État Ham Mihan a rapporté que 7 000 personnes s’étaient suicidées en 2023, et que 20 fois plus de personnes avaient tenté de se suicider.

Source: CNRI Femmes 

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